365 jours en Côte d’Ivoire : le résumé politique
L’année a été marquée par une chaude actualité politique en Côte d’Ivoire. 2018 a été dominée par quatre grands sujets : le procès à la CPI de Laurent Gbagbo, la querelle de clan au sein du RHDP, les élections locales et la loi d’amnistie.
L’idée d’un grand parti, parti unifié où fusionneraient toutes les tendances et groupements politiques qui ont soutenu la candidature d’Alassane Ouattara en 2010 puis 2015 a longtemps entretenu un esprit de cohésion autour du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). Cette cohésion en apparence solide va s’effriter en 2018 avec le divorce entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, les dirigeants des deux principales formations politiques du RHDP.
Au siège du vieux parti à Abidjan-Cocody, il se murmure que ce divorce est lié au refus d’Alassane Ouattara de soutenir la candidature PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire) en 2020 sous la houlette du RHDP. Les militants fidèles au président Bédié attendent de pied ferme le retour de l’ascenseur de leurs alliés du RDR (Rassemblement des Républicains) mais le discours ne semble pas militer vers cette option. Colère, grogne et médiations infructueuses vont pousser le PDCI à tourner le dos au RHDP. Le divorce est consommé et le PDCI ouvre ses portes à de nouvelles possibilités politiques.
Les partis d’opposition se rapprochent du PDCI et Henri Konan Bédié ne cache plus son intention de lancer une nouvelle plateforme. La tension est palpable et les premiers à payer les frais sont les ministres du gouvernement fidèles à Bédié. Aux remaniements ministériels suivent les intimidations et autres formes de pressions comme avec le maire du Plateau Akossi Bendjo. C’est dans ce contexte politique tendu que pleuvent certains rapports d’institutions internationales défavorables au régime Ouattara. Endettement, corruption et violation des droits de l’homme sont dénoncés ouvertement. Acculé selon ses opposants, Alassane Ouattara va surprendre plus d’un en annonçant un décret d’amnistie.
800 personnes devront être libérées dont l’ex-première dame Simone Gbagbo. Cette décision vigoureusement condamnée par des organisations de la société civile est qualifiée de tentative pour s’attirer les faveurs du FPI puisque le PDCI ne veut plus entendre parler du RDR. Le parti d’Alassane Ouattara qui est arrivé à officialiser le projet de parti unifié parle plutôt d’un geste de dégel politique et entend prouver qu’il peut se passer du PDCI. L’occasion lui est donnée lors des élections locales avec une commission électorale dont la réforme a été reportée par Alassane Ouattara à 2020 à la grande colère des partis d’opposition qui avaient cru que la CEI (Commission électorale indépendante) serait restructurée avant les élections locales. Le FPI tendance Aboudramane Sangaré appelle au boycott du scrutin qui sera marqué par des violences aussi bien au premier tour que lors des partielle.
Au terme du vote, le RHDP se taille la part du lion au niveau des municipales et régionales mais pour la société civile il y a de quoi s’inquiéter. Si des élections locales débouchent sur des morts et des casses, qu’en sera-t-il de la présidentielle en 2020 ? Les vieux démons de la violence ne semblent pas avoir été enterrés et le spectre des 3.000 morts de la crise semble ne plus inquiéter les acteurs politiques. Pourtant le procès Laurent Gbagbo qui se déroule à La Haye doit pouvoir rappeler à chaque ivoirien l’urgence de promouvoir un climat apaisé avant 2020. Et parlant justement du procès conjoint Laurent Gbagbo – Charles Blé Goudé, l’année 2018 a été riche en rebondissement avec l’appel de la défense à la libération de leurs clients.
Deux ans après l’ouverture du procès, les avocats de la défense estime que le bureau du procureur n’est pas arrivé à montrer que Laurent Gbagbo – jugés pour crimes contre l’humanité – a conçu ‘un plan commun’ visant à se maintenir au pouvoir. Au-delà, les preuves du procureur sont loin d’être sérieuses et fondées. Pour finir, la défense estime que si un ‘plan commun’ existe, il s’agit bien de celui de la France et des rebelles fidèles à Guillaume Soro qui visait à installer Alassane Ouattara au pouvoir par la force des armes. Cette démonstration est assortie d’une nouvelle demande de liberté provisoire pour Laurent Gbagbo après une douzaine de demandes infructueuses. L’ancien président ivoirien sera situé sur son sort début 2019.
Une décision favorable à Laurent Gbagbo serait un excellent cadeau pour ses militants qui avaient déjà célébré la libération de leur chef annoncé par plus d’un média. Mais le véritable cadeau que les ivoiriens attendent réellement selon un acteur de la société civile, c’est un processus électoral sans violence pour 2020, 2019 étant une année charnière vers la présidentielle tant attendue et pourtant tant redoutée.
Ebony T. Christian