Non, l’écorce de l’anacardier ne soigne pas les morsures de serpent
Pour soigner une morsure de serpent, il faudrait mâcher l’écorce de l’anacardier et avaler le jus obtenu. C’est ce qu’affirme une publication mise en ligne par la page Motivation et Philosophie du Succès. A en croire cette publication Facebook partagée des centaines de fois depuis le 30 septembre 2022, le jus de l’écorce de cet arbre cultivé principalement pour son fruit (le cajou) serait un anti-venin efficace. Les spécialistes interrogés par Eburnie Today indiquent que l’écorce de l’anacardier n’est pas un anti-venin scientifiquement prouvé.
L’auteur de la publication se veut sûr et certain en ce qui concerne sa prescription : « si vous êtes victime de morsures de serpents ou de poison, cherchez simplement un anacardier, utilisez votre coutelas pour obtenir l’écorce de l’anacardier et mâchez l’écorce de l’arbre. Pendant que vous mâchez, avalez l’eau, n’avalez pas l’ivraie. Il neutralisera toutes les substances toxiques du serpent, même s’il s’agit d’une morsure d’Anaconda. Très efficace et puissant pour détruire les venins de serpent ».
Le texte précise également que « vous pouvez garder l’écorce pour toute urgence, même si elle est sèche, il suffit de la tremper dans l’eau. Ça ne s’abîme pas, ça se conserve des années ». La publication Facebook est accompagnée des photos d’un cajou jaune et d’un serpent crachant son venin.
Si plusieurs internautes adressent leurs remerciements à l’auteur du texte, c’est bien parce que les morsures de serpent représentent un sérieux problème de santé publique. « Chaque année, il se produit 5,4 millions de morsures de serpents entraînant de 1,8 à 2,7 millions de cas d’envenimement (intoxication par une morsure de serpent). On compte entre 81 410 et 137 880 décès et environ 3 fois plus d’amputations et d’incapacités définitives chaque année » indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
En Afrique, on estime entre « 435 000 et 580 000 le nombre de morsures nécessitant un traitement » souligne également l’OMS. Malgré le risque que représente les morsures de serpent en Afrique « le jus de l’écorce de l’anacardier n’a aucun effet scientifiquement prouvé contre le venin de serpent » précise Docteur Koffi Charles, médecin au CHU d’Angré à Abidjan. « Le seul traitement connu et recommandé en milieu médical – donc capable de neutraliser le venin du serpent dans le corps d’un homme – est le sérum antivenimeux » soutient le médecin.
Les morsures de serpents, notamment ceux qui sont venimeux, peuvent entraîner des conséquences très graves sur les victimes ajoute Docteur Koffi Charles. « Le venin du serpent est mortel si la victime n’est pas rapidement prise en charge par des professionnels de la santé ou ne reçoit pas le bon sérum antivenimeux. Le venin peut entraîner des amputations d’un membre, une paralysie pouvant bloquer la respiration, des troubles sanguins aboutissant à des hémorragies, des insuffisances rénales irréversibles et des lésions tissulaires qui peuvent conduire à des incapacités définitives » explique Docteur Koffi Charles.
Au-delà du caractère infondé de la prescription proposée par cette publication Facebook, Benjamin Garcia, administrateur et formateur à La Ferme Tropicale, pointe du doigt une autre fausse information. « Je crois que certains internautes ont vite fait de faire remarquer la mention de l’anaconda. Ce serpent n’inocule pas un venin mais tue par constriction » soutient le responsable de l’animalerie française spécialisée dans l’élevage et la formation en reptiles et amphibiens.
« Il existe plusieurs types de serpents venimeux mais les venins sont classés en trois grandes catégories en fonction des toxines qu’ils renferment. Les neurotoxiques, les cytotoxiques et les hémotoxiques » indique Benjamin Garcia. L’écorce de l’anacardier ne soigne pas les morsures de serpent et n’est pas un anti-venin scientifiquement prouvé. Seuls les anti-venins homologués peuvent être réellement efficace contre les morsures de serpent.
Martine Zogbé