Condamnation de Monsanto : faut-il interdire le glyphosate dans l’agriculture ?
La condamnation de Monsanto, le géant américain de l’agrochimie, c’est l’utilisation de son célèbre pesticide – le Round up – dans l’agriculture qui est questionné dans le monde.
Le débat autour de l’utilisation des pesticides dans l’agriculture est relancé. La multinationale Monsanto a été condamné le 10 août 2018 par un tribunal américain à payer 289 millions de dollars à Dewayne Jonhson, un jardinier américain atteint d’un cancer du système lymphatique que ce dernier impute à l’utilisation de pesticides du groupe : le Round Up et le Ranger Pro. Le tribunal de San Francisco a jugé que ces pesticides à base de glyphosate (une substance classée cancérogène probable en 2015 par l’Organisation mondiale de la santé – OMS) utilisé par le plaignant depuis des années, ont contribué à la maladie.
Cette décision rendu contre la firme américaine est saluée sur le continent africain par les défenseurs de l’environnement et ceux qui luttent pour une agriculture moins consommatrice de pesticides.
« Cette condamnation donne raison à tous ceux qui sont en lutte depuis des décennies contre les produits chimiques de synthèse et les OGM dans l’agriculture partout dans le monde », se réjouie le Jeanne Zoundjihekpon, directrice du Laboratoire de génétique écologique du Département de génétique et des biotechnologies de la faculté des Sciences et Techniques Université d’Abomey-Calavi au Benin.
Interrogée par Eburnie Today, cette enseignante-chercheure estime que cette décision interpelle sur les politiques agricoles. « J’espère que dans les pays africains, la société civile utilisera ce verdict pour obliger les chercheurs, les enseignants – chercheurs et les politiques (ministres de l’Agriculture, ministres de l’Environnement et ministres de la Recherche Scientifique) à ouvrir le débat autour de ces questions fondamentales pour l’alimentation et l’agriculture en Afrique », espère Jeanne Zoundjihekpon, Professeur titulaire de génétique et amélioration des plantes.
En Côte d’Ivoire, le Round up figure parmi les herbicides qui sont conseillés aux agriculteurs par le Centre national de recherche agronomique (CNRA). Au Burkina-Faso, le gouvernement a suspendu en 2016 le coton génétiquement modifié coton (Bt) introduit dans le pays en 2008 à cause de qualité des fibres mais aussi après des résultats contestés par la société civile et les agriculteurs dont certains réclament des indemnisations pour les pertes et dommages subis. Pour Ange David Baimey, représentant Afrique de l’ONG GRAIN basée en Espagne, la condamnation de Monsanto « est une excellente nouvelle ».
« Elle doit être une aubaine pour les organisations paysannes au niveau du Burkina-Faso qui ont subi énormément les dommages de cette firme de pouvoir se constituer afin de réclamer une réparation et une indemnisation pour toutes les victimes paysannes, les paysans et les paysannes burkinabè qui subissent aussi les dommages du Round Up dans leurs plantations depuis l’année où Monsanto a décidé de faire du coton Bt au Burkina-Faso », observe-t-il.
Justement, à Ouagadougou, les écologistes et défenseurs des droits des paysans entendent prolonger cette « avancée judiciaire ». Ali Tapsoba, président de l’organisation Terre à Vie et porte-parole du Collectif citoyen pour l’agro-écologie (CCAE) assure : « Au Burkina Faso nous pouvons exploiter la juriste prudence de ce verdict pour poursuivre l’initiative de plainte contre Monsanto (préjudice économique) qui traine depuis deux ans et dont un cabinet d’avocat basé à Paris avait commencé un travail de collecte d’informations en vue de soutenir les organisations paysannes qui pourraient se constituer partie civile ».
Déjà en 2017, le Tribunal international Monsanto, un tribunal citoyen mis en place par la société civile, avait rendu un avis consultatif dans lequel il jugeait que le géant américain de l’agrochimie était responsable de « crime d’écocide » pour ses activités dans le monde. Cette initiative avait pour objectif de faire évoluer la réglementation internationale et faire reconnaitre les atteintes à l’environnement. « Nous voyons là un début des concrétisations des avis juridiques du Tribunal International Monsanto (…) Nous voyons aussi une opportunité pour intensifier le plaidoyer pour l’adoption du crime d’écocide dans les instruments juridiques », fait valoir Ali Tapsoba.
Si après des débats houleux l’Union européenne a ré-autorisé en novembre 2017 la licence de glyphosate pour 5 ans, l’interdiction de cet herbicide est de plus en plus réclamée. C’est une opportunité pour les pays africains, et particulièrement la Côte d’Ivoire, d’ouvrir le débat sur ce sujet qui est essentiel pour l’avenir de l’agriculture.
Anderson Diédri