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Bonne gouvernance : le secteur de la défense en Côte d’Ivoire fait face à un risque élevé de corruption

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L’ONG Social Justice et son partenaire l’ONG Internationale Transparency International, leader mondial de l’évaluation de l’indice de perception de la corruption, ont organisé un atelier pour le lancement de l’indice d’intégrité gouvernementale dans le secteur de la défense mercredi 11 décembre à Abidjan.

L’indice d’intégrité gouvernementale du secteur de la défense est produite tous les quatre (04) ans par Transparency International via son programme Défense et Sécurité. D’après cette nouvelle édition, le secteur de la défense en Côte d’Ivoire fait face à un risque élevé de corruption. Pour arriver à cette conclusion, l’indice évalue les risques de corruption à travers cinq (05) domaines principaux à savoir : les risques politiques, les risques financiers, les risques liés à la gestion du personnel, les risques liés à l’approvisionnement et les risques sur les opérations militaires.

Sur une échelle de notation allant de 0 à 100, la Côte d’Ivoire obtient une note globale de 22/100. Une note supérieure à la moyenne régionale qui est de 18/100. Malgré ce score, les risques de corruption au sein du secteur de la défense et de la sécurité demeurent très élevés en Côte d’Ivoire, en particulier en raison d’un manque d’engagement politique et de faible garanties institutionnelles, qui facilitent la multiplication des abus et pratiques corrompues dans le secteur, indique le rapport.

La mise en place d’un observatoire de lutte contre la corruption souhaitée

Le rapport d’évaluation note par exemple que « certains développements positifs ont vu le jour en Côte d’Ivoire au cours de ces dernières années à travers notamment, la loi de programmation militaire 2016-2020 et la levée de l’embargo partiel sur les armes, imposé par les Nations Unies. Ce qui reflète une stabilisation politique ». Mais en ce qui concerne la transparence et l’intégrité, l’évaluation note que « peu d’avancée ont été enregistrées ». Il évoque les mutineries de Janvier et Mai 2017 de 8.400 soldats pour illustrer ce passage et l’impute à un manque de transparence mais surtout à un manque de recevabilité du secteur de la défense face à la population.

Selon Julien Joly, chargé de projet au programme Défense et Sécurité de Transparency International, « l’indice n’a pas pour vocation de dire que telle personne ou telle institution est corrompue. Le rôle de l’indice consiste à regarder le cadre institutionnel, politique, les règles qui existent en matière de gestion du personnel, des finances, de l’approvisionnement afin de déterminer si ce cadre, ces règles sont suffisamment robuste pour réduire les risques de corruption ».

Les cinq domaines ont été évalués et le rapport recommande que dans les années à venir, il est essentiel que la Côte d’Ivoire accroisse ses efforts pour moderniser les forces armées en mettant en place des normes fortes de recevabilité ainsi que des mécanismes efficace de contrôle externe du secteur de la défense. Car il existe d’énormes défis mis en exergue par le rapport.

Un secteur entièrement aux mains de l’exécutif, échappant à tout contrôle externe

Les insuffisances en matière de contrôle externe du secteur se matérialisent par le fossé qui existe entre l’existence d’un cadre légal pour contrôler le secteur, sa mise en œuvre dans la pratique et son efficacité. La commission défense et sécurité de l’Assemblée Nationale semble limité dans sa capacité d’examen des politiques gouvernant le secteur de la défense, en particulier en terme de gestion du personnel et d’approvisionnement. En conséquence, la concentration de pouvoir entre les mains de l’exécutif signifie que les garanties institutionnelles en matière de lutte contre la corruption sont faibles,  souligne l’évaluation.

Lutte contre la corruption : après les discours, place aux actes concrets

Concernant les finances, le rapport relève que le contrôle financier des institutions de défense est aussi limité par l’insuffisance de détails du budget de la défense, mis à la disposition du pouvoir législatif.  Par exemple, la commission de défense et sécurité,  n’accès qu’à des informations abrégées, en matière de dépenses et de services de renseignement. Cette insuffisance au niveau de la transparence des finances se reflète dans les questions liées à l’approvisionnement, avec un nombre important d’acquisitions exemptées des procédures, prévues par le code des marchés publics. Les acquisitions liées à la défense restent donc voilées de secret et ne semblent pas être soumises à un audit indépendant dans la mesure où, il n’existe pas de preuve concernant la publication de rapport d’audits par les organes supérieurs de contrôle tels que la Cour des Comptes.

Quant à la gestion du personnel, l’évaluation note que la question de l’intégrité du personne de défense et de sécurité reste un défi majeur pour le pays indique le rapport car les paiements dits « de facilitation » ou racket, sont monnaie courante. Les fonctionnaires de la défense ne devraient pas avoir le droit de s’engager dans des activités commerciales non autorisées. Cela constitue un risque élevé pour le bon fonctionnement des forces armées, en particulier compte des preuves attestant de la participation de certains commandants militaires au trafic illicite de produits de base et de ressources naturelles, en particulier dans les sites artisanaux d’extraction aurifère.

En ce qui concerne les risques de corruption liés aux opérations militaires, il apparait que la Côte d’Ivoire ne dispose pas encore de doctrine institutionnalisée plaçant la lutte contre la corruption au cœur des stratégies visant à garantir le succès des opérations militaires.

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Dans une sous-région plus que fragilisée, la Côte d’Ivoire, avec une assez faible note de 22/100 fait figure de bon élève. Preuve qu’il y a d’énormes efforts à déployer afin de garantir l’intégrité au sein du secteur de la défense dans la région. « La Côte d’Ivoire doit faire encore plus d’effort afin de ne pas se retrouver dans une situation d’insécurité chronique du fait de la corruption. Elle doit pour cela mettre en place des mécanismes de contrôle externe notamment à travers le parlement et les organes supérieurs de contrôle comme la Cour des Compte. Mais aussi en mettant en place un mécanisme permettant le contrôle citoyen. Ce qui permettrait à la fois de lutter efficacement contre les risques de corruption et de renforcer la confiance du public dans son armée » a indiqué Constantin KRA de Social Justice.

Connu anciennement sous le nom d’indice gouvernemental anti-corruption, l’indice d’intégrité gouvernementale du secteur de la défense (GDI) évalue l’existence, l’efficacité et la mise en œuvre de contrôles formels et informels visant à atténuer les risques de corruption dans les secteurs de la défense et de la sécurité.

Traoré Bakary

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