Andrea Nüsse : « Le journalisme de qualité et la liberté de presse sont menacées »
Andrea Nüsse, chef du programme international de journalisme de la fondation Friedrich Naumann pour la liberté, parle des initiatives de la fondation pour soutenir la liberté de la presse mais aussi des menaces qui pèsent de plus en plus sur celle-ci.
Pourquoi la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté a décidé d’organiser ce programme de renforcement des capacités pour les journalistes venant de l’Afrique ?
On travaille beaucoup dans le secteur de la liberté de la presse et des médias aussi bien en Allemagne qu’à l’étranger parce qu’étant une institution ou une fondation de vision libérale qui lutte pour créer ou garder une société libérale, ouverte et favorable la liberté de la presse et des médias. Aussi, un journalisme indépendant et professionnel est primordial pour créer cette société.
Est-ce que ce programme s’inscrit dans un projet spécifique ?
Oui, puisqu’on a ce focus là-dessus. On fait des tas d’activités ou de programmes et cette formation sur ‘’l’art du reportage’’ pour des journalistes de l’Afrique de l’ouest en fait partie. Puisqu’on s’est dit que le reportage est un genre journalistique très intéressant qui peut toucher les lecteurs, qui peut vraiment parler des histoires qui se passent dans les pays et qui est un genre journalistique pas tout simple, quelque fois un peu négligé.
Et à travers nos partenaires et nos bureaux dans les pays, on a décidé que c’était une formation intéressante très spécifique dans ce cas-là pour soutenir des journalistes qui travaillent dans ce domaine, qui font des reportages.
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A l’ouverture de cette formation, vous avez dit que le travail des journalistes est aujourd’hui menacé. Qu’est-ce qu’on doit comprendre par-là ?
Notre fondation, depuis ses débuts, travaille aussi dans ce domaine. Mais on l’a renforcé, ce travail, ces dernières années en créant ce département de journalisme international à la fondation Friedrich Naumann. Mais aussi dans nos bureaux à l’étranger, on travaille dans une soixantaine de pays. On travaille dans la plupart du temps avec des partenaires dans les secteurs des médias ou associations de journalistes.
On a renforcé ce travail dernièrement parce qu’on pense que le journalisme de qualité et la liberté de presse sont menacées un peu partout dans le monde. Peut-être quelque fois pour des raisons différentes. Il y a des pays où c’est plutôt la censure étatique ou d’un système autoritaire. Ça peut-être aussi les pressions de sociétés traditionnelles qui refusent certaines ouvertures ou par exemple comme en Allemagne c’est une pression économique qui se ressent très fortement dans la crise de la presse écrite par exemple et qui menace aussi la qualité du journalisme aujourd’hui.
En plus, toutes les tendances populistes, tout ce qui passe sur les médias sociaux qui est présenté souvent comme du ‘’journalisme alternatif’’ ou des ‘’news alternatifs’’ mais enfin de compte, souvent les gens ne savent plus distinguer entre un journalisme professionnel et un avis que les gens mettent sus les médias sociaux. Et tout ça fait qu’on a une crise un peu partout, des menaces… Même en Europe, on a eu des journalistes assassinés récemment à Malte et en Hongrie, après dans d’autres pays du monde : la Turquie, la Russie…, c’est connu, il n’y a presque plus de presse libre.
Et dans ces conditions, que fait la fondation pour soutenir les journalistes et les médias au-delà des formations ?
En Allemagne, on a organisé des événements quand le gouvernement avait proposé – et finalement aussi voté – une nouvelle loi qui rend responsables les plateformes comme Facebook et Google pour les contenus qu’on voit sur leurs plateformes. C’était une mesure un peu désespérée parce que ces plateformes-là ne se sentent jamais concernées par ‘’Aid Speech’’, ‘’Fake News’’ et toutes ces choses qui s’y trouvent.
Elles n’ont jamais répondu aux appels par exemple du gouvernement allemand, disant : « on est aux Etats-Unis, on n’est pas responsable ». Du coup, on a fait une loi qui était assez unique au monde mais dont nous croyons qu’elle n’est pas positive parce qu’elle réduit la liberté de la presse en Allemagne puisque maintenant on oblige ces entreprises à regarder et même à enlever des contenus si elles pensent que ça peut être contre une loi allemande ‘’Aid Speech’’ sinon elles risquent de grandes amendes.
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L’effet, bien sûr, ce n’est plus le juge ou un tribunal qui décide, c’est de petits employés d’un secteur, Facebook, qui enlèvent des contenus, et bien sûr, ils en enlèvent large pour ne pas prendre de risques. Et ça par exemple, c’était l’une de nos dernières activités en Allemagne. Sinon, on travaille avec des journalistes en exil en Allemagne. On a beaucoup de gens venant de Syrie, de Turquie, de Russie aussi dernièrement à Berlin.
On a des projets pour les faire entendre d’un côté et aussi pour les préparer à rentrer dans les médias et le marché en Allemagne puisqu’ils doivent continuer à vivre et à travailler même en étant forcé à prendre le chemin de l’exil.
Propos recueillis à Berlin par Anderson Diédri