La Constitution actuelle remet-elle les compteurs à zéro ?
Chers Amis,
J’ai lu comme vous j’imagine, l’interview accordée par le Président de la République à une presse étrangère. Ce faisant, je m’arrête sur la possibilité qui lui serait offerte par la Constitution actuelle de faire 2 mandats à compter de 2020, les compteurs étant remis à zéro.
Chers Amis,
Au regard des dispositions de la récente Constitution, le Président de la République actuellement en exercice n’est pas éligible à un troisième mandat et je vais vous expliquer pourquoi en m’appuyant sur certaines dispositions et des principes généraux du droit :
1/ l’énoncé de l’article 55 de la Constitution relative à l’élection du Président de la République ;
2/ le principe de la continuité de l’État qui consacre la non interruption concernant les affaires de l’État, de sorte que les changements successifs qui y interviennent, comme l’irruption d’une nouvelle Constitution, n’ont aucune incidence sur son exercice continu, tel que mentionné à l’article 183 de la Constitution ;
3/ le principe selon lequel dans un texte de loi, la lettre engage tout autant que l’esprit. La lettre étant ce qui est écrit, alors que l’esprit résulte des pratiques, des usages ou encore de ce qui est communément admis et accepté par tous comme étant la règle en la matière.
S’agissant du premier point relatif à l’élection du Président de la République, l’article 55 indique que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour 5 ans et il n’est rééligible qu’une fois ».
À aucun moment il n’y ait fait mention d’un troisième mandat. Cette disposition fait écho à l’article 35 de l’ancienne Constitution de 2000 qui énonçait le même principe, à savoir que le Président de la République est élu pour 5 ans et n’est rééligible qu’une seule fois au suffrage universel direct. Comme vous le constatez, à aucun moment, il ne fait mention d’un troisième mandat, et pour cause, c’est cette disposition qui a inspiré l’article 55 actuel.
Une telle redondance ou insistance a été reproduite dans la Constitution actuelle parce qu’il n’a jamais été question de revenir sur un principe qui, désormais est partagé par tous les ivoiriens, à savoir : le Président de la République ne peut faire que 2 mandats à la tête de l’État.
Ainsi, la Constitution de 2016 ne dit pas autre chose ; non seulement, il n’y ait nullement fait mention d’un troisième mandat, mais également, il n’y ait pas indiqué que les compteurs seraient remis à zéro pour permettre au Président actuel de se représenter.
La Constitution fait au contraire allusion à 2 mandats, de sorte que nul ne saurait en tirer une interprétation différente, ni en décider autrement. Ceci nous conduit naturellement à aborder le second point qui se rapporte au principe de la continuité de l’État comme mentionné à l’article 183 de la Constitution qui stipule que « la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ».
En effet, penser qu’il serait possible à l’actuel Président de la République de faire un troisième mandat c’est méconnaître ce principe en vertu duquel il n’y a pas de rupture dans la législation malgré l’avènement d’une nouvelle Constitution et d’une troisième république sauf si les dispositions de la nouvelle législation sont contraires à l’ancienne. La législation étant l’ensemble des lois et des règlements applicables dans notre pays.
Or, dans l’ancienne législation, comme nous venons de le voir, la Constitution de 2000 dit que le Président de la République ne peut faire que 2 mandats, ce qui est repris par l’actuelle Constitution. Vous voyez donc qu’il n’y a aucune contradiction à ce sujet entre les deux lois fondamentales.
Partant, on ne peut pas arguer que les compteurs sont remis à zéro, à moins de considérer que l’actuel Président de la République n’a jamais été Président ni en 2010, ni en 2015 pour justifier qu’il pourrait à nouveau se représenter. C’est pour cela que le passage de l’ancienne Constitution à la nouvelle ne peut interrompre la comptabilité des mandats présidentiels exécutés.
Pour ce qui est du troisième et dernier point, relatif au principe selon lequel dans un texte de loi la lettre engage tout autant que l’esprit ; le Président de la République fait fi des engagements qu‘il a pris vis-à-vis des ivoiriennes et des ivoiriens, ainsi qu’auprès de la communauté internationale en différentes occasions notamment :
Le Président de la République a pris lors de ces déclarations, un engagement moral qui le lie aux Ivoiriennes et Ivoiriens.
Avec le recul, la question peut se poser de savoir si finalement l’objectif du Président de la République n’était pas tout autre au moment de faire adhérer le peuple ivoirien à son projet de Constitution ?
Or, notre attachement à la notion des 2 mandats présidentiels vient du compromis sur lequel nous nous étions déjà accordés par le passé et accepté de tous dès l’avènement de la deuxième République au prix de hautes luttes, et consacré dans la constitution de 2000.
Par Conséquent, c’est un engagement fort qui nous lie tous, le peuple souverain ayant le dernier mot, il nous appartient de décider, de changer d’avis sur la question de limitation des mandats présidentiels à deux.
Chers Amis,
Au regard de tout ce qui précède, vous voyez et comprenez que l’actuel Président de la République n’est pas éligible en 2020, ne peut prétendre à un troisième mandat et ne peut donc pas être candidat.
Je me devais de réagir parce que c’est le devenir de notre pays qui est en jeu. Mais d’ores et déjà, je sais compter sur la sagesse et les principes du Président de la République qui tient à cœur l’aspiration du peuple, pour mettre la Côte d’Ivoire sur le chemin de la démocratie.
Dieu protège la Côte d’Ivoire et bénisse tous ses habitants !
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