Le monde célèbre cette année les 20 ans du Statut de Rome, le texte fondateur de la Cour pénale internationale. Cette célébration qui suscite un intérêt pour le Statut de Rome soulève aussi des interrogations relayées par les médias.
Journalists for Justice a organisé le jeudi 04 Octobre, une rencontre-débat autour du thème « 20 ans du Statut de Rome et les médias ». Cette rencontre soutenue par la Municipalité de La Haye a été une occasion pour les journalistes de se prononcer sur l’action de la Cour pénale internationale (CPI), leur couverture de la justice internationale et les difficultés à suivre les procès à La Haye, les relations entre les pays africains et la CPI sans oublier le perpétuel challenge de la liberté d’expression.
Constamment sous le feu des critiques, la Cour pénale internationale est une jeune institution judiciaire d’à peine une vingtaine d’années qui doit encore se construire. Son action, ses procédures et son système mixte Common law-droit gallo-romain restent encore obscures pour de nombreux acteurs y compris les professionnels du droit.
Rendre compte de l’actualité de la Cour et des procès devient dans ce contexte un exercice assez difficile surtout pour des journalistes dont certains n’ont aucun background juridique. Pour Thomas Verfuss président de l’Association des journalistes à la CPI (AJCPI), la seule option pour permettre aux journalistes de mieux comprendre la Cour est la formation. Une meilleure connaissance de la CPI permet d’éviter les analyses hâtives et infondées sur les décisions de la Cour et les pièges de la manipulation politique.
En effet, bien trop souvent les passions politiques et les articles de presse à forte coloration idéologique donnent une image erronée de la CPI. La plupart du temps, dans les pays où des affaires, situations ou procès sont ouverts, ce traitement faux de l’information sert les intérêts d’une presse partisane et bipolarisée.
« Cette situation est commune au pays qui ont une procédure à la CPI » indique Kwamchetsi Makokha, chef du bureau de Journalists for Justice au Kenya.
Et sur ce sujet l’exemple ivoirien d’une presse très divisée sur la question de la CPI a fait l’objet de quelques interrogations et analyses. Le procès Laurent Gbagbo – Charles Blé Goudé cristallise les passions et les journalistes en fonction de leurs chapelles politiques semblent attiser les oppositions. Une orientation pleinement assumée au plan politique mais aussi économique car le procès fait vendre reconnait Vamara Coulibaly, directeur de publication du Groupe Olympe de Côte d’Ivoire. Qu’à cela ne tienne, le journaliste doit pouvoir rester professionnel en ce qui concerne le traitement de l’information liée à la CPI préconise Ewing Amadi Salumu journaliste originaire de la République Démocratique du Congo.
« Une meilleure compréhension du travail de la CPI peut permettre de porter le bon message aux populations à la base et aux communautés directement touchées par les crimes jugés par la Cour » fait-il remarquer.
Le contexte africain en ce qui concerne la liberté d’expression et de presse reste assez sensible. Les meurtres et agressions de journalistes se multiplient. L’actualité de la Cour à La Haye ayant un impact sur le terrain et conduisant parfois à des analyses politiques, les tenants du pouvoir ne sont pas toujours d’accord avec le point de vue des médias. Voici pourquoi Antoine Kaburahe, fondateur de l’hebdomadaire Iwacu insiste sur le professionnalisme des médias et préconise une « fidélité aux faits et à la vérité ». Le journaliste burundais aujourd’hui en exil souligne que bien que la CPI soit encore en construction, son action reste importante.
Dans son pays, les dérives et graves violations des droits de l’homme méritent un intérêt particulier de la Cour puisque ce ne sont pas les autorités au pouvoir qui iront prôner « la lutte contre l’impunité ». L’action de la Cour mérite donc d’être connue afin qu’elle ne soit plus considérée en premier lieu comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des dirigeants africains mais comme un instrument de lutte contre l’impunité précise Benson Ongom, journalistes Ougandais.
Lors de son intervention, il n’a pas manqué de saluer l’initiative de Journalists for Justice visant à rapprocher les journalistes de la CPI à travers des voyages d’étude. Une présence auprès des acteurs de la Cour qui permet également une couverture des procès à La Haye. Une aubaine car financer un voyage à la CPI pour des médias africains n’est pas une possibilité à envisager pour la grande majorité car un tel voyage coûte trop cher.
Ce débat sur les 20 ans du statut de Rome a permis aussi d’évoquer la question de la sécurité des journalistes. Le contexte d’exercice de la profession de journaliste reste sensible en Afrique et dans la majorité des pays du monde. Les professionnels des médias doivent donc être réseautés afin d’avoir des leviers supplémentaires de protection préconise Thomas Verfuss président de l’Association des journalistes à la CPI (AJCPI).
À ce jour, la CPI a été saisie de 26 affaires dont certaines comportaient plus d’un suspect. Les juges ont délivré 32 mandats d’arrêt. Grâce à la coopération des États, 9 personnes ont été détenues au quartier pénitentiaire de la CPI et ont comparu devant la Cour. 15 personnes sont toujours en liberté. Les charges portées contre 3 personnes ont été abandonnées suite à leur décès. Les juges de la CPI ont également délivré 9 citations à comparaître qui ont toutes été respectées. Ils ont rendu 6 verdicts : 8 condamnations et 2 acquittements.
Ces données sont la preuve que la Cour – malgré les nombreuses critiques, les imperfections et l’incompréhension de ses procédures – travaille à lutter contre l’impunité et prévenir par ses décisions des génocides, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime d’agression. La Cour peut ne pas être parfaite à 100% comme toute œuvre humaine mais « c’est avec l’appui de tous que la CPI pourra arriver à avancer et atteindre ses objectifs » a indiqué en guise de conclusion Jan Hennop, modérateur du débat.
SUY Kahofi
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