Brassivoire s’enracine, la peur de SOLIBRA aussi
Dans la guerre de la bière au pays des éléphants, deux mâles dominants doivent désormais s’affronter pour le contrôle du marché. Le fournisseur historique SOLIBRA se retrouve pour la première fois face à un concurrent de taille : Brassivoire.
La libéralisation d’un secteur économique et l’arrivée de nouvelles entreprises booste la concurrence et crée un esprit de compétition. Et c’est bien ce à quoi les ivoiriens assistent aujourd’hui dans le secteur de la brasserie depuis un certain temps. Pour mémoire, le premier « clash » économique réel dans le secteur s’est produit lors de l’arrivée sur le marché de la bière blonde Number One produite par Les Brasseries Ivoiriennes (LBI). La bière a connu un tel succès que pour la première fois depuis les années 80, SOLIBRA va (re)faire de la publicité ! La dernière pub en date de la firme de Treichville était celle où les humoristes Toto et Dago après une bonne bière glacée prenaient le dessus sur la voiture d’époque d’un célèbre constructeur français. In fin, après des mois de rude face à face (et sérieusement inquiété) SOLIBRA rachète LBI. Mais les choses ont changé…
Le nouveau coururent n’est plus LBI mais Brassivoire. A voir l’usine située dans la nouvelle zone industrielle de Yopougon PK 24 et dont la première pierre a été posée le 25 septembre 2015, on se dit intérieurement que Brassiovire n’est pas sur le marché de la bière en touriste ! Cette usine fait partie des 56 usines d’Heineken dans 23 pays. A terme Brassivoire compte créer environ 700 emplois directs et plus de 40.000 emplois indirects.
Au-delà, ce sont les actionnaires qui soulignent aussi les ambitions de la boite. Brassivoire est détenue à 51% par le groupe brassicole d’origine néerlandaise Heineken et à 49% par la Compagnie française de l’Afrique occidentale (CFAO). Alexander Koch, le Directeur général de Brassivoire indique que l’investissement de son groupe se chiffre à ce jour « à plus de 100 milliards de FCFA ». Il faudra donc avoir les reins solides pour penser à une simple idée d’OPA sur Brassivoire !
La concurrence s’installe donc et les nouveaux venus semblent avoir des arguments très sérieux qui séduisent déjà. « On ne voit pas Brassivoire en premier mais l’expérience de Heineken en matière de production de bière. Et tous les amateurs de bonne bière savent ce que signifie avoir une Heineken entre les mains. J’estime que dans ce nouveau face à face, c’est la qualité du produit qui fera la différence » indique Georges Kouassi technico-commercial.
Pour les amateurs de bonne bière, SOLIBRA ne doit plus se contenter de compter sur la fidélité des ivoiriens avec « ses mêmes vieilles bières ». Les générations se succèdent et les critères pour choisir un breuvage changent. Les consommateurs deviennent de plus en plus exigeants et la variété de bière proposé par Heineken et désormais Brassivoire séduit déjà les consommateurs.
« Si on vous donne du kabadji (jus de maïs) et une vraie bière vous choisissez quoi ? Moi j’ai goûté Ivoire® la nouvelle bière de Brassivoire : elle a très bon goût et sa bouteille est élégante. Avec son prix abordable, il est clair qu’elle va séduire les consommateurs parce que le critère qualité/prix est déjà respecté » avance Kobé Jean Noël, étudiant.
Le jeune homme qui indique apprécier la bonne bière note avec satisfaction que certaines marques de bière détenues par Heineken sont de plus en plus consommées par les ivoiriens notamment dans les boite de nuit et les bars. Chose que nous constatons avec le quasi sacre de la bière Despérados® auprès de gente féminine ivoirienne.
« Chaque fois qu’il y a une nouvelle bière il y a des rumeurs qui s’installent étrangement. On entend dire que cette bière donne des insuffisances rénales, ceci, cela…mais les ivoiriens n’accordent plus d’importance à ces rumeurs. On consomme ce qui nous plait : un point un trait » souligne Béatrice Ba une jeune secrétaire.
Si les consommateurs se réjouissent de l’arrivée d’une nouvelle bière et par ricochet d’une nouvelle entreprise dans le secteur de la brasserie, l’inquiétude se lit sur le visage de certains tenanciers de maquis et de restaurants. En effet, ces derniers ne cachent leur peur quant aux représailles dont ils seraient victimes s’ils s’aventuraient à vendre la nouvelle bière.
« Un bon maquisard veut avoir plusieurs bières pour satisfaire les clients. Et vous savez que les ivoiriens aiment les nouveautés. Mais nous autres on a peur. Si tu vends la bière des autres les gens de SOLIBRA peuvent venir arracher leurs frigos et leurs chaises : c’est ça le problème » indique N.K un propriétaire de maquis à la Riviera 2.
L’homme indique que lors de l’arrivée de la bière Number One sur le marché de nombreux propriétaires de maquis n’ont jamais pu la vendre.
« On a connu ça ici à Yopougon. Si vous vendez la Number One on vous dit qu’on ne vous ravitaille plus avec les autres bières. Certains collègues se sont même réveillés avec des casiers et des bouteilles cassées. Voilà la réalité de la concurrence pour nous les tenanciers et je n’accuse personne » se désole Serges Abongoua tenancier de maquis.
Doit-on s’inquiéter d’un esprit revanchard d’une entreprise dans un contexte de concurrence dans le secteur très porteur de la brasserie ? Pour Georges Kouassi technico-commercial « chaque entreprise peut utiliser ses propres méthodes pour garder le monopole sur un marché ». Cependant, il estime qu’une stratégie commerciale (bonne ou mauvaise), qui n’est pas sanctionnée par le régulateur peut servir la cause de toutes les entreprises.
« Si certains menacent de retirer leurs chaises et leurs frigos, Brassivoire peut combler le vide si l’entreprise estime qu’un tel investissement lui est bénéfique sur le long terme. En offrant des chaises, des frigos, des enseignes lumineuses, des couvres-verres…Brassivoire pourrait garantir l’équilibre de la terreur » indique un brin amusé Georges Kouassi.
Cette démarche est aussi celle que de nombreux tenanciers de maquis attendent de Brassivoire et espère voir appliquer dans un bref délai. D’ici là, Ivoire® le nouvelle bière de Brassivoire qui attire la curiosité des consommateurs ivoiriens se déploie sur le terrain et dans le cœur des amateurs de bonne bière.
SUY Kahofi