Amnesty International dénonce des violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire dans son dernier rapport présenté ce jeudi 22 février 2018. Lors d’une conférence organisée au siège d’Inades-Formation à Cocody, l’ONG internationale a clairement souligné que la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire n’est pas du tout reluisante.
C’est un long chapelet de faits et de situations que l’on peut consulter à souhait dans ce dernier rapport qui n’honore pas la Côte d’Ivoire. Prisonniers politiques, procès du président Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé à la Cour pénale internationale, arrestations de 8 journalistes en 2017 et répression des manifestations d’étudiants et de planteurs, voici autant de réalités qui ont émaillé l’actualité et sur lesquels le rapport revient longuement. Dans chacun de ces cas, la question du respect de la dignité humaine revient sans cesse.
« Nos 70 an d’anniversaire sont marqués par un tableau des plus sombres de l’état des droits humains dans le monde. Malheureusement, la Côte d’Ivoire n’est pas en reste dans le tableau cauchemardesque de l’état des droits humains dans le monde », a indiqué Peggy Kakou, président d’Amnesty International section Côte d’Ivoire.
Lors de la présentation de son rapport annuel qui passe en revue la situation des droits humains de 159 pays dans le monde, les responsables de l’ONG n’ont pas été tendres envers le pouvoir d’Abidjan. Dans son rapport, Amnesty International dénonce l’impunité dont bénéficie le camp Ouattara depuis la fin de la crise post-électorale et parle de justice des vainqueurs qui vise le camp Gbagbo, évoquant les condamnations des ministres Hubert Oulaye et Assoa Adou, de Simone Ehivet Gbagbo, Antoinette Meyo, etc.
« Les procédures sont engagées. Nous déplorons la célérité des procédures de l’autre camp et la lenteur pour les procédures du camp Ouattara. Donc si nous avons la même célérité, nous serons vraiment heureux de dire qu’il n’y a pas de justice des vainqueurs », a déclaré Peggy Kakou, président d’Amnesty Côte d’Ivoire.
« Il y a eu deux belligérants. Mais jusqu’aujourd’hui, nous constatons que c’est une seule partie qui est visée (…) Amnesty est contre une justice unique. La justice doit être dans les deux sens. Voilà la position d’Amnesty. Nous rappelons au gouvernement qui s’était engagé à poursuivre aussi les personnes de l’autre camp », rappelle-t-il.
L’ONG de défense des droits de l’homme note des poursuites à double vitesse au niveau de la justice internationale, notamment la Cour pénale internationale (CPI). Là encore, le camp Ouattara est épargné. « Le président est en droit de ne pas envoyer certains. C’est la Côte d’Ivoire qui décide d’envoyer qui il veut à la CPI. Donc suivant sa déclaration, le président est en droit. Mais ce que Amnesty demande, c’est que si le gouvernement refuse d’envoyer des personnes à la CPI, il faut que le gouvernement se donne les moyens de juger ces personnes sur le territoire ivoirien, un jugement équitable », estime le premier responsable d’Amnesty en Côte d’Ivoire. « Mais aujourd’hui, force est de constater qu’aucune procédure n’a encore été engagée concernant les pro-Ouattara », déplore-t-il.
Pour sa part, Delmas Kokou, directeur exécutif d’Amnesty Côte d’Ivoire a rappelé que 179 pro-Gbagbo sont actuellement en prison. 94 ont été jugés dont deux condamnés à perpétuité. Il a évoqué le cas Samba David que le régime n’a pas permis de rencontrer. « Nous n’avons pas eu accès à Samba David, nous n’avons pas eu accès au lieu de détention. Et ça, nous le dénonçons, nous essayons d’approcher les autorités pour que cela change », explique-t-il. Le président d’Amnesty Côte d’Ivoire a tenté de rassurer les proches du président de la Coalition des Indignés Côte d’Ivoire. « Nos amis des Indignés, nous allons tout faire à vos côtés pour que les droits de Samba David soient respectés et qu’il puisse recouvrer la liberté », a promis Peggy Kakou, avant de déplorer les conditions de détention des détenus :
« Nous déplorons les conditions de vie de ces personnes. Il y a deux qui sont morts en détention. Donc c’est dire que ces personnes sont vraiment dans des conditions déplorables ».
Réagissant au rapport accablant d’Amnesty International, N’Djomou De Achille, Conseiller technique du ministre de la justice, a révélé que Samba David, qui a déjà purgé sa peine mais qui continue d’être détenu injustement pour atteinte à la sûreté de l’Etat, sera à nouveau jugé cette fois-ci devant la Cour d’assises. « Monsieur Samba David a été programmé pour les prochaines assises », a annoncé le Conseiller du ministre de Ouattara. Ce magistrat a également fait des révélations sur les poursuites qui auraient été engagées contre le camp Ouattara.
« Concernant la situation des pro-Ouattara qui ne sont pas encore poursuivis, je peux vous rassurer d’une chose (…) Au moment où je vous parle, certaines personnes sont poursuivies, des enquêtes sont menées, les dossiers sont en instruction mais ces dossiers sont frappés du sceau de la confidentialité. Ce ne sont pas des dossiers pour lesquels le procureur de la république viendra s’asseoir devant une caméra pour dire voici ce que je fais, voici ce que je ne fais pas. Les représentants de madame Bensouda, procureur de la Cour pénale [internationale] sont à Abidjan (…) Donc c’est pour vous dire que c’est un processus », a tenté N’Djomou De Achille face aux critiques sur la justice des vainqueurs.
En tout cas, pour terminer, Peggy Kakou, président d’Amnesty Côte d’Ivoire, a souhaité des améliorations dans l’administration de la justice : « Il y a des violations des droits humains qui sont constatées en Côte d’Ivoire. Il y a aussi des avancées sur la notion de droits humains. Aujourd’hui, on peut dire que notre positif ivoirien est très bien fourni ne ce qui concerne les instruments de protection des droits humains. Mais le problème, c’est l’applicabilité de ces textes ».
SUY Kahofi
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