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La Côte d’Ivoire ne reconnait plus la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

Le porte-parole du gouvernement ivoirien a annoncé ce mercredi 29 Avril dans un communiqué, la décision du retrait de la déclaration de compétence prévue au protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une cour africaine des droits de l’homme et des peuples que le pays a émis, tel que prévu par l’article 34 alinéa 6 du protocole le 19 juin 2013.

Le communiqué est tombé peu avant 17 h TU, la Côte d’Ivoire, par la voix du porte-porte du gouvernement a décidé de retirer la déclaration de compétence qu’elle avait émise en 2013 et qui permet notamment aux citoyens ivoiriens de saisir directement la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) conformément aux dispositions prévues à l’article 5.3 et 34.6 du protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

En effet selon l’article 5.3 du protocole, « La Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la Commission d’introduire des requêtes directement devant elle conformément à l’article 34(6) de ce Protocole ». Mais l’Etat partie au protocole doit, selon cet article 34.6 « A tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l’Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent Protocole… ». En l’absence de cette déclaration, toujours selon l’article 36.4 du protocole,  « La Cour ne reçoit aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration ».

« Graves et intolérables agissements » de la cour selon les autorités ivoiriennes

Dans le communiqué lu devant la presse par le porte-parole du gouvernement, les autorités ivoirienne justifient cette décision en indiquant qu’elle fait suite « aux graves et intolérables agissements que la Cour s’est autorisés dans ses actions, et qui, non seulement portent atteinte à la souveraineté de l’Etat de Côte d’Ivoire, à l’autorité et au fonctionnement de la justice, mais également sont de nature à entraîner une grave perturbation de l’ordre juridique interne des Etats et à saper les bases de l’Etat de droit, par l’instauration d’une véritable Insécurité juridique ».

De quelles actions s’agit-il ? Le communiqué ne précise rien. Mais il faut rappeler que plusieurs affaires concernant la Côte d’Ivoire sont portées en ce moment auprès de la cour africaine parmi lesquelles l’affaire Guillaume SORO dont les avocat ont saisi la juridiction africaine pour demander l’annulation des poursuites. Dans un arrêt publié le 22 avril, la cour a rendu un arrêt dans lequel elle ordonne notamment à l’État ivoirien de « surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Kigbafori Soro ».

Dans un autre arrêt rendu suite à une saisine, en 2014 par l’organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme APDH,  la cour « enjoint à l’État de Côte d’Ivoire de reformer sa loi et de lui en tenir rapport dans un délai qui ne peut excéder un an ». Est-ce à ces arrêts auxquels les autorités ivoiriennes font allusion quand elles évoquent « les graves et intolérables agissements » ?

Dans tous les cas, la décision et prise et la principale conséquence immédiate est que les citoyens ivoiriens et les organisations non gouvernementales ivoiriennes ne pourront plus saisir directement la cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Car, le pays ne reconnait plus la compétence de la cour basée dans la capitale Tanzanienne pour recevoir directement des requêtes des citoyens ou des ONGs.

Quid des affaires déjà en cours auprès de la CADHP ?

Selon Éric Aimé Semien ; président de l’Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme contacté lemediacitoyen « la décision de retrait de cette déclaration prendra effet dans un an à partir de maintenant. Donc les affaires en cours seront traitées et jugées. Et l’obligation d’appliquer ces décisions pèsera toujours sur l’état de Côte d’Ivoire ».

Des réactions nationales et internationales

Dès l’annonce de la décision, les réactions n’ont pas tardé notamment sur les réseaux sociaux. Me Traoré Drissa, ancien président du MIDH qui publie « Consterné, amer et meurtri.  Qu’est-ce qui arrive à ma très chère Côte d’ivoire? Les droits humains n’ont pas de bord politique. Ayons de la mémoire ».

La journaliste et activiste Nesmon Delaure, présidente de l’ONG Opinion Eclairée, a indiqué dans un post sur sa page Facebook que « Le gouvernement ouvert est en danger. Nous assistons à une restriction de l’espace civique qui ne dit pas son nom avec le retrait de la Côte d’Ivoire de la déclaration de compétence de la CADPH. Un citoyen lambda ne pourra plus saisir la Cour Africaine. Mettez les drapeaux en berne ».

Pour Amnesty International, « la décision de retirer aux individus et organisations non gouvernementales le droit de soumettre directement des plaintes à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples marque un recul pour les droits humains en Côte d’Ivoire ». a déclaré Madame  Alice Banens, conseillère juridique pour l’Afrique avant d’ajouter que « ce retrait privera les particuliers et les ONGs ivoiriens d’un recours judiciaire précieux, lorsque leurs droits sont bafoués et qu’ils n’ont pas réussi à obtenir justice devant les tribunaux de leur propre pays. Ce retrait est également une énième attaque de front au système régional de protection des droits humains ».  La conseillère juridique pour l’Afrique a rappelé que « cette décision, qui prendra effet dans un an, intervient dans un contexte pré-électoral où le gouvernement ivoirien a multiplié les attaques contre des opposants politiques et voix dissidentes ».

Pour rappel, la Côte d’Ivoire ne se retire pas du protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une cour africaine des  droits de l’homme et des peuples. Elle retire seulement la déclaration de compétence qu’elle a émise en 2013 et qui permettait aux citoyens ivoiriens et organisations non gouvernementales ivoiriennes de saisir directement la cour basée à Arusha en Tanzanie conformément à l’article 34.6 du protocole. Avant la Côte d’Ivoire, le Rwanda, la Tanzanie et le Bénin ont procédé à la même action.

Traoré Bakary

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