Haro sur le trafic de Pangolin !
Le mammifère terrestre le plus chassé illégalement n’est ni l’éléphant encore moins le rhinocéros. C’est le pangolin, un petit mammifère endémique dans de nombreuses régions d’Afrique et d’Asie.
C’est un petit mammifère menacé de disparition en raison de son braconnage intensif. Long de 30 cm à 80 cm, le pangolin est une espèce animale qui se nourrit d’insectes principalement les fourmis et les termites. Selon les scientifiques, il peut en manger jusqu’à 200.000 par jour ! Il joue donc un rôle important de régulateur en ce qui concerne la population d’insectes dans une zone précise.
Son aspect est assez singulier. Une boule de chaire recouverte d’écailles avec une longue langue qui lui permet de se nourrir. Son poids est compris entre 5 et 12 kg à l’âge adulte, le pangolin pouvant vivre jusqu’à 13 ans. Mais tous les pangolins n’auront pas la chance de vivre aussi longtemps ou même d’atteindre leur poids maximal.
De l’Afrique à l’Asie, les braconniers livrent une guerre sans merci à cette espèce. Tout sur le pangolin à de la valeur : les écailles, le sang, la peau sans oublier la chaire. Et c’est la raison pour laquelle braconniers et trafiquants s’acharnent autant à capturer et tuer chaque année entre 500 milles et 1 millions de pangolin.
« Les trafiquants ont décimé les éléphants et le bois de rose en Asie avant de se tourner vers l’Afrique. La même chose est en train de se passer pour le pangolin », explique Jorge Rios, directeur au sein de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC).
Le chef du programme mondial de l’ONUDC pour la lutte contre les crimes contre la faune sauvage et le crime forestier (GPWLFC) s’inquiète du sort d’un animal qui risque de disparaître de la surface de la terre.
Un sur-braconnage en Afrique
Dans plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne, le gibier, communément appelé ‘viande de brousse’ est très prisé par de nombreux groupes ethniques. La viande des singes, des biches et autres antilopes cohabitent avec celles des pangolins sur les marchés. Vivant ou déjà tué et/ou séché, le pangolin se négocie entre 15 et 30 dollars sur les marchés locaux. Mais cet animal à plus de valeur en Asie et de plus en plus de braconniers refusent de ‘brader leurs prises’.
Un pangolin dans un restaurant asiatique de luxe peut coûter entre 1.700 et 2.500 dollars selon son poids, son mode cuisson et la fraîcheur de la viande. Déjà que le pangolin est difficile à capturer, alors lorsque des trafiquants proposent 10 à 20 fois le prix des marchés locaux, les braconniers préfèrent intensifier la chasse. Ils déploient dans les savanes et forêts de longs filets à même le sol ou viennent s’embourber les pangolins à défaut de les traquer dans leurs terriers.
Un (sur-)braconnage qui a augmenté de 150% entre 1970 et 2014 dans des pays africains comme le Gabon, la RDC et le Cameroun où 500 milles à 2,7 millions de pangolins sont capturés chaque année. De façon consciente ou inconsciente, les braconniers africains sont devenus le premier maillon d’un trafic international dont les ramifications s’étendent jusqu’en Asie. D’autres pays sont devenus des zones de transit et de regroupement du butin du braconnage. C’est l’exemple de la Côte d’Ivoire où des trafiquants solidement implantés collaborent avec des braconniers de la Guinée, du Libéria et du Ghana.
Grâce à leurs réseaux, les contrebandiers utilisent des dizaines de nouvelles routes pour alimenter ce commerce illégal. Au moins 20 tonnes de pangolins sont saisies chaque année dans le monde lors de trafics transfrontaliers selon une étude réalisée par l’ONG Traffic (Wildlife Trade Monitoring Network) et l’Université d’Adélaïde en Australie. 20 tonnes de saisie pour combien d’autre dizaines de tonnes qui échappent aux services de sécurité ?
Le pangolin victime de son succès
Depuis 1994, la Convention sur le commerce des espèces sauvages menacées (CITES), protège les pangolins. Cependant, jusqu’en 2000, ils étaient encore chassés pour leurs peaux, exportées au Japon et aux Etats-Unis pour fabriquer des sacs et ceintures. Grâce aux efforts dans la lutte contre le braconnage, ce commerce s’est effondré.
Le pangolin est désormais chassé pour ses écailles a qui l’on prête des vertus curative dans la pharmacopée asiatique notamment chinoise. Sa viande est également prisée par la bourgeoisie en Chine et au Vietnam où l’on enregistre une forte demande. La viande de pangolin est considérée comme un mets de luxe tout comme la soupe d’ailerons de requin. Un pangolin vivant de 4 kilos peut se monnayer jusqu’à 3.000 dollars en Chine !
Dans de nombreux pays signataire du CITES dans le monde, des programmes de sensibilisation excitent pour d’autres espèces animales mais pas pour le pangolin. Pourtant sous nos yeux je joue un véritable drame : les pangolins risquent de disparaître pour de bon. Pour Adama Kamagaté, fondateur et directeur exécutif du projet Wild Conservation Pangolin en Côte d’Ivoire, le monde et l’Afrique en particulier doivent mettre fin trafic des pangolins.
Pour l’Afrique dont l’économie dépend encore de l’agriculture, le pangolin est un allié qui contribue à protéger les cultures contre les insectes de façon naturelle.
« Le pangolin est le maître de l’équilibre de la biodiversité. Il nettoie tous les insectes et les fourmis qui menacent les productions agricoles. Les tuer nous exposera un jour ou l’autre à un envahissement des insectes » alerte Adama Kamagaté.
Pour sauver le pangolin de l’extinction, il est urgent de « mettre en place des plans de conservation » préconise Stéphane Ringuet, responsable au WWF du programme trafic et commerce illégal des espèces sauvages. Ces plans doivent prendre en compte des programmes de sensibilisation dans les zones où la chasse est une activité génératrice de revenus mais aussi un volet de renforcement du cadre législatif pour mieux réprimer la chasse des pangolins.
Il est également nécessaire de travailler au démentellement des réseaux existants. Ces réseaux bénéficient bien souvent du soutien des membres des services de sécurité qui ferment les yeux sur le passage des pangolins ou de leurs écailles moyennant de l’argent.
SUY Kahofi