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Quand Alassane Ouattara abandonne la famille de Djeni Kobina

Si Alassane Ouattara dirige la Côte d’Ivoire aujourd’hui, il le doit avant tout à une personne : Georges Djeni Kobina Kouamé, qui a fondé en 1994 le Rassemblement des républicains (RDR) ; parti qui a porté l’ancien directeur général adjoint du FMI à la magistrature suprême. Mais à l’épreuve du pouvoir, le chef de l’Etat ignore royalement le fondateur du parti qui l’a fait roi et même sa famille.

Lorsqu’en avril 1994 la parole lui ai refusé au congrès extraordinaire du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), il claque définitivement la porte pour porter sur les fonts baptismaux le Rassemblement des républicains (RDR) la même année. En juillet 1995, Djeni Kobina en devient le Secrétaire général, poste qu’il occupera jusqu’à son décès le 19 octobre 1998. Alassane Ouattara prend ensuite la présidence du parti lorsqu’il quitte son poste de directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) le 31 juillet 1999 pour effectuer son retour sur l’échiquier politique en Côte d’Ivoire. Mais en 1998, lors des obsèques de Djeni Kobina, Ouattara promet de soutenir sa famille et de réhabiliter l’ancien Secrétaire général du RDR. L’actuel locataire du palais présidentiel n’a pas tenu promesse…

Son départ du PDCI a été à la base de son supplice. Ancien responsable du vieux parti, le fondateur du RDR a été persécuté par l’administration Bédié. En 1995, sa candidature aux élections législatives à Adjamé est rejetée. La raison : sa nationalité ivoirienne était remise en cause. Djeni Kobina est mort apatride !

« C’est pourquoi son fils se bat pour la réhabilitation politique de son père, pour qu’on reconnaisse que Djeni est ivoirien. Ils lui ont fait un tort à cause de la politique. Donc Ouattara doit le reconnaître et le réhabiliter dans ses droits. Reconnaître sa nationalité et même dédommager sa famille pour lui demander pardon au nom de l’Etat de Côte d’Ivoire. Donc le combat de Franck est légitime », estime un membre de la famille.

Même les cérémonies de commémoration du décès de Djeni Kobina organisées par sa famille chaque 19 octobre au cimetière de Williamsville sont boycottées par la direction du RDR : « Les gens ne viennent pas. Les gens du parti viennent quand ils ont besoin d’utiliser la commémoration pour la communication. Sinon en 2011, où le RDR venait à peine d’arriver au pouvoir, on était à peine moins d’une dizaine ». Après des sorties médiatiques, Amadou Soumahoro, le Secrétaire général par intérim du RDR, accompagné de quelques cadres du parti, se rend en 2013 au cimetière de Williamsville à l’occasion du 15ème anniversaire de la mort de l’ancien professeur d’histoire.

Toute honte bue, il rend un hommage forcé au fondateur du RDR :

« Le chef de l’Etat m’a chargé de te rassurer qu’il ne t’oubliera jamais, il n’oubliera jamais les actions que tu as menées. Surtout l’acte de rupture que tu as opéré en 1994, lorsque tu as décidé d’instaurer un peu plus de démocratie dans notre pays ». Ça, c’était devant les caméras !

Les enfants de Djeni Kobina ont usé de tous les moyens pour interpeler le Chef de l’Etat

Aucun responsable du parti n’a effectué le déplacement à Williamsville cette année pour le 18ème anniversaire de la commémoration. Le 19 octobre 2016, le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de la sécurité, Hamed Bakayoko, s’est lui contenté de publier sur sa page Facebook une photo de l’ancien leader politique avec ce message en commentaire : « 18 ans déjà que tu nous as quitté. Tu as été un homme intègre et un modèle pour nous. Nous ne t’oublierons jamais et tu restera toujours dans nos cœurs Fama ». Dans la réalité, Djeni a été oublié depuis son décès il y a 18 ans. D’ailleurs, Amadou Gon Coulibaly, actuel ministre d’Etat et Secrétaire général de la présidence, répond aux critiques de ceux qui évoquent le manque de reconnaissance du RDR envers son fondateur et sa famille que Djeni Kobina est désormais « une pièce de musée ». Traduction : il est révolu. A moins d’avoir des tendances suicidaires au plan politique, on n’imagine mal un seul cadre du PDCI sortir une telle réflexion pour parler d’Houphouët Boigny…

La famille mise sous l’éteignoir

L’humiliation que Ouattara et « son » parti infligent à la mémoire de Djeni n’épargne pas sa famille. La veuve du fondateur du RDR, Jacqueline Djeni, vit à ce jour dans une maison de location à la Riviera Palmeraie à Cocody. Selon des sources au RDR, le service social de la présidence de la république lui verse une allocation mensuelle de 800.000 francs CFA. « C’est ridicule », s’insurge un membre de la famille. Même le véhicule que la présidence s’est finalement résolue à lui offrir a une histoire. La voiture dont disposait Jacqueline Djeni était en panne. Elle décide donc d’emprunter un taxi pour aller faire des courses à Adjamé. Un maire RDR, qui l’a reconnue, lui apporte un coup de main. Il la prend dans son véhicule pour faire ses courses. Mais totalement stupéfié par le traitement que son parti réserve à la veuve du fondateur du RDR, il suscite un article dans la presse. Jacqueline Djeni a finalement la voiture…mais celle-ci bouge à peine…faute de carburant.

Henri Konan Bédié a longuement persécuté Alassane Ouattara lorsqu’il était chef de l’Etat. Il a inventé le controversé concept d’ivoirité qui empêchait l’ancien gouverneur de la BCEAO de se présenter à l’élection présidentielle et lancé un mandat d’arrêt international contre lui. L’actuel locataire du palais présidentiel a-t-il préféré apprécier la saine réalité du moment au nom de l’alliance nouée avec le vieux parti et qui a porté sa candidature au second tour de l’élection présidentielle de 2010 ? Aujourd’hui, il voue un culte débordant au président du PDCI et à ses proches en leur accordant un traitement digne d’une famille royale. N’Zueba et son épouse bénéficient des avantages et honneurs de l’Etat, pareil pour leurs enfants : Jean Luc Bédié est même conseiller d’Alassane Ouattara. Contrairement aux Bédié qui roulent carrosse, la famille du fondateur du RDR, parti qui a porté la lutte politique de Ouattara pendant plus de 10 ans avant qu’il n’accède à la magistrature suprême, est bafouée, ignorée et humiliée.

Djeni Kobina oublié et avec lui sa famille

Les enfants du fondateur du RDR ne sont mieux logés également. Le 4 novembre 2011, c’est-à-dire sept mois seulement après l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir, Pulcherine Djeni est virée de son poste de directrice de la communication de la Société des transports abidjanais (SOTRA) par l’actuel directeur général, Méité Bouaké. La présidence de la république a « refusé » des bourses d’études à l’une des filles (Joëlle Djeni) et à une nièce de Djeni Kobina. Son fils aîné qui vit en France, Jean Claude Djeni, qui était venu présenter un projet à l’ancien directeur de cabinet de son père, Ibrahim Cissé Bacongo, au moment où ce dernier était au ministère de l’enseignement supérieur, il a dû patienter plus de six heures à son cabinet. En colère, son frère Franck Djeni a dû intervenir. Dans une interview au quotidien Le Nouveau Courrier en avril 2015, Jean Claude évoque ce sujet. « Je ne m’étalerais pas sur le mépris dont lui et ses collaborateurs ont manifesté à mon égard lorsque je suis venu soumettre à sa sagacité un projet important en 2013 », a estimé l’ingénieur des ponts et chaussées.

On ne veut plus sentir les Djéni !

Franck Djeni, qui a été le porte-parole chargé de la jeunesse de Ouattara lors de la campagne présidentielle de 2010, n’a aujourd’hui qu’un simple et ridicule poste de conseiller du directeur général de la Loterie nationale de Côte d’Ivoire (LONACI). Il n’apprécie pas le traitement méprisable du RDR vis à vis de la famille Djeni. Dans une interview au quotidien L’Inter en octobre 2013, Franck Djeni dénonce les pratiques du pouvoir : « Le constat est amer, au prisme de la réalité de tout juste un peu plus de 2 ans de gestion du pouvoir d’Etat, ce parti sombre dans l’immobilisme, le clientélisme, le népotisme. Le RDR est devenu un club d’amis, gouverné par la logique des “attalakous” (laudation, ndlr), des parrains, des bons petits, des clans et que sais-je. Bref, une coquille vide à relent tribaliste. Ce parti a atteint son apogée au plan de l’analyse politique et de la réflexion stratégique. Il doit être rénové.

Les Bédié roulent carrosse, les Djeni bafoués, ignorés et humiliés

Djény Kobena n’a jamais créé le RDR pour faire l’apologie des clans et il doit actuellement se retourner dans sa tombe tant les valeurs qu’il a prônées sont bafouées par la Direction du club des amis du RDR. « Le RDR a une gestion familiale et clanique (…) Ériger le tribalisme fondamental en mode de gestion des hommes, en bafouant la mémoire du fondateur, en galvaudant ses idéaux, en humiliant sa descendance, est-ce cela consolider un héritage ? ». Aujourd’hui, Franck Djeni est en retrait des activités du RDR. La mémoire du fondateur du parti qui a fait Ouattara roi est bafouée. Sa famille est marginalisée. Et manifestement, le clan Ouattara, qui évolue dans une alliance (le RHDP avec un œil bienveillant pour le PDCI et Bédié), n’entend pas changer de fusil d’épaule.

Les militants du RDR savent-ils que la mère du fondateur de leur parti est décédée le 14 août 2011 dans l’indifférence totale des membres fondateurs du parti, abonnés absent aux funérailles ? Feu Désiré Boni (ex membre de la direction du RDR) a été élevé plus haut que la mère de Djeni Kobina lors de ses funérailles tous cela pour tromper les baoulés à travers une alliance de dupes : le RHDP. Une coalition politique contre nature où la logique de conserver le pouvoir pour l’émergence des comptes bancaires des membres du clan justifie la logique de rassemblement. Pourquoi diantre avoir suscité la chute de Bedié et provoquer ces crises qui ont occasionnes tant de morts alors même que ses parvenus politiques s’inscrivent aujourd’hui rigoureusement dans la logique du parti état, avec son corollaire de corruption de la classe politique, de clientélisme, de népotisme.

Georges Djeni Kobina Kouamé voulait rénover le PDCI à cause des pratiques inhérentes à la gestion du parti état. Cette vision et son combat n’ont pu subsister en raison d’héritiers politiques qui étaient bien plus guidés par l’appât du gain. Triste

SUY Kahofi

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