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Fonds d’appui au secteur informel : quel impact pour les femmes touchées par le Covid-19 ?

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Pour les aider à faire face à la crise du coronavirus qui impacte leurs activités, le gouvernement a pris des mesures dont la mise en place d’un fonds d’appui au secteur informel d’un montant de 100 milliards de FCFA. Mais les femmes qui exercent de petits commerces profitent-elles de ce soutien ?

Fermeture des maquis et restaurants, baisse d’activités, pertes de revenus et d’emplois… Le coronavirus a durement frappé les tenancières de petits restaurants et les commerçantes dans les marchés. Si cette situation est déplorable pour ces commerçantes, certains y voit le verre à moitié plein. C’est le cas d’Ester Kouamé, une cliente habituée à la formule des plats ‘’emportés’’. Avec une joie à peine dissimulée, la jeune dame explique : « il m’arrivait de passer plus de 30 minutes pour arriver à me faire servir. Actuellement, même si je ne me réjouis pas de la situation, il y a quand même quelques avantages ».

Face à la crise et aux fermetures des maquis et restaurants décidées par les autorités, certaines font preuve de créativité et tentent de se réinventer. A Cocody-Angré ce mercredi 15 avril 2020, devant un restaurant de moyen standing, une pancarte affichait le menu pour la journée (le matin et le soir), numéros de téléphone bien visibles, avec la mention : « livraison et emporté uniquement ». Plusieurs stratégies et techniques sont adoptées par ces tenancières d’espaces de restauration pour permettre de faire tourner les affaires même si la rentabilité n’est pas toujours au rendez-vous. Comme l’explique Henriette, jointe par téléphone : « il est difficile de voir finir la nourriture, pour dire avoir des bénéfices ».

Quel est l’impact des mesures sociales du gouvernement ?

Ces différents bouleversements ont des incidences incalculables sur l’exercice des activités, les revenus de ces femmes et au niveau familial. D’ailleurs, dans son Plan de soutien économique, social et humanitaire de 1 700 milliards de FCFA (soit environ 5% du PIB) annoncé par le Premier ministre le 31 mars, le gouvernement a instauré un fonds de solidarité d’un montant de 170 milliards de FCFA, en vue de financer les populations les plus vulnérables dans le cadre du soutien humanitaire d’urgence. Mais si les opérations de distribution de vivres (riz, huile, sucre, etc.) et les appuis financiers directs (comme l’octroi de 75 000 FCFA par trimestre, soit 25 000 FCFA par mois au profit de 177 198 ménages ; équivalant à un montant de près de 13,3 milliards FCFA) apportent une bouée de sauvetage à des familles vulnérables, elles sont loin de toucher tous ceux qui sont durement frappés par la crise du coronavirus.

COVID-19 : la détresse des femmes du secteur informel (partie 1)

Comme le souligne Aïcha Samaké, vendeuse de banane douce au marché d’Abobo-Gare : « On a dit qu’on fait des dons, mais nous on n’a pas eu aussi ». Une préoccupation partagée par Koffi N’Dri Agnès, commerçante à Angré Petro-Ivoire, qui tente malgré elle de continuer son activité. « C’est à la télé que nous voyons à chaque fois les sacs de riz, mais nous ne savons pas où on doit aller pour en avoir. Comment faire ? Où aller pour avoir aussi ?», questionne-t-elle, dubitative. Elle lance un appel à l’aide des autorités : « au secours gouvernement, on a faim ».

La question de la distribution des vivres aux personnes vulnérables intéresse certaines organisations de la société. Bakary Soro, président de l’ONG ASMA (« à l’écoute de son prochain ») et vice-président de la Coordination nationale des acteurs de l’environnement de Côte d’Ivoire (CNAECI), plateforme qui regroupe une cinquantaine d’associations, pointe le mode opératoire de ces opérations.

« Les dons que nous voyons à la télé sont réellement faits et arrivent aux différents points focaux identifiés pour la distribution. Mais il est malheureux de constater que ces dons sont détournés à d’autres fins. C’est-à-dire au lieu que cela soit distribué aux destinataires par les personnes identifiées, ces dons se retrouvent aux mains des présidents des sections de partis politiques qui distribuent à leurs partisans et on retrouve les restes en vente sur les marchés, les vivres comme les gels hydro-alcooliques », dénonce-t-il. Il réclame plus de transparence pour s’assurer que les bénéficiaires en profitent véritablement. « Il y avait la possibilité de tout vérifier », déclare- t-il, en brandissant des fiches de suivi de leurs différentes actions qui sont menées sur le terrain. Des fiches qui permettent de faire une évaluation et d’avoir une traçabilité.

Le fonds d’appui au secteur informel pas encore opérationnel

Quelle solution pour ces femmes qui sont prises dans le tourbillon de la crise sanitaire ? Un fonds d’appui aux entreprises du secteur informel touchées par la crise d’un montant de 100 milliards de FCFA a été mis en place pour le gouvernement. Pour l’heure, les modalités d’accès à ce financement n’ont pas été clarifiées. Contactée ce 11 mai 2020, la responsable de communication au ministère de la promotion des petites et moyennes entreprises (PME), Madame Rokya Koné a expliqué que les critères d’éligibilités à ce fonds ne sont pas encore établis :

« Toutes les structures impliquées sont à pied d’œuvre pour trouver des réponses à cette questionPour l’instant, toutes les personnes opérant dans le secteur des PME et TPME [très petites et moyennes entreprises] sont invitées à se rendre sur le site internet de l’agence Côte d’Ivoire PME (www.agencecipme.ci), structure sous tutelle du ministère des PME à qui la gestion des fonds a été confiée, pour se faire enregistrer Par la suite, ces personnes seront contactées ».

La faim commence à inquiéter plus que le coronavirus en Afrique

Comment ces femmes du secteur informel, dont certaines ne savent ni lire ni écrire, et très peu familiarisées à internet, pourront-elles profiter de cet appui ? Pour l’heure, c’est le doute qui plane. Selon Blé Maïté Epouse N’Dri, présidente de l’Association des femmes battantes du marché de Koumassi-Sicogi, l’absence de registre de commerce pour la plupart des commerçantes pourrait constituer une barrière dans l’accès à ce fonds.

« C’est difficile pour les commerçantes. Non seulement on ne sera pas touché [par les mesures du gouvernement] mais les taxes ne diminuent pas », déplore cette ex-institutrice reconvertie dans le cosmétique et la coiffure. Si la plupart des marchés ferment dans l’après-midi du fait du Covid-19, les municipalités continuent de collecter les taxes journalières, entre 150 f Cfa à Abobo et 300 f Cfa à Koumassi.

Au bord du gouffre, ces femmes sont dans le désarroi et fondent tout leur espoir sur le gouvernement pour subsister mais aussi pour espérer une relance de leurs commerces fragilisées par la crise sanitaire.

Martine Zogbé

Cet article a été produit dans le cadre du projet ‘’Femmes occupez les médias’’ de l’Institut Panos Afrique de l’Ouest (IPAO)

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