Plusieurs publications identifiées sur Facebook, X (anciennement Twitter) et Tik Tok indiquent que 4.000 milliards de barils de pétrole ont été découverts au Mali précisément dans le bassin de Taoudéni. Un chiffre astronomique qu’aucune source consultée par Eburnie Today ne confirme.
Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la désinformation autour des matières premières des pays membres de l’AES (Alliance des Etats du Sahel) est constante. Au cœur de cette campagne de fausses informations l’uranium, le pétrole et l’or. C’est dans ce contexte qu’une information faisant état de la présence de 4.000 milliards de barils de pétrole dans le bassin de Taoudéni au Mali a commencé à circuler depuis juillet 2024. Ces 4.000 milliards de barils de pétrole ferait du Mali la plus grande réserve de pétrole en Afrique. Pour certains internautes, ce sous-sol riche explique « l’instabilité artificielle installée au Sahel » et d’autres de marteler que « l’Afrique n’est pas pauvre, l’Afrique est appauvrie ».
4.000 milliards de barils de pétrole au Mali ? Si l’information était authentique, elle aurait fait la une des tous les médias crédibles. Une recherche par mot-clé nous permet de constater que l’information est reprise par un seul site : Yop.l-frii.com. L’essentiel des publications se concentrent sur Facebook, X et Tik Tok. Ni le ministère malien des mines, ni le gouvernement malien n’ont annoncé la découverte de 4.000 milliards de barils de pétrole. Aucune communication en ce sens ne figure sur les canaux de communication officielle de l’Etat malien.
Afin de vérifier ce chiffre, nous exploitons différents documents disponibles en open source sur les sites de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). En plus de ces deux organisations, les données du magazine spécialisé Oil and Gas Journal, des sites Worldatlas.com et Statista.com montrent que le chiffre de 4.000 milliards de barils de pétrole est surréaliste ! L’ensemble des réserves mondiales de pétrole d’après les dernières estimations annuelles de la revue hebdomadaire américaine Oil and Gas Journal, « auraient augmenté d’environ 0,4 % en 2023, ressortant à 239 milliards de tonnes au 1er janvier 2024, soit environ 50 années de production, au rythme actuel ».
Dans sa Database documentation, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) retient comme équivalence 7,37 barils par tonne de pétrole brut. Le calcul suivant peut être effectué pour estimer les réserves mondiales :
Le résultat de ce calcul est 1.761,63 milliards de barils à l’échelle mondiale. Si plusieurs sources consultées avancent ce chiffre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) précise tout de même que le total des ressources mondiales économiquement récupérables est estimé à environ 1.500 milliards de barils. C’est aussi ce chiffre que l’OPEP confirme sur son site lors de son dernier rapport.
Les réserves des pays membres de l’OPEP sont estimées à 1.241,33 milliards de barils (79,1% des réserves mondiales). Les pays non-membres de l’organisation concentrent 20,9% de la production.
Le résultat de ce calcul est de l’ordre de 1569,31 milliards de barils. Le Mali aurait-il près de 3 fois les réserves mondiales et serait la première réserve africaine de pétrole ? Ni l’un ni l’autre. Le Venezuela, qui possède les plus grandes réserves prouvées de brut au monde dispose de 303,01 milliards de barils.
Le Mali ne produit pas de pétrole pour le moment. Rystad Energy, une société indépendante de recherche énergétique et de veille économique, estime que « les réserves totales de pétrole au Mali sont nulles ». L’Afrique est un continent qui dispose de plus de 125 milliards de barils de réserves prouvées de pétrole brut. Les pays ayant les réserves les plus importantes sont la Libye (48,36 milliards de barils) et le Nigeria (37,50 milliards de barils). A ce duo de tête s’ajoute des pays comme l’Angola, l’Algérie ou le Soudan.
Pour tenter de rendre cette fausse information crédible, certains posts associent une publication de l’USGS. Il s’agit d’une ancienne publication scientifique qui fait état des réserves possibles (0 à 10% max de fiabilité). Ce type d’études scientifiques ne sont que le point de départ de possible prospection. Il faudra avant tout réaliser des études géophysiques poussées, des campagnes de forages durant 5 ans minimum avec des modélisations 3D pour pouvoir quantifier en réserves prouvées les stocks disponibles. La publication scientifique de l’USGS ne confirme en rien la présence de 4.000 milliards de barils de pétrole au Mali.
Ce qu’il faut savoir
Pour parler de réserve de pétrole il faut que celle-ci soit prouvée. Il existe 3 types de réserves : les réserves possibles (10% de fiabilité), probables (50% de fiabilité) et prouvées (90% de fiabilité). Les organisations de veille et celles spécialisées dans le secteur comme l’OPEP, l’AIE ou l’Organisation Africaine des Producteurs de Pétrole (APPO) ne comptabilisent que les réserves prouvées. Une réserve peut être prouvée mais pas économiquement récupérable. Cela s’explique par le fait que certaines réserves ne peuvent être exploitées (pour le moment) pour des raisons écologiques, économiques ou technologiques.
Anderson Diédri
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