Marché public : comment ANRMP régule le secteur ?
Certains travaux sont mal exécutés par les entreprises après la passation des marchés publics entrainant d’énormes dommages aux bénéficiaires de ses réalisations que sont les populations. Comment cela est-il possible ? Quels sont les responsables ? A quelles sanctions sont-elles soumises ? Quelle est la responsabilité de l’Etat de Côte d’Ivoire à ce niveau ? Coulibaly Non Karna président de l’autorité de régulation des marchés publics (ANRMP), sans langue de bois s’est prêté au micro d’eburnitetoday.
Monsieur le président, en tant que régulateur quelle définition donnez-vous à un marché qui a été mal exécuté ?
Il Faut dire que nous ne sommes pas les seuls acteurs. Vous avez le maitre d’ouvrage qui commande donc l’ouvrage, vous avez le maitre d’œuvre qui est le responsable de l’exécution physique et vous avez les comptables qui sont responsables de l’exécution financière. Chacun doit donc jouer sa partition et l’autorité de régulation des marchés publics (anrmp) vient de temps en temps faire des audits, voir par exemple tout ce qui ne va pas lorsque le retard atteint une certaine ampleur.
Prenons l’exemple des routes. Les routes, nous avons non seulement ceux qui commandent l’ouvrage mais également des maitres d’œuvres qui ont toute l’expertise pour pouvoir contrôler et veiller au parfait achèvement des travaux.
Nous pouvons juste dire qu’il faut leur faire confiance, que la sonnette d’alerte qui a été tirée doit l’être pour nous tous. L’anrmp n’est pas là pour donner des leçons, elle est juste là pour tirer sa partition et essayer à travers les audits qu’elle va faire bientôt, ces audits des routes, donner des recommandations à l’Etat de Côte d’Ivoire pour que tous ces milliards investis soient encore bon à travers les routes qu’on pourra utiliser pendant 10, 15 et 20 ans et que la détérioration prématurée des routes ne porte pas préjudice aux populations pour pouvoir circuler, vaquer à leur occupation, évacuer par exemple les produits lors des traites du café et du cacao etc.
C’est un débat très important où il ne faut pas que ce soit une seule structure qui soit porteuse des solutions. Maitre d’ouvrage, maitre d’œuvre, structures de contrôle, autorité de régulation chacun doit jouer sa partition en harmonie pour le bonheur des populations et pour le compte de l’Etat de Côte d’Ivoire.
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Comment vous constater qu’un marché est mal exécuté ?
Nous ne pouvons le constater que dans le cadre de nos attributions. Nous faisons par exemple des audits. Cela consiste à venir en tant que régulateur avec un cabinet privé et indépendant, regarder les cahiers de charge dans ce qui a été donné comme dossier d’appel d’offre, ce qu’elles ont indiqué. Regarder à l’exécution ce qui a été fait.
Regarder donc l’écart entre ce qui a été indiqué et ce qui a été fait et tirer donc les conséquences. Si nous demandons la livraison d’une route d’une épaisseur de 5 millimètres et qu’a l’exécution elle est de 4 millimètres, on se dira comment avons-nous pu faire ces travaux en violation du cahier de charge ?
Mais si par contre c’est la conception même et le dossier qui demandaient cette épaisseur qui à la pratique n’est pas bonne, il faut remonter plus loin dans les responsabilités donc nous ne pouvons pas dans un premier temps dire qui a tort, qui a raison.
En réalité durant l’exécution des travaux l’anrmp n’intervient pas alors que c’est durant l’exécution des travaux en amont que tout se fait. C’est donc en amont qu’il faut tirer la sonnette d’alarme et que la responsabilité de ces maitres d’œuvre qui sont chargés de suivre la parfaite exécution des ouvrages soit mise en jeu ainsi que les entreprises aussi qui exécutent ces travaux. L’anrmp n’étant pas maitre d’œuvre, elle ne peut pas en amont intervenir elle joue certes sa partition mais en aval c’est pour cela qu’il est important que chacun joue sa partition.
Quand vous constater qu’un marché a été mal exécuter à quelles sanctions sont soumises généralement les entreprises ?
Il y a des sanctions qui sont de l’ordre de l’anrmp et d’autre de l’ordre de la direction des marchés publique (dmp). Je prends l’exemple : si jamais le marché est mal exécuté, si les retards sont importants c’est une résiliation mais l’anrmp ne prononce pas de résiliation. C’est la direction des marchés publique (dmp) qui instruit le dossier et c’est le ministre du budget qui résilie le marché. Par contre l’anrmp intervient s’il y a eu des manœuvres frauduleuses ; si il y a eu des inexactitudes délibérées. C’est une autre procédure qui peut emmener à l’exclusion de l’entreprise ; mais ce n’est pas la même sanction.
En tant que l’anrmp nous viendrons voir s’il a fait du faux en disant qu’il y aura des ingénieurs et qu’a la pratique il n’y a que des techniciens. S’il y a du faux en disant que l’entreprise était qualifiée, qu’elle était à jour de certains documents alors que ce n’est pas le cas. L’anrmp est saisie pour les cas de fraude, de manœuvre frauduleuse tandis qu’une entreprise peut ne pas avoir frauder sur les documents mais a l’exécution ne pas faire les travaux dans les délais ou dans la qualité ; et là c’est une résiliation qui est du ressort du ministre en charge du budget donc vous avez deux genres de sanctions. L’anrmp n’est compétente pour sanction que lorsqu’ il est démontré que c’est des manœuvres frauduleuses.
Tandis que la résiliation pour faute est du ressort du ministre en charge du budget après instruction de la direction des marchés publics. Dans notre cas, nous avons fait des audits qui ont été portés à la connaissance de la population. Nous avons à ce jour exclus 36 entreprises mais dans le cadre de notre domaine de compétence parce que l’anrmp n’est pas un justicier. Elle ne peut pas s’inviter dans tous les débats, être le redresseur de tort au risque de déborder du canevas dans lequel l’Etat lui a demander de travailler.
Est-ce qu’on a un bilan exhaustif des sanctions infligées en la matière ?
Nous avons un bilan depuis fin 2014. L’arrêté a été pris donc sur la période 2015, 2016, 2017 nous avons aujourd’hui 36 entreprises qui sont exclus de tout appel d’offre en Côte d’Ivoire pendant 2 ans. Leur liste est consultable sur le site de l’anrmp www.anrmp.ci donc c’est le résultat concret de notre action.
Quels garde-fous prévoyez-vous pour éviter que ce genre de situation arrive ?
C’est un peu comme en médecine, il y a d’abord des méthodes préventives et des méthodes curatives. Les méthodes préventives c’est d’informer et former les gens, diffuser la réglementation, les sensibiliser sur les risques qu’ils encourent. Maintenant le cas échéant si à la pratique il y a des débordements, il faut sanctionner. Sanctionner et publier les sanctions pour que les gens sachent qu’il n’y a pas d’impunité et que désormais la peur du gendarme fasse que ces entreprises se comportent mieux donc nous agissons en termes de prévention nous agissons aussi pour sévir au cas où malgré tous les signaux d’alerte donnés, malgré toute la sensibilisation les gens continuent de persévérer.
On a constaté tous que le tronçon de l’autoroute du nord était un peu mal fait, a un certain moment on n’en a parlé. Est-ce qu’il y a eu des sanctions pour cette entreprise-là ?
Comme je l’ai dit il y a plusieurs structures qui interviennent. En ce qui concerne les routes l’anrmp vient de lancer l’appel à manifestation d’intérêt pour recruter un cabinet qui va venir faire l’étude. Il s’agira de plusieurs tronçons. C’est à la fin de cette étude, lorsque l’audit sera décidé que l’anrmp le restituera au niveau de la nation mais je vous l’ai dit le problème commence où on choisit l’entreprise, lorsqu’elle exécute les travaux c’est pour cela qu’il faut faire la part des choses. L’anrmp prend toujours ces responsabilités quand c’est de son domaine de compétence mais l’anrmp n’a pas vocation à être un justicier et sortir de son champ de compétence pour s’inviter dans des débats qui relèvent de la compétence d’autres structures comme les maitres d’œuvre qui sont chargé de s’assurer de la bonne exécution des travaux en cours.
Je vous invite donc à aussi saisir tous les autres organes de l’Etat qui dans leur domaine de compétence diront ce qu’il y a à faire. Dans tous les cas nous l’avons annoncé le recrutement du cabinet est en cours. Tout comme les six autres audits précédemment réalisé, cet audit des routes va être publié et assorti de recommandations et devant toute la nation l’anrmp fera son travail mais les autres acteurs aussi sont invités à faire le leur.
Raïssa Yao