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25 ans d’OGM en Afrique : quel bilan ?

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En 1996, l’Afrique du Sud devenait le premier pays d’Afrique à cultiver des plantes génétiquement modifiées (OGM) avec le maïs. Depuis 25 ans, le débat sur la pertinence des OGM dans l’agriculture africaine continue d’être d’actualité avec un bilan en dent de scie pour les pays qui ont déjà testé ces semences controversées. 1996-2021 : bilan de 25 ans d’OGM en Afrique grâce à l’exemple de trois pays.

Un tour d’horizon de la carte des OGM en Afrique nous donne de constater que seuls l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, l’Égypte et le Soudan ont cultivé des plantes génétiquement modifiées jusqu’à présent. Une production de masse de plantes OGM par seulement quatre pays à l’échelle de tout le continent ?

Oui, car en dépit du débat sur les OGM seuls ces pays cités ont franchi intégralement les trois étapes menant à la production de culture OGM. Ces étapes sont l’adoption d’un cadre législatif ou cadre réglementaire, les tests et la production à grande échelle pour la consommation intérieure ou la vente sur le marché mondial.

Une politique de prudence face aux OGM ?

La question des OGM a créé sur le continent six catégories de pays en fonction du débat en cours et de la position des ONG, généralement défavorable aux OGM. La première catégorie est celle des pays favorables aux plantes génétiquement modifiées. Les pays de ce groupe sont déjà à la phase de production à grande échelle (l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, l’Égypte et le Soudan).

La deuxième catégorie est celle des pays qui ont franchi l’étape du cadre réglementaire mais qui sont encore à la phase des tests. On retrouve dans cette catégorie des pays comme le Kenya, le Nigeria, le Mozambique ou le Malawi.

La troisième catégorie concerne les pays qui sont plutôt favorables mais qui n’ont autorisé l’usage des OGM que de façon partielle. Cette utilisation dite partielle concerne des tests de culture à petite et moyenne échelle dans des zones bien définies. Le Ghana, le Cameroun, la Tanzanie et l’Ouganda sont sur cette liste.

La quatrième catégorie est celle des pays ayant pour le moment une position plutôt restrictive sur la question des OGM mais qui sont dans une phase de recherche pour l’adoption d’une réglementation. C’est le cas du Sénégal, de la Tunisie, du Mali, du Togo ou de l’Algérie.

Certains pays qui ont clairement affichés leur opposition aux OGM constituent la cinquième catégorie. Au Maroc, au Bénin, en Angola et au Zimbabwe, des interdictions ou moratoires par voie législative ou décrets sont en vigueur.

Dans la sixième catégorie figure les pays n’ayant pas encore un cadre réglementaire. On y retrouve la RDC, le Niger, le Tchad, la Côte d’Ivoire ou la Guinée.

Persévérer et maintenir le cap…
Le coton, le maïs et le soja OGM sont cultivés à grande échelle en Afrique du Sud

Le débat sur les OGM a débuté en 1990 en Afrique du Sud. Six ans plus tard, le pays a décidé de basculer dans l’univers des biotechnologies agricoles, mieux connues sous le nom d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Le pays veut croire en son développement agricole basé sur cette technologie et les chiffres le montrent.

Selon un récent rapport de l’Institut national sud-africain de la biodiversité (SANBI) consulté par Eburnie Today, le pays compte au total au moins 2,7 millions d’hectares de terres consacrées à la production de coton, de maïs et de soja génétiquement modifiés. Entre 85% et 95% de tout le maïs, 95% à 100% de tout le soja et tout le coton en Afrique du Sud est génétiquement modifié !

L’Afrique du Sud est le neuvième plus grand producteur de cultures génétiquement modifiées dans le monde. Les trois cultures commerciales qui ont été génétiquement modifiées l’ont principalement été pour favoriser la tolérance aux herbicides et une meilleure résistance aux insectes.

Les cultures résistantes aux insectes (cultures Bt) sont celles qui sont capables de résister aux dommages causés par les insectes et les cultures tolérantes aux herbicides sont tolérantes au glyphosate, un herbicide chimique utilisé pour tuer à la fois les plantes à feuilles larges et les graminées.

Pionnière en matière d’OGM sur le continent, l’Afrique du Sud n’a sans doute pas eu à souffrir du débat politique et scientifique houleux sur la question. L’environnement socio-politique et scientifique bien différent autour des années 90 aura favorisé la croissance des OGM dans le pays. Une croissance des OGM avec des résultats que la SANBI trouve satisfaisants. Un bilan différent au pays des hommes intègres.

Entre espoir et déception au Burkina Faso
L’enthousiasme pour le coton Bt a été de courte durée au Burkina Faso

En Afrique de l’ouest, l’exemple du Burkina Faso est utilisé dans de nombreux pays comme un épouvantail face aux soutiens des OGM. Dans ce pays de la zone sahélienne, une loi sur la biosécurité a été adoptée en 2006. Les agriculteurs ont pu alors faire le choix entre le coton local et les semences de coton génétiquement modifiées développée par la société américaine Monsanto avec l’approbation des autorités burkinabés.

La belle publicité autour de cette nouvelle semence miracle a poussé 150 000 ménages à cultiver le coton de Monsanto entre 2008 et 2016. Cependant, les gains en volume réalisés par le pays n’étaient pas compensés par la qualité de la fibre de coton.

En conséquence, le Burkina Faso a fait volte-face, abandonnant sous la pression des ONG et des agriculteurs mécontents le coton Bt pour revenant au coton biologique grâce auquel il s’était fait un nom en tant que premier producteur africain de coton.

Yoweri Museveni : un anti-OGM ?
Yoweri Museveni, président de l’Ouganda

L’Ouganda est un exemple assez frappant en ce qui concerne les OGM. Dans cette nation d’Afrique de l’est, le gouvernement n’est pas encore sur la voie de la mise en place d’un cadre réglementaire qui pourra régir la recherche, les tests et la production agricole génétiquement modifiée.

Et pour cause, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ne sont pas sur la même longueur d’onde en ce qui concerne les OGM. Huit ans, des centaines de milliers de dollars et de longue réflexion au parlement pour être encore dans l’impasse. Aucune proposition de loi concrète sur le développement et l’utilisation de la biotechnologie agricole en Ouganda n’a été proposée. L’idéal serait plutôt de dire que des désaccords persistent entre le parlement et le président de la république.

Yoweri Museveni a refusé à deux reprises de promulguer le projet de loi national sur la biotechnologie et la biosécurité de l’Ouganda. Argument avancé par le leader au pouvoir depuis 35 ans : certains aspects du projet de loi pourraient être préjudiciables à l’Ouganda dans le futur.

Trois exemples d’expérimentation et d’utilisation des OGM avec des résultats assez différents. Le contexte international, politique et socio-économique qui a permis l’Afrique du Sud de réussir sa migration vers les OGM a fondamentalement changé. Le modèle sud-africain semble être une réussite mais juste un succès à l’échelle d’un continent de 54 pays. L’Afrique du Sud n’est pas non plus une économie représentative du continent : c’est un pays riche avec une structure politique, sociale et économique foncièrement différente de plusieurs pays africains.

Il serait sans doute difficile de répliquer le modèle sud-africain dans plusieurs autres pays du continent. Chaque Nation semble vouloir évoluer à son rythme en analysant en profondeur les avantages et les inconvénients des OGM sur le court, moyen et long terme. Les exemples du Burkina Faso et de l’Ouganda qui résument mieux l’actualité des OGM en Afrique nous montrent que la question de la production agricole génétiquement modifiée divise encore les ONG, les chercheurs et surtout les décideurs.

Suy Kahofi

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