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90.000 objets d’art africain seront rendus par la France

Le rapport Savoy-Sarr a été remis vendredi au président Emmanuel Macron. Le document recommande à la France de changer sa loi pour renvoyer en Afrique des milliers d’œuvres d’art.

Le rapport a été rédigé par Bénédicte Savoy de France et Felwine Sarr du Sénégal. Les auteurs indiquent que toute œuvre d’art africain de l’époque coloniale qui se trouve aujourd’hui dans des musées français devrait être présumée avoir été acquise sans consentement éclairé, sauf preuve contraire. Ils veulent que la loi française soit modifiée pour que les pièces d’art puissent être rendues au pays d’où elles ont été sorties depuis des décennies. Le rapport Savoy-Sarr s’inscrit dans la droite ligne d’un processus entamé par le Président Emmanuel Macron lors d’une visite au Burkina Faso et qui vise à restituer de façon temporaire ou définitive des œuvres d’art aux pays africains de l’ex pré-carré colonial de la France.

Une restitution en 3 phases

La première étape dans la restitution des œuvres africaines consiste selon le rapport, à la prise de mesures législatives visant à rendre les restitutions d’objets d’art africain irrévocables. La seconde phase (2019-2022), devrait permettre un inventaire complet, faciliter l’accès et le partage des documents digitaux, mettre en place des commissions et des ateliers dans le cadre d’un « dialogue intensif ». A ce niveau, les pays africains « doivent être assurés que leurs demandes de restitutions seront reçues au-delà des cinq ans » préconise le rapport sur la base du laps de temps évoqué par Emmanuel Macron dans son discours de Ouagadougou en 2017.

La troisième phase, celle du transfert définitif des œuvres doit commencer en novembre 2022. Aucune date de fin n’est prévue pour cette phase et doit certainement s’étendre aussi longtemps que la dernière des œuvres ne quitte officiellement la France.

Si la loi française venait à être modifiée, la restitution pourrait concerner quelques 90.000 objets africains présents dans les collections publiques en France. Plus de 20.000 autres œuvres se trouvent dispersés dans de nombreux musées, notamment dans les villes portuaires de France. 70.000 objets d’art africain se trouvent dans le seul Musée du Quai Branly-Jacques Chirac. 46.000 ont été acquis durant la période 1885-1960 et sont donc susceptibles – selon le rapport Savoy-Sarr – d’être restitués.

Un ‘butin’ colonial pris à différents peuples

Sur les 70.000 objets d’art africain se trouvant au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, les pièces venant du Tchad sont les plus nombreuses car son territoire est au point de jonction entre l’Afrique du nord et l’Afrique sub-saharienne. On les estime à 9.296. Suivent les objets pris à Madagascar (7.590), au Mali (6.910), en Côte d’Ivoire (3.951), au Bénin (3.157), au Congo (2.593), au Gabon (2.448), au Sénégal (2.281) et en Guinée (1.997).

Des pièces proviennent de territoires qui n’ont pas été colonisés par la France. Il s’agit de l’Ethiopie (3.081), du Ghana (1.656), du Nigeria (1.148) et de RD Congo (1.428). Les pièces d’Afrique australe (9.282) et d’Afrique de l’Est (5.343) sont moins nombreuses.

Les pièces ainsi évaluées en chiffre représentent un patrimoine important pour chaque peuple à qui ils ont été pris bien trop souvent de force lors de la période coloniale. Il s’agit d’objet sacré ou à caractère initiatique transmis de génération en génération et qui se confondent à l’origine de ces peuples. Nous pouvons citer les masques initiatiques malinkés de Guinée, le masque de justice ikwara Punu du Gagon, les statuts d’offrande Bamanan du Mali ou les statuettes de fécondité bété de Côte d’Ivoire.

La pauvreté des collections africaines

Le rapport Savoy-Sarr révèle que d’autres grands musées européens ont aussi de larges collections africaines. Il s’agit du Musée Royal de l’Afrique Centrale de Belgique avec ses 180.000 pièces africaines, le British Museum et ses 69.000 objets africain, le Weltmuseum de Vienne avec 37.000 œuvres, le futur Humboldt Forum de Berlin et ses 75.000 pièces africaines et le Weltmuseum de Vienne 37.000 œuvres. Cette riche collection hors du continent fait pâlir d’envie les musées nationaux africains dont les collections n’excèdent pas souvent les 3.000 œuvres. Ces objets exposés dans quelques vitrines n’ont souvent pas une grande valeur artistique et historique.

La France et les pays d’origine des pièces à transférer devront élaborée – en commun – une méthodologie de restitution. Le retour de ces œuvres en Afrique serait une forme de réparation pour ce que certains intellectuels africains qualifient de crimes culturels liés à la colonisation.

SUY Kahofi

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