S’il existe une société civile en Côte d’Ivoire, c’est qu’elle existe sans doute de nom car rares sont les organisations qui sont réellement d’intérêt public dans un pays où les injustices sociales sont quasi quotidiennes.
La société civile est, par essence, le domaine de la vie publique organisée autour du volontariat et qui affiche une autonomie réelle face à la gestion politique d’un État. Elle regroupe les organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations à but non lucratif. Plusieurs acteurs se retrouvent donc au sein de la société civile. Nous citerons au-delà des défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les cyber-activistes, les blogueurs, les mouvements de jeunesse etc.
En Côte d’Ivoire le mot société civile, loin d’épouser cette définition première, est aujourd’hui un conglomérat d’organisations qui fonctionnent bien plus comme des entreprises que de véritables ONG. La preuve : au sein de ces organisations, le nombre de bénévoles sachant rédiger un projet et détailler le budget qui l’accompagne est plus élevé que ceux qui ont déjà lu en intégralité la déclaration universelle des droits de l’homme !
La société civile ivoirienne est composée en grande partie d’aventuriers et d’hommes d’affaires. Il ne s’agit pas d’activistes ou d’hommes de conviction. Leurs ONG servent à capter des fonds pour soutenir leur train de vie alors qu’ils exploitent sans arrière-pensée des jeunes étudiants demandeurs de stages. Ils en font de même pour ces bénévoles cooptés pour faire miroiter le rêve du chiffre aux potentiels bailleurs. Tout est bon chez eux pour « bouffer » comme disent les ivoiriens ! Lutte contre la torture, combat pour la fin de l’excision, monitoring fictif des élections, campagne citoyenne,… Tout est converti en espèces sonnantes et trébuchantes.
Tant qu’il n’y a pas de bailleurs, personne ne s’engage ! C’est avec l’argent des projets que certains s’assurent des fins de mois et financent les études de leurs progénitures. C’est bien la raison pour laquelle la Côte d’Ivoire consacre une expression non moins ironique pour désigner ces hommes et ces femmes qui ont greffé leur existence sur les fonds qui leur sont alloués pour l’exécution de projets. Ne soyez pas surpris d’entendre dans certains milieux l’expression « fonctionnaires de la société civile » ! Ces acteurs de la société civile dont il est question sous ce vocable sont des bourgeois qui, à eux seuls, ont créé une multitude d’organisations écrans, de réseaux et de coalitions simplement pour se faire de l’argent.
On les entend souvent se plaindre lors de colloques et séminaires du caractère insignifiant de leur per diem et de la longueur des débats pourtant constructifs. « C’est tout ce qu’on a pour nous » (référence aux perdiems) ou encore « faisons vite, j’ai de l’argent à prendre quelque part » sont des phrases qui se font entendre chaque jour lors des séminaires et colloques. Cet amour de l’argent et le manque d’engagement font qu’aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est dotée d’une société civile bien trop souvent silencieuse sur les problèmes que vivent les ivoiriens. Que peut bien faire une société civile face aux abus du pouvoir quand celle-ci s’est arrangée pour ne pas être indépendante ? Pire, que peuvent bien dire des professeurs d’université, magistrats et anciens militants de partis politiques quand les droits les plus élémentaires des ivoiriens sont bafoués ?
Les bourgeois ne se salissent pas : ils se contentent de produire des communiqués et de se taire même quand l’un des leurs est inquiété. Sinon comment comprendre que le ministre de l’intérieur s’autorise à menacer le président d’une ONG parce que celui-ci a dénoncé des viols d’étudiantes par la police ? Sous d’autres cieux, un tel acte aurait été dénoncé publiquement. Mais au pays des éléphants chacun se tait…bien plus soucieux de veiller à ses propres intérêts qu’à œuvrer pour une société civile plus forte. Les prisonniers politiques croupissent dans les geôles du pouvoir sans que personne n’en fasse un combat. La pollution atteint des records dans les bassins miniers et tue chaque jour des paysans. Personne n’en parle. Les prix des denrées alimentaires augmentent et la société civile ivoirienne est étrangement invisible !
Ne nous trompons pas, l’espoir d’une société civile ivoirienne forte ne sera qu’un rêve aussi longtemps que les bourgeois qui s’y sont aventurés seront présents. Hélas, ils seront encore présents car les bailleurs internationaux aiment bien ce genre d’acteurs corrompus de la tête aux pieds. Ils se prêtent plus facilement au blanchiment d’argent, justifient toutes les factures pour plaire aux généreux donateurs et s’arrangent à souhait pour se laisser téléguider au gré de leurs intérêts. C’est bien parce que certains les engraissent qu’ils grossissent.
Ebony T. Christian
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