Avec l’essor fulgurant d’internet, la circulation de l’information est désormais instantanée. Les réseaux sociaux, de plus en plus usités par les citoyens, livrent une concurrence accrue aux médias traditionnels. Internet est devenu le nouveau visage de la propagande et de la manipulation. Face à cette menace, le journalisme se réinvente. A Paris ce samedi 2 décembre 2017, Barack Obama appelle à « protéger le journalisme ».
Le discours était loin d’être original. Mais l’ancien président américain conserve une force de séduction qui reste intacte. Invité à prononcer une conférence le samedi 2 décembre 2017 à Paris sur le thème : « Crains moins, innove plus » devant des patrons, entrepreneurs, politiques, professionnels de la communication, de la publicité et des médias, le très charismatique Barack Obama a abordé les sujets qui dominent l’actualité internationale et rythment la vie des Etats : liberté, état de droit, démocratie, terrorisme, changement climatique, migration, etc.
Il a aussi évoqué le revers de la technologie et de l’Internet, avec notamment le risque que représente la diffusion fulgurante d’informations erronées sur les réseaux sociaux, devenus les moteurs de la propagande et de la manipulation. Face à cette menace, l’ancien président américain s’est posé en défenseur de la liberté de la presse et d’un journalisme nouveau. « Il faut trouver un moyen de repousser la propagande, de protéger le journalisme », a préconisé Barack Obama.
Des rubriques dédiées
Ce journalisme nouveau peut être le fact checking. C’est en effet une pratique journalistique exclusivement consacrée à la vérification des faits, des arguments et des chiffres. Né dans les années 1920 aux Etat-Unis où il consistait au départ à vérifier minutieusement par une équipe de journalistes dédiés toutes les informations rapportées par les reporters avant leur publication dans un magazine, le fact checking s’est particulièrement développé à partir des années 2000.
Ce fact checking de nouvelle génération relancé par des pure-players est un exercice journalistique beaucoup plus ciblé qui met un accent sur la vérification de l’exactitude et de précision des discours prononcés dans l’espace public, en particulier par les hommes politiques, mais aussi à décrypter les rumeurs, photos et vidéos qui circulent sur internet et les réseaux sociaux afin de s’assurer de leur véracité.
Particulièrement séduits par ce renouveau éditorial, de nombreux médias ont ainsi créé des rubriques dédiées au fact checking pour traquer les fausses informations et les rumeurs ou les hoax (canulars) : Politifact (2007, Etats-Unis), Le Washington Post (2007, États-Unis), Libération 2008, rubrique « Désintox, France), Le Monde (2009, rubrique » Décodeurs », France), Africa Check (2015, Sénégal), Eburnie Today (Côte d’Ivoire)…
Contrer la propagande
Les journalistes doivent-ils se transformer en chasseurs de fausses informations ? Le travail des « Décodeurs » a-t-il un impact réel sur la circulation des fausses informations ?
Avec la prolifération des fausses nouvelles, les médias consacrent de plus en plus des rubriques spécialement dédiées au fact checking, avec des journalistes qui ne font que de la vérification des affirmations ou informations susceptibles d’induire le public en erreur. Des médias, notamment des pure-players, se sont développés pour produire uniquement des articles de fact checking. Cette pratique journalistique a un impact a trois niveaux. D’abord, elle renforce la crédibilité des médias face à un public qui se tourne de plus en plus vers les réseaux sociaux pour s’informer mais qui s’expose invariablement à un flux d’informations dont l’authenticité et la véracité sont parfois sujet à caution.
Ce renouveau éditorial permet au journalisme de regagner la confiance des citoyens. Le fact checking offre aux journalistes un regard plus critique puisque ces derniers ne se contentent plus de relayer systématiquement les informations reçues. Outre sa rubrique « Le vrai du faux », Franceinfo vérifie même les dépêches d’agences comme l’AFP avant leur publication.
En plus, ce genre journalistique nouveau permet d’éclairer davantage le débat public. Les hommes politiques, élus et figures publiques font de plus en plus attention aux discours qu’ils tiennent, se montrant parfois prudent à avancer des chiffres ou des faits sans en avoir la certitude ; ils craignent d’être « fact-checkés » par les journalistes. Ce rôle de vigie permet de contrer les fausses informations.
Enfin, il y a une approche pédagogique qui permet aux citoyens d’être mieux informés à travers les « décodeurs de l’info » qui permettent de distinguer le vrai de l’ivraie, de mieux comprendre les tenants et les aboutissants d’une action de propagande ou de manipulation, notamment sur internet et les réseaux sociaux. Le travail effectué par « Les observateurs de France24 pour traquer les fausses images ou vidéos erronées est assez édifiant.
Eclairer le débat démocratique
En conclusion, le fact checking développé aux Etats-Unis a connu une évolution fulgurante. On est passé d’un fact checking originel qui consistait à vérifier au sein des rédactions l’exactitude des informations rapportées par les journalistes avant leur publication à un fact checking de nouvelle génération qui met l’accent sur la vérification des déclarations des figures publiques dans les médias et de tout ce qui circule sur les réseaux sociaux notamment afin d’éclairer le débat public. L’objectif est de contrer l’évolution des fausses informations et de la propagande à l’ère où le numérique est omniprésent.
Même s’il y a des initiatives encourageantes, ce renouveau éditorial est moins développé en Afrique pour le moment. Il est indispensable de soutenir des projets innovants de vulgarisation de ce nouveau genre journalistique sur le continent qui en a besoin pour l’édification de l’opinion publique et promouvoir la participation accrue des citoyens au débat démocratique et à la gouvernance. Et l’appel de l’ancien président américain Barack Obama à « protéger le journalisme » face à la montée des fausses informations et de la propagande est une balle qu’il faut saisir au bond.
Anderson Diédri
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