Amadou Gon Coulibaly : l’inactif premier ministre
Amadou Gon Coulibaly vient (dit-il) de passer 100 jours dans la peau de premier ministre. 100 jours qui auront été marqués par bien plus de folklore que d’actions concrètes.
L’orgueil politique ne produit pas de bons fruits mais il est hélas le mode de gestion du régime des houphouëtistes. Gérer sans tenir compte de l’avis du citoyen, de la société civile et des syndicats est la logique dans laquelle s’inscrit les dirigeants actuels de la Côte d’Ivoire. Pour mémoire, alors que le débat sur la réforme constitutionnelle faisait rage, nombreuses ont été les voix qui ont invité le président Alassane Ouattara mettre fin à son ambition d’imposer à la Côte d’Ivoire un tri-céphalisme inutile.
Un président, un vice-président et désormais un premier ministre gèrent le pays avec une Constitution qui fait du Chef de l’Etat un demi-dieu. Dans ce schéma le premier ministre devient à la limite un poste folklorique. Plus que folklorique surtout quand il est occupé par quelqu’un qui est loin d’être un technocrate. C’est le cas d’Amadou Gon Coulibaly, parachuté à son nouveau poste par simple reconnaissance politique. Et pour parler en bon ivoirien : « tout le monde sait qu’il a mieux au pays ».
Le nouveau locataire invisible de la primature occupait le poste de secrétaire général de la présidence entre 2011 et 2016. Un poste très politique qu’il aurait dû garder. Être premier ministre n’est pas une aventure politique : c’est une mission pour des hommes d’action et d’expérience au plan économique. C’est un chef d’orchestre, de la trempe incontestable de Daniel Kablan Duncan, l’un des rares dans ce pays dont la nomination à un poste n’a jamais suscité grincement de dents car « son travail » « il le connait ».
Gon a-t-il réellement un bilan ?
Les médias à capitaux publics tentent dans une manœuvre propagandiste de créditer Amadou Gon Coulibaly d’un bilan. Mais de quel bilan un homme aussi invisible et inactif peut-il être crédité ? Amadou Gon Coulibaly prétend avoir désamorcé la crise des primes impayés au sein de l’armée (7 janvier). Mais les ivoiriens ne sont pas dupes ! Ceux qui ont eu le courage de risquer leurs vies pour rallier Bouaké dont le ciel raillait de balles incontrôlées sont connus.
C’est à peine si notre premier ministre parachuté a ouvert la bouche ! Seul le lieutenant-colonel Issiaka Ouattara dit Wattao et le Ministre Alain Donwahi ont accepté de se faire à la limite séquestrer pour que le calme revienne. Ce 7 janvier, face aux soldats en colère, c’est à peine si on savait que la Côte d’Ivoire avait un président à plus forte raison un premier ministre. Que dire de la colère des enseignants auxquels le régime Ouattara tentait d’enlever le pain de la bouche ? Les négociations dont le premier ministre se vente aujourd’hui ont été une opération d’intimidation ouverte à la primature sous bonne présence de la Garde républicaine. Qui dans la tanière du lion pouvait refuser de se plier à ses exigences ? Cette prétendue crise désamorcée ne l’a jamais été en réalité. Les enseignants ont repris les cours mais leurs revendications sont encore sans solutions. Idem pour la grande majorité des fonctionnaires en colère sur l’épineux dossier des retraites.
Passer du folklore aux actions
Visiblement à part faire la fête pour sa nomination, Amadou Gon Coulibaly ne sait pas quelles sont ses priorités. Nous nous faisons fort de les lui rappeler. Son rôle, consiste à doter la Côte d’Ivoire d’un plan visant à faire reculer la pauvreté qu’Alassane Ouattara a fait croitre à coup de promesses de milliards non tenues. Le second « miracle » économique ivoirien vendu par Ouattara est un mirage, une illusion pour beaucoup d’Ivoiriens. Le fameux taux de croissance à deux chiffres ne peut cacher un taux de pauvreté qui n’a que légèrement reculé.
De 51 % en 2011, il était encore de 46 % en 2015. Réduire la pauvreté de moitié tels que promis par le régime Ouattara lors de la campagne présidentielle est un échec ! Sur la question, la Banque mondiale alertait dans un rapport : « le principal défi pour la Côte-d’Ivoire, et pas des moindres, est la croissance partagée. L’expérience internationale rappelle qu’il ne suffit pas de croître vite, encore faut-il croître juste.»
On attend DONC d’Amadou Gon Coulibaly son projet pour une croissance partagée. Au-delà, sa mission en cette fin de règne d’Alassane Ouattara est de donner un sens aux nombreux décrets que le président a pris et qui sont sans valeur parce que totalement ignoré par l’administration publique. Dans un pays où le peuple ne s’en sort plus parce que gangréné par le chômage, l’immigration irrégulière et la pauvreté, on attend d’un premier ministre non pas des balades intempestives mais des solutions. Les missions du premier ministre ont bien plus l’air de promenades amicales auprès de diplomates à l’étranger que d’opérations visant à attirer des investisseurs.
SUY Kahofi