Aéroport d’Abidjan : un Antonov s’abîme en mer
Ce samedi 14 Octobre 2017, un avion s’est crashé aux larges d’Abidjan juste après son décollage. 4 personnes ont perdu la vie et 6 autres ont pu être secourues.
C’est un avion totalement brisé que les sapeur-pompiers de l’aéroport International Félix Houphouët découvrent sur la plage d’Adjouffou, un quartier de la commune de Port-Bouët (Abidjan-sud). La promptitude de la section des soldats du feu stationnés en bout de piste aura permis de sauver 6 personnes sur un total de 10 occupants. Une source militaire au sein de la base française du 43ème BIMA confirme que « les quatre victimes décédées sont de nationalité moldave ». Les blessés, dont « quatre français et deux moldaves » selon le colonel Issa Sahko (Groupement des sapeurs-pompiers militaires) ont été d’ailleurs évacué vers le camp militaire français pour bénéficier des soins adéquats. Les autorités sécuritaires sont mobilisées pour sécuriser le périmètre du crash, porter assistance aux blessés et entrevoir la démarche à suivre pour situer les conditions dans lesquelles le crash s’est produit. Une enquête technique a été ouverte par l’ANAC (Autorité nationale de l’aviation civile) dont le directeur général, Sinaly Silué revient en détails sur les derniers instants du vol reliant Ouagadougou à Abidjan.
A peine l’accident s’est produit, que des messages de soutien ont inondé la toile. Parmi eux, celui du président Burkinabé. En effet, l’avion russe – un Antonov 26 – affrété par l’armée française qui assurait la liaison Ouagadougou – Abidjan était un vol d’appui militaire qui s’inscrit dans le cadre de l’opération Barkhane. Le pays de Roch Kaboré est bénéficiaire de cette initiative militaire menée au Sahel par l’armée française et qui vise à lutter contre les groupes armés salafistes djihadistes dans toute la région du Sahel. Lancée le 1er août 2014, elle prend la suite des opérations Serval et Épervier. Elle s’inscrit plus largement dans le cadre d’une stratégie de forces françaises prépositionnées dans la région, en partenariat avec les États de la zone. L’opération Barkhane mobilise quelques milliers de soldats contre plusieurs centaines de djihadistes.
Mais au-delà du soutien, des questions se posent déjà sur la nature même de l’avion affrété par l’armée française : un Antonov ! Pour certains experts de l’aviation, cet aéronef de fabrication Russe est certes bon marché en ce qui concerne son exploitation mais reste très peu fiable voir dépassé par les exigences de l’aviation moderne. Sur le continent africain, les crashs d’Antonov sont généralement liés aux compagnies de transport ou aux armées africaines. Ces dernières années, la RDC, le Nigéria et l’Angola (dans une moindre mesure) ont été les pays où ces ‘vieux coucous’ de l’air – dont certains date de l’époque de la guerre froide – ce sont le plus abîmés. Mais pourquoi la France qui pourtant est créditée d’une industrie militaire plutôt performante a-t-elle recours à ce type d’appareil très souvent hors d’âge ?
Il s’agit peut-être de minimiser les coûts dans le cadre d’une opération militaire qui semble s’éterniser mais le mal est plus profond. La France dépendante de la Russie en termes de transport militaire, une situation qualifiée d’inconcevable en Mars 2017 par le député François Cornut-Gentille élu de la Haute-Marne. Les forces françaises dépendent largement des porteurs Antonov qui sont affrétés dans des conditions que le parlementaire qualifie d’opaque. Les intermédiaires aux rôles, missions et prérogatives souvent obscures sont chargés de ficeler le deal de la location entre les entreprises russes et l’armée française.
Ce crash, au-delà de l’enquête ouverte par l’Autorité nationale de l’aviation civile de Côte d’Ivoire viendra relancer le débat outre-méditerranée sur les dessous obscurs du transport et du ravitaillement militaire français étrangement dominé par les entreprises russes.
SUY Kahofi