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L’agriculture familiale : solution au réchauffement climatique et au gaspillage

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Des quantités importantes de nourriture finissent chaque jour dans les poubelles pendant que de nombreuses personnes meurent de faim. Un gaspillage qui peut bien prendre fin avec la promotion de l’agriculture familiale.

Entre 44 et 57% du total des émissions de gaz à effet de serre proviennent du système alimentaire mondial contrôlé par les multinationales. Tous les secteurs sociaux et environnementaux sont touchés par des politiques agricoles et économiques qui visent le profit au détriment d’un accès responsable à la nourriture et à la protection de l’environnement. 60% des accaparements de terre, 15 à 18% de la déforestation, 8 à 10% du recyclage d’emballage et 4% des déchets sont liés à l’agro-business.

A cela s’ajoute la pollution de la terre et des eaux liée à l’utilisation des engrais chimiques surtout dans les méga-plantations. Malgré cette dépense d’énergie, Mohamed Hakech fait remarquer que « l’agro-business dans son orientation actuelle n’engendre qu’un système de surproduction et de gaspillage ». Le secrétaire général de la fédération nationale du secteur agricole du Maroc en veut pour preuve « la quantité de nourriture jetée alors qu’elle pourrait servir à nourrir de nombreuses bouches ». On produit plus non pas pour nourrir équitablement ceux qui en ont besoin mais pour créer un système de surconsommation et de gaspillage !

Qui nourrit réellement le monde ?

Toute cette nourriture jetée, emballage y compris, est une nouvelle source de pollution. En effet 3 à 4% des émissions des gaz à effet de serre sont liés aux déchets alimentaires dans le monde.

« Nous polluons pendant la production, durant le transport, la conservation des aliments, notre consommation et le recyclage de nos restes et des emballages. Pourtant avec une production plus responsable nous pouvons briser les maillons de cette chaîne de pollution » explique Essohanam Batchana, enseignant-chercheur à l’Université de Lomé.

Cette production responsable, respectueuse de l’environnement et évitant le gaspillage, dont parle Essohanam Batchana est celle que pratique déjà les petits producteurs. Ces derniers continuent tant bien que mal de perpétuer une agriculture de type familial. Contrairement aux multinationales qui produisent dans une logique purement commerciale, « les petits producteurs sont ceux qui en réalité nourrissent le plus grand nombre de population en minimisant au maximum l’impact écologique de leur production » soutient Mohamed Hakech. C’est d’ailleurs en reconnaissance des efforts de ces petits producteurs que la FAO a consacré 2014, année de l’agriculture familiale.

L’agriculture familiale réduit l’usage des pesticides

Ce système de production selon Christine Ribard agricultrice française et membre de NO-VOX France « offre d’énormes avantages socio-économiques mais surtout écologiques ». Christine Ribard nous explique que « l’agriculture familiale qui répond en tout point aux principes d’une agriculture durable » garantit une protection aux sols parce que nécessite que très peu ou pas d’engrais, les surfaces cultivées sont enrichies grâce au compost, le système d’arrosage au goutte à goutte garanti une saine utilisation des ressources en eau et protège les nappes phréatiques.

« Les productions sont vendues sur les marchés locaux sans que cela n’entraîne une pollution en raison du transport ou des emballages pour le conditionnement » conclut-t-elle.

Cette agriculture familiale est déjà une réalité aussi bien dans les pays du sud que ceux du nord. De plus en plus de consommateurs veulent dans leurs assiettes des aliments « moins chimiques » et c’est bien ce que leur proposent les petits producteurs. N’guessan Alexis du BVP, bureau de vente à Bouaké (Côte d’Ivoire) indique que les produits agricoles qui inondent les marchés le sont en quantité raisonnable.

L’agriculture africaine face aux phytopathologies

« Les 300 kg de tomate ou d’aubergine, la tonne d’igname ou de manioc qui arrivent sur le marché seront achetés soit par des familles, des restauratrices ou des détaillants. A la fermeture du marché difficile de voir des produits jetés à la poubelle » indique N’guessan Alexis. Et ce système profite aussi bien aux paysans qu’aux populations locales.

Redonner la terre aux petits producteurs

Mais pour réussir à préserver l’avenir de cette agriculture familiale et bio, il va falloir redonner à la terre sa fonction sociale. Freiner les accaparements massifs de surfaces cultivables pour des productions polluantes et à grande échelle pour permettre aux paysans de disposer de la terre. Pour y arriver, il faudra entre autres réaffirmer la primauté du droit coutumier et traditionnelle sur la terre au détriment du foncier, source de tension. C’est la position de Massa Koné, porte-parole de la convergence malienne contre l’accaparement des terres.

« La terre aux mains des grandes compagnies ne représente qu’un intérêt économique. Les baux emphytéotiques qui courent sur des dizaines voire des centaines d’années créent un système d’exploitation intensif et d’appauvrissement des sols. OGM, engrais et insecticides finissent par tout polluer et au final ce sont les populations riveraines qui doivent craindre pour leur santé » se désole Massa Koné.

La juste répartition des terres, la rotation du cycle des cultures et les bonnes pratiques agricoles permettront non seulement de limiter les dégâts sur l’environnement mais aussi de préserver pour longtemps un héritage bien plus fragile qu’on ne le pense.

« Le sol, en tout cas pour sa partie cultivable, n’est qu’une fine couche qui nous nourrit à travers les nutriments qu’elle offre aux plantes. Elle n’est pas remplaçable ! A force de la solliciter et de l’agresser nous finirons tôt ou tard à la dégrader sur plusieurs centaines d’hectares » Essohanam Batchana, enseignant-chercheur à l’Université de Lomé.

Contre l’accaparement des terres menées par les multinationales et leurs pouvoirs économiques, les organisations paysannes ont vite compris que la force du combat réside dans l’unité. De nombreux réseaux se créent pour dénoncer cette pratique mais aussi mettre en lumière ses dangers pour l’environnement. Pour Eric Ahouménou du réseau No-Vox Bénin, « le véritable combat réside en une prise de conscience collective sur les dangers de l’agriculture de masse sur l’environnement et la santé des populations ». Cette prise de conscience collective permettra bien plus de protéger l’environnement et de redonner à l’agriculture familiale toutes ses lettres de noblesse.

SUY Kahofi

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