Attention à ces propos prêtés à Ylva Johansson sur le trafic d’armes en Ukraine
Ylva Johansson, commissaire européenne aux Affaires intérieures, a-t-elle indiqué que des militaires ukrainiens vendent les armes livrées par les pays occidentaux ? C’est ce que suggèrent deux publications qui circulent sur Facebook. Après avoir recoupé des articles et écouté les déclarations de la commissaire européenne aux Affaires intérieures, il semble que ses propos aient été dénaturés.
Que disent les publications repérées sur Facebook ?
Voici le contenu de la première publication qui enregistre 200 partages depuis le 11 juillet 2022.
Ils finiront par donner raison aux citoyens du monde. Flash ⚠️ International : l’Union européenne admet qu’un trafic d’armes s’est développé en Ukraine
La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson a indiqué ce jour que les autorités européennes avaient constaté des détournements et des reventes de matériel militaire occidental en Ukraine : « Nous avons quelques indications [NDLR : sur un trafic d’armes provenant d’Ukraine]. Nous savons combien d’armes il y a en Ukraine et bien sûr, toutes ne sont pas toujours entre de bonnes mains ».
Voici le contenu de la deuxième publication partagée plus de 100 fois depuis sa mise en ligne le 12 juillet 2022.
L’Europe s’inquiète de l’augmentation possible de la contrebande d’armes en provenance d’Ukraine -commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson.
▪️Des militaires des Forces armées d’Ukraine vendent massivement des armes données par des pays occidentaux sur le darknet. Il y a même la livraison en Europe.
▪️Kiev a admis il y a quelques jours qu’une partie de l’aide militaire des pays occidentaux est volée et vendue illégalement « à la gauche ».
On ne peut que deviner quand et avec quelles conséquences ces armes feront surface en Europe.
Ces propos ont-ils été tenus par Ylva Johansson ?
Intéressons-nous dans un premier temps au contexte de ces propos attribués à la commissaire européenne aux Affaires intérieures. L’Ukraine est victime de l’invasion de la Russie. Plusieurs pays ont décidé d’appuyer Kiev en armement. Comme dans toute situation de conflit, le risque de prolifération des armes, de trafic d’être humain et de drogue reste réel ce qui inquiète les Nations Unies et l’Union Européenne en particulier. Afin de prévenir tout risque de trafic d’armes en provenance de l’Ukraine, l’Union européenne a renforcé lundi (11 juillet 2022) sa coopération avec la Moldavie pour l’aider à contrôler sa frontière avec ce pays en guerre contre la Russie.
Lors d’une réunion à Prague des ministres européens de l’Intérieur avec leurs homologues moldave et ukrainien, la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson a annoncé lors de cette rencontre la création d’un « hub de soutien pour la sécurité intérieure et la gestion des frontières en Moldavie », pays candidat à l’UE.
L’Union Européenne s’inquiète certes de voir le matériel militaire être détourné mais nulle part on ne voit, ni entend Ylva Johansson accuser l’armée ukrainienne de vendre le matériel militaire fourni par les Occidentaux. Dans sa déclaration à la presse d’environ 8 minutes, la commissaire européenne aux Affaires intérieures affirme ceci en guise de réponse au journaliste qui lui pose la question suivante :
Journaliste : Avez-vous des informations sur un possible trafic d’armes ?
Réponse : Nous avons quelques indications mais nous savons par expérience que ceci arrive souvent que des armes puissent circuler pendant et après ce type de conflit. Nous savons combien d’armes se trouvent en Ukraine et, bien sûr, elles ne sont pas toutes dans les bonnes mains au bon moment, c’est pourquoi nous devons nous préparer à nous protéger de cette situation.
En écoutant toute sa déclaration face à la presse, on se rend compte qu’à aucun moment elle n’a accusé « des militaires des Forces armées d’Ukraine de vendre massivement des armes données par des pays occidentaux sur le darknet ». La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson parle plutôt de groupes criminels qui organisent le trafic d’armes et de drogue revenant sur les inquiétudes de l’ONU. Loin d’accuser l’Ukraine, elle parle plutôt de « travailler ensemble avec la Moldavie et l’Ukraine ». « Nous devons donc maintenant être préparés dès le début et travailler en étroite collaboration ; bien sûr, pas seulement au sein de l’UE mais aussi avec la Moldavie et l’Ukraine » a-t-elle précisé.
Des propos dénaturés
En réalisant une recherche via Google avec la citation de la première publication Facebook, nous retrouvons une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) reprise par Le Figaro et Le Journal de Montréal. Dans cette dépêche, l’AFP ne parle de trafiquants d’armes au sein de l’armée ukrainienne et reste fidèle aux propos de Ylva Johansson.
Voici exactement ce que l’AFP a écrit :
« Nous avons quelques indications » sur un trafic, a lâché Ylva Johansson, ajoutant que « nous savons combien d’armes il y a en Ukraine et bien sûr, toutes ne sont pas toujours entre de bonnes mains ». Dans sa dépêche l’AFP n’a jamais fait état de détournements et de reventes de matériels militaires livrés par les occidentaux.
Deux publications Facebook dénaturent donc les propos et le contexte d’une déclaration de la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson. Ces rumeurs et accusations de trafics d’armes au sein de l’armée ukrainienne ont fait réagir Kiev qui accuse Moscou d’être à la base de cette propagande. Mykhaïlo Podoliak, un conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, l’a d’ailleurs souligné dans un tweet.
« Toutes les armes reçues par l’Ukraine, y compris celles à longue portée, sont soigneusement comptabilisées et envoyées sur la ligne de front. Des armes pour l’Ukraine – une question de survie. Sa surveillance – une priorité. Toutes les autres « rumeurs » sont de banales jetées propagandistes russe visant à perturber les approvisionnements…. » a-t-il martelé.
Traoré Bakary & Martine Zogbé