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Espace de confiance : un havre de santé pour les populations LGBTQI+ d’Abidjan

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La Clinique de confiance d’Abidjan est devenue en l’espace de cinq ans un centre de référence dans la prise en charge des homosexuels. Un espace où ils reçoivent soins et conseils pour leur bien-être.

Joël, la trentaine révolue et arborant fièrement ses dreadlocks avance vers le portail d’une résidence dans le quartier de Biétry à Abidjan, la capitale économique ivoirienne. Il ne rend pas visite à un ami mais derrière ce portail qu’il pousse, c’était comme s’il se retrouvait en famille. Sauf qu’il a rendez-vous chez le médecin car derrière ce portail tout à fait banal comme celui de tout autre résidence dans ce quartier d’Abidjan travaille un personnel de santé aux missions assez particulières.

C’est celui de la Clinique de confiance, un centre spécialisé engagé dans la prévention et la prise en charge des IST et du VIH/SIDA chez les populations clés. Les personnes issues des populations clés incluent les professionnel(le)s du sexe, les consommateurs de drogues injectables, les personnes transsexuelles, les détenus et les hommes gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, ainsi que leurs partenaires sexuels.

Joël fait parti de ce groupe car son orientation sexuelle est celui d’un homme ayant des rapports sexuels avec un homme (HSH). « J’ai entendu parler de la clinique par l’entremise d’un ami branché » indique Joël. Branché dans ce contexte désigne plus largement les gays (homme et femme). « Mon ami m’a encouragé à me rendre à la clinique pour faire un bilan de santé et recevoir des conseils ». Et c’est derrière les murs de la clinique et face au personnel de santé que Joël va découvrir son statut sérologique.

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« Je suis séropositif et sous traitement ARV : c’est ce qui me pousse à venir chaque fois à la clinique pour recevoir gratuitement les médicaments et faire mon bilan ». Joël nous indique qu’il n’a pas été autant affecté par le fait de se savoir porteur du VIH. Bien au contraire « ça n’a pas été facile de me décider à venir à la clinique mais je me suis préparé à toutes les éventualités. Si c’était négatif tant mieux : positif il fallait aussi l’accepter ».

Cependant, il indique avoir reçu tout l’accompagnement nécessaire à la Clinique de confiance. Cette clinique est devenue un espace social où les homosexuels se sentent en sécurité, libre d’exposer sans stigmatisation leurs problèmes de santé et d’être écoutés par des médecins et assistants sociaux dont certains partagent leurs orientations sexuelles.

Des préjugés qui persistent
Dr Kotchi Rachelle dans le laboratoire d’analyse

Si la prise en charge médicale des homosexuels reste encore difficile dans plusieurs hôpitaux et centres de santé en Côte d’Ivoire, c’est bien parce que leur orientation sexuelle reste taboue. « Certains professionnels de santé ont encore une forme réticence vis-à-vis des homosexuels dans leur prise en charge. Cela est peut-être dû à une mauvaise information qu’ils ont sur les HSH et les FSF (femme ayant des rapports sexuels avec une femme) ou sans doute parce que leur orientation sexuelle reste un sujet tabou. En réalité dans la prise en charge, les homosexuels sont des patients comme tout autre » nous explique Dr Aka Emmanuel, médecin généraliste à Clinique de Confiance.

La clinique a bâti un véritable capital confiance entre elle et les homosexuels grâce à son expérience acquise en travaillant notamment avec les populations clés et surtout les associations identitaires d’homosexuels. La clinique est aussi précepteur des soins spécifiques pour les HSH et les FSF ce qui a facilité son acceptation au sein de cette population. Elle dispose d’un plateau technique et le personnel capable d’assurer une prise en charge de pathologies courantes chez les homosexuels.

VIH en Afrique : de la fatalité à l’espoir

« Les autres pathologies en rapport avec les pratiques sexuelles des homosexuels sont notamment les condylomes génitaux et rectaux (papilloma virus), neisseria gonorrhoeae, chlamydia, mycoplasma et les autres IST » précise Dr Kotchi Rachelle, médecin à la Clinique de Confiance pour le projet PREP. Bien entendu la question du VIH-SIDA reste d’actualité au sein des populations HSH et FSF avec un taux de prévalence assez inquiétant.

« En Côte d’Ivoire, la prévalence du VIH est de 11 % chez les travailleurs du sexe, de 13 % chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes et de 9,2 % chez les personnes qui s’injectent des drogues » précise Pélagie Kouamé, Président du réseau des populations clés en Côte d’Ivoire cité dans le rapport 2018 d’ONUSIDA. Le taux de de 13 % chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes atteint à Abidjan un pic de 18% confirme Dr Anoma Camille directeur de l’ONG Espace Confiance. Grâce à ses activités auprès des homosexuels, la clinique a réussi à réduire le taux de séroconversion. La présence des éducateurs de pairs facilite les échanges sur des sujets assez sensibles comme le test de dépistage. Au sein de la Clinique de confiance, pas de rejet et de stigmatisation.

Dr Anoma Camille directeur de l’ONG Espace Confiance

Cependant, il est fréquent d’assister à des cas de déni de reconnaissance du statut sérologique chez certain patient. « C’est une situation qui est difficile à gérer mais nous faisons l’effort d’amener la personne à reconnaitre son statut et comprendre que le VIH n’est pas une fatalité. C’est une maladie chronique comme le diabète ou l’hypertension et en plus avec un traitement qui est gratuit » nous explique précise Dr Kotchi Rachelle.

Les populations de HSH et FSF acceptent plutôt bien leur statut sérologique ce qui est encourageant pour leur prise en charge et les autres soins visant à réduire les risques d’infection aux autres IST. Parmi les activités d’innovation de prise en charge sur la question du VIH, figure un programme de suivi des hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes. La cohorte d’une centaine de personnes a été suivi pendant trois ans pour permettre l’introduction de la PrEP, la prophylaxie pré-exposition. Il s’agit d’un traitement préventif destiné aux populations séronégatives exposées à un haut risque de contracter le VIH. Cette nouvelle méthode a montré son efficacité, permettant d’éviter tout risque d’infection par le VIH. La PrEP est une révolution dans le traitement du virus et un espoir de mettre fin aux contaminations en particulier chez les homosexuels.

L’action de la clinique ne se limite pas seulement aux soins de santé et à la sensibilisation au sein d’un bâtiment. Les éducateurs de pairs qui collaborent avec la clinique font aussi des actions de sensibilisation de terrain. C’est le cas de Thomas (Tom) qui la nuit tombée se rend dans les bars branchés de la capitale ivoirienne pour sensibiliser les membres de la communauté.

Dans la chaleur de la nuit

C’est un samedi soir comme les autres à Abidjan : il est environ minuit…Nous sommes dans le quartier de Marcory et la fête bat son plein dans un bar branché. Plusieurs membres de la communauté LGBTQI+ de la capitale débarquent, habillés de façon chic. Costumes près le corps, jean et polo, tee-shirts et culottes pour les hommes quand les femmes arborent fièrement des tubes d’un blanc immaculé, des blazers fait main ou des tenues de ville pour la soirée. Tom est bien connu dans le milieu. « Dans les bars branchés nous faisons la promotion du préservatif, des gels lubrifiants et aussi du dépistage volontaire du VIH ».

Lutter contre la stigmatisation face au SIDA

La sensibilisation de terrain a aussi pour objectif de faire passer le message sur les comportements à risque et surtout de référer les patients à la clinique. « Dans un passé récent, les branchés étaient harcelés, violentés et agressés. Ce qui rendait la sensibilisation assez difficile. Mais aujourd’hui les mentalités ont évolué dans plusieurs quartiers d’Abidjan même si la stigmatisation demeure » soutient Tom.

Le travail de la clinique consiste aussi à faire du plaidoyer dans le cadre de ses projets pour que les praticiens de santé puissent arriver à changer leur perception sur l’orientation sexuelle des HSH et FSF afin d’avoir plus de centres de santé gay-friendly. Il s’agit d’un travail de longue halène car l’orientation sexuelle des gays n’est pas encore acceptée indique Joël. Le fait d’avoir des relations sexuelles avec d’autres hommes l’a poussé à construire sa vie en dehors du cercle familiale. « Dans ma famille être gay est vu d’un mauvais œil et les choses n’ont pas vraiment évoluées positivement ». Il précise sur la base de son expérience qu’il est encore difficile aux gays d’avoir du travail malgré leurs diplômes.

Pour lutter contre la stigmatisation, la sensibilisation pour le changement de comportement doit se faire à tous les niveaux y compris auprès des médecins et autres professionnels de la santé souligne Dr Anoma Camille directeur de l’ONG Espace Confiance.

Dr Anoma Camille et Tom au service d’accueil de la Clinique de Confiance
Charger les perceptions

La perception sociale sur ce que doit être l’orientation sexuelle normale – à savoir un homme pour une femme – et les convictions religieuses largement ancrée au sein des populations ivoiriennes sont souvent à l’origine de la stigmatisation des homosexuels. Une situation qui ne favorise pas la prise en charge médicale des HSH et des FSF. Pour tenter de faire évoluer les mentalités, la Clinique de confiance continue d’apporter des soins médicaux aux gays et de sensibiliser les populations et les professionnels de la santé sur la nécessité de la prise en charge de cette population clé.

La clinique de confiance était à l’origine un projet de recherche qui a ouvert ses portes en Octobre 1992 dans le cadre du projet RETROCI. A partir de 2004, le personnel de la clinique de confiance a voulu se constituer en association d’où la naissance de l’ONG Espace Confiance. En 2005 cette association a donc eu la charge de reprendre toutes les missions de la Clinique de confiance et d’en faire la gestion complète. L’ONG Espace Confiance n’a pas que la Clinique de Confiance, elle gère aussi 5 autres centres qui offrent des services de prévention et de sensibilisation aux populations clés.

SUY Kahofi

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