Pour Assane Diop, la croissance de la Côte d’Ivoire n’est pas « inclusive »
Lors de l’émission ‘’Afrique Presse’’ diffusée dimanche 3 décembre 2017 sur RFI-TV5 Monde, le journaliste Assane Diop s’est étonné de l’écart entre la croissance économique de la Côte d’Ivoire et l’afflux massif de migrants clandestins vers l’Europe. Les résolutions du 5ème sommet Union Africaine-Union Européenne ont été également passées en revue par les invités de Denise Epoté, l’animatrice de l’émission.
Avec un taux de croissance qui avoisine les deux chiffres depuis 2012, la Côte d’Ivoire figure parmi les dix pays ayant le plus fort taux de croissance au monde. Pourtant, le pays figure parmi le peloton de tête des pays qui enregistrent le plus de migrants clandestins qui arrivent en Europe via la méditerranée à la recherche d’un avenir meilleur. Un contraste saisissant que ne comprend pas le journaliste de Radio France Internationale (RFI) Assane Diop. Lors de l’émission Afrique Presse consacrée à la tournée africaine d’Emmanuel Macron en Afrique (Burkina-Faso, Côte d’Ivoire et Ghana) et aux résolutions de 5ème sommet Union Africaine-Union Européenne à Abidjan les 29 et 30 novembre dont le thème était : « Investir dans la jeunesse pour un avenir durable », cette voix africaine de la ‘’Radio mondiale’’ a exprimé sa déception.
« Comment se fait-il – et c’est admirable d’ailleurs – qu’un pays comme la Côte d’Ivoire qui sort de traumatisme, de guerre, de conflit, etc., avec plus de 8% de croissance ne parvient pas à fixer sa propre population ? Ça veut dire que ce n’est pas une croissance inclusive, ça veut dire que c’est le business qui gagne de l’argent en Côte d’Ivoire et que cet argent ne redescend pas », déduit Assane Diop, évoquant l’afflux de jeunes ivoiriens qui quittent leur pays pour l’aventure. Avant d’interpeller les gouvernants africains : « Là aussi, il faut que les dirigeants africains mettent en priorité le bien-être, les problèmes sociaux, l’éducation effectivement mais pas mais aussi donner du travail, fixer les jeunes populations et redistribuer la croissance, c’est-à-dire d’autres rapports avec ceux qui investissent aussi en Afrique ».
Particulièrement incisif, le journaliste de RFI a dénoncé les « contrats de dupe » entre des pays africains exportateurs de manières premières et des compagnies étrangères « au détriment des intérêts de ces pays ».
Changement de paradigme
Un autre invité de Denise Epoté, Louis Magloire Keumayou du Club de l’information africaine, la résolution de la question migratoire qui était à l’agenda du sommet UA-UE passe par des solutions concrètes aux problèmes de la jeunesse africaine, et non en déployant des moyens sécuritaires. « Aujourd’hui, la question est celle de répondre à des besoins concrets des populations. Ce qui permet d’avoir à la fois leur confiance et surtout d’avoir la capacité de lutter contre le mouvement », fait-il valoir. Selon lui, la promesse du président français Emmanuel Macron à Ouagadougou d’accroitre de de 0,5% d’ici 2022 l’aide publique au développement ne suffira pas. Surtout avec les accords de partenariat économique (APE) qui imposent des baisses conséquentes de droits de douanes sur les échanges commerciaux, défavorables à l’Afrique.
« Aujourd’hui, ce dont on a besoin c’est que les agriculteurs africains par exemple, qui sont confrontés au marché européen ou américain avec une véritable différence dans la manière dont sont soutenus ces agricultures-là, veulent vendre leurs produits. Non seulement ils ne peuvent pas les vendre mais ils sont attaqués sur leur propre territoire par ces produits-là. Et l’Europe qui est venue à la rencontre n’a rien dit là-dessus », regrette le journaliste : « Les Accords de partenariat économique qui vont être signés [la Côte d’Ivoire a déjà ratifié l’APE intérimaire] vont contre tout cela. Donc que vous augmentiez l’aide publique même de 100% ou de 400%, tant que vous détruirez les emplois et la solidarité sur place, les tissus de l’industrie agroalimentaire, vous n’arrivez à rien. Et je pense que c’est cela aujourd’hui qu’il faut réaliser plutôt que de construire de nouvelles écoles de défense ».
Louis Magloire Keumayou réclame un changement de paradigme dans la coopération entre l’Afrique et l’Europe. « Les privatisations et les abaissements des tarifs douaniers pour attirer les investissements n’ont rien produit. Ça fait plus de 40 ans que nous expérimentons ces politiques, elles n’ont rien apporté : que des larmes et du sang et du terrorisme aujourd’hui. Donc il faut répondre à ces besoins sociaux concrets, à ces besoins économiques avant de penser à l’aide », conclut-il.
Anderson Diédri