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L’avenir de la santé publique en Afrique vu par Dr Alemu Wondimagegnehu

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Dr Wondimagegnehu Alemu (Wondi) est un médecin spécialisé en santé publique. Il possède une grande expérience qu’il a mis au service de différents gouvernements et organisations internationales. Lors de la 3ème édition de la Conférence internationale sur la santé publique en Afrique (CPHIA 2023), il a reçu une distinction qui fait désormais de lui, l’un des huit membres distingués et éminents de l’Académie de Santé Publique d’Afrique de l’Ouest. Ancien représentant pays de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Sierra Leone, en Ouganda et au Nigeria, il a aussi travaillé pour l’UNICEF en tant que responsable de projet pour la santé de l’enfant.

Après avoir pris sa retraite à l’OMS fin 2018, Dr Alemu s’est activement engagé dans l’enseignement, en tant que professeur-associé à l’Université Emory (Hubert Department of Global Health) aux États-Unis et à l’Université d’État d’Abia, (Département des sciences de la santé) au Nigéria. Il a été rappelé par l’OMS en tant que conseiller pour la riposte à la pandémie de Covid-19 en Afrique et pour soutenir les initiatives phares du Programme régional d’urgence sanitaire visant à revigorer les capacités de préparation, de détection et de riposte dans les pays.

Du haut de 40 ans d’expérience dans le domaine de la santé publique en Afrique et dans le reste du monde, Dr Wondimagegnehu Alemu a accepté de jeter un regard rétrospectif sur l’évolution de la santé publique en Afrique et proposer des pistes pour améliorer les acquis sanitaires sur le continent. Lors d’une interview accordée à Eburnie Today le 30 novembre 2023 à Lusaka au CPHIA 2023, il a indiqué que l’Afrique vient de loin en matière de santé publique. D’importants efforts ont été faits par les différents pays et les fruits de ces efforts sont aujourd’hui visibles.

Premièrement, l’amélioration de l’enseignement et de la formation des professionnels de la santé a permis d’avoir une génération « de jeunes médecins et d’experts de la santé très engagés, motivés et soucieux d’œuvrer pour le bien-être des populations ». Le deuxième élément est « la capacité de penser la santé publique en faisant travailler ensemble des spécialistes de différentes disciplines et secteurs d’activité ».

« Je veux parler du One Health, qui fait intervenir différentes expertises. Par le passé nous avons évoqué la possibilité d’appliquer le One Health. Je vois aujourd’hui que c’est une réalité. La volonté de collaborer est là, le cadre de la collaboration est aussi créé et il s’agit avec tout cet enthousiasme de pousser les choses en avant » explique Dr Wondimagegnehu.

Le troisième constat c’est que les professionnels de la santé ont compris et intégré le fait que l’engagement des communautés est indispensable dans la réussite des programmes de santé en Afrique. Le système de santé publique « est conçu pour apporter des réponses aux besoins du citoyen ». Il est donc indispensable de l’intégrer dans la conception des politiques de santé publique.

L’offre de soin de santé s’est améliorée sur le continent

Ces trois éléments ont permis aux pays africains d’améliorer leurs politiques de santé publique, leurs plateaux techniques et les offres de santé. Ces avancées permettent aujourd’hui à l’Afrique d’espérer une indépendance sanitaire qui passe par la production sur le plan local des médicaments, des vaccins et des équipements médicaux.

Selon les estimations du CDC Afrique, moins de 1 % des vaccins, 5 % des diagnostics et 30 % des produits médicaux utilisés en Afrique sont actuellement fabriqués sur le continent. « Il y a 15 ou 20 ans arrière, cette volonté d’indépendance sanitaire a fait l’objet de discussion. Des initiatives ont été lancées mais les choses ont stagné. Le constat que je fais aujourd’hui c’est qu’il y a une volonté de faire bouger les choses » indique Dr Wondimagegnehu.

Le professeur-associé à l’Université Emory explique que cette volonté est de plus en plus boostée par l’envie des pays africains de travailler ensemble sous l’égide du CDC Afrique. L’objectif est d’éviter à l’Afrique d’être dépendante de l’extérieur et de vivre la situation de pénurie qu’elle a vécu lors de la Covid-19.

Cet ambitieux projet ne pourra se réaliser que si l’élan de la collaboration est maintenu avec le soutien d’organisations internationales comme l’OMS, le CDC Afrique, l’UNICEF…et que les gouvernements africains engagent un partenariat solide avec le secteur privé aussi bien sur le plan national qu’international. Le secteur pharmaceutique est ainsi un enjeu majeur dans lequel le continent doit investir.

« L’atteinte de cet objectif sera cruciale pour l’Afrique et va déterminer toutes les politiques de santé publique. Si les besoins primaires en matière de médicaments, de vaccins et d’équipements sont directement couverts sur le continent, cela va représenter un nombre important de vies qui seront sauvées. Bien entendu les choses se feront par étape mais il s’agira d’une avancée majeure » pense Dr Wondimagegnehu.

Les besoins des africains en équipements médicaux, en vaccins et en médicaments sont encore couverts par les pays occidentaux et de plus en plus par l’Inde et la Chine. Une dépendance de l’extérieur qui limite la capacité des pays africains à mettre en place des programmes de riposte lors des épidémies.

L’Afrique doit pouvoir produire ses médicaments et équipements médicaux

« Lors de la pandémie de Covid-19, la fermeture des frontières a rendu difficile l’acheminement de produits sanitaires de première nécessité vers l’Afrique. Du matériel comme les gants, les équipements de protection individuelle et les masques, les médicaments, les réactifs et même les vaccins ont été difficilement acheminés dans les différents pays africains qui ont pu les acheter sur le marché international. Cette situation a privé de nombreux africains de traitement et a paralysé la riposte sanitaire. Il faut travailler ensemble à faire changer les choses » plaide pour l’avenir Dr Wondimagegnehu.

L’Afrique abrite 18% de la population mondiale mais seulement 3% de la production pharmaceutique mondiale. 375 fabricants ont été enregistrés dans 37 pays africains contre 5.000 en Chine. Ce ratio démontre le risque énorme qui plane sur l’Afrique puisque 25% des malades de la planète – toutes pathologies confondues – sont africains.

Pour Dr Wondimagegnehu Alemu, l’avenir de la santé publique en Afrique repose sur l’amélioration des acquis en matière de formation, le renforcement des équipements sanitaires, l’exploration et l’utilisation de nouvelles méthodes de traitement basé sur la technologie et un effort collectif pour la production locale des médicaments et autres équipements médicaux sur le continent.

Suy Kahofi

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