Société

Seulement 1% des terres rurales sont immatriculées

La question du foncier en Côte d’Ivoire était au cœur de la dernière édition des Jeudis Libéraux, un rendez-vous d’échange sur les questions d’actualité initié par la Fonction Friedrich Naumann, pour la liberté.

Comment emmener les populations à immatriculer les terres rurales ? Voici la question principale autour de laquelle les participants ont échangé pendant trois (3) heures. Ce temps d’échange a été notamment meublé par 3 communications. Il ressort de celle-ci que les droits coutumiers continuent de prévaloir en Côte d’Ivoire. Selon les statistiques du ministère de l’agriculture et du développement rural, sur 23 millions d’hectares de terres dans le domaine foncier rural, seulement 460.000 hectares sont immatriculés : ce qui représente 1% des terres ! Sur les 22.540.000 d’hectares restants, les populations détiennent des droits coutumiers. Pourtant, la loi de 1998 relative au foncier rural avait accordé 10 ans aux populations pour immatriculer leurs terres. Face au faible engouement, la loi a été modifiée en 2013 et a accordée à nouveau 10 autres années, soit 2023, pour le faire. Mais la situation n’a pas vraiment évolué.

A ce jour, 3.370 certificats fonciers ruraux ont été délivrés sur 95.532 hectares de terre, 303 villages ont été délimités sur plus de 8.000 que compte la Côte d’Ivoire, 423 baux emphytéotiques ont été accordés, 4.491 comités villageois de gestion foncière rurale (CVGFR) ont été créés « même si on pense qu’ils ne sont pas fonctionnels », constate Edouard N’Cho, sous-directeur du foncier rural. A cela s’ajoute 254 comités de gestion foncière rurale (CGFR) qui ont été créés. Le rôle des CVGFR et des CGFR est indispensable dans la procédure d’immatriculation respectivement au niveau des villages et des sous-préfectures.

Pour changer la donne, des initiatives sont prises. La Fondation Friedrich Naumann a initié un projet en vue d’accompagner voire d’accélérer l’immatriculation des terres en milieu rural. Ce projet va se dérouler sur six ans (de 2016 à 2021). Quatre villages dans les localités de Sinfra et de Guiglo ont été identifiés pour le phase pilote de l’élaboration de leur registre foncier.

« C’est un registre informatisé qu’on veut faire avec deux couches. D’abord, une première couche où nous allons identifier tous les détenteurs de droits coutumiers, c’est-à-dire les propriétaires de terre qui de manière traditionnelle détiennent ces droits dans nos villages. En deuxième phase, nous allons enregistrer tous ceux qui détiennent des terres dans ces villages pilotes », explique Sosthène Koffi, chargé de programme foncier à la Fondation Friedrich Naumann.
« Nous voulons identifier dans chaque village tous les détenteurs de droits coutumiers bien sûr en nous appuyant sur les comités villageois de gestion foncière », ajoute-t-il.

En attendant l’immatriculation, l’objectif de ce projet est de renforcer l’organisation des communautés locales dans la gestion foncière et la gouvernance locale et d’accélérer la délimitation des territoires des villages.

Mais pourquoi l’immatriculation des terres rurales initiée il y a 18 ans peine à évoluer avec succès ? Si pour Traoré Wodjofini, vice-président de la Commission nationale des droits de l’homme de Côte d’Ivoire (CNDH-CI) et ancien leader de la société civile, la loi de 1998 permet de « régler de façon durable » les conflits fonciers et fournir un système de bornage des territoires villageois, il relève quelques faiblesses. Notamment l’insuffisance de la vulgarisation de la loi de 1998 sur le foncier rural, la faible implication des rois et chefs traditionnels dans cette vulgarisation, une procédure d’immatriculation « trop longue, complexe et difficile », les coûts onéreux de la procédure puisque l’immatriculation d’un hectare de terre peut revenir entre « 400 et 500.000 francs Cfa », l’insuffisance des géomètres experts qui ne sont que 25 actuellement pour immatriculer les 22 millions d’hectares de terres rurales. Il plaide pour ces faiblesses soient corrigées et propose le renforcement des capacités des Comités villageois de gestion foncière rurale, car, souligne-t-il, ils ne sont pas fonctionnels et « à un moment donné, ils s’érigent en vendeur de terrain, ce qui débouche souvent sur les conflits fonciers ».

Quant au ministère de l’agriculture, l’annonce des réformes afin de faciliter la procédure d’immatriculation et réduire les coûts avec l’Agence foncière rurale (AFOR) qui vient d’être créée. « L’Agence va s’employer à remédier à cela », promet Édouard N’Cho.

Anderson Diédri 

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