Ces billets de franc CFA calcinés n’ont pas été photographiés à Kidal
La sortie du franc CFA des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) est un sujet qui alimente le débat sur la toile. Dans des groupes Facebook, plusieurs personnes soutiennent que cette monnaie est le symbole de l’impérialisme, du colonialisme et de la servitude. Le franc CFA est surtout une monnaie contrôlée par la France, l’ennemi des pays de l’AES. La monnaie sert donc à financer le terrorisme. Pour montrer de nouveau que le francs CFA est un outil de financement du terrorisme, une image de billets de banque calcinés et censée avoir été prise à Kidal (Mali) fait le tour d’internet. Attention, cette image est décontextualisée : elle fait référence à l’origine à l’incendie d’un commerce en Côte d’Ivoire.
« L’argent des terroristes tués à Kidal. Si l’AES quitte le franc CFA on verra comment les terroristes vont faire leur achat dans ces 3 pays et avec quelle monnaie. C’est plus que urgent de sortir la nouvelle monnaie AES (sic) », voici le texte qui accompagne une photo de billets de banque calcinés partagée sur Facebook. La publication qui date du 16 juillet 2025 (ici et ici), reprend un narratif vendu par les autorités des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Il s’agit de l’implication de la France et des pays comme la Côte d’Ivoire et le Bénin dans des actions subversives visant à renverser les militaires au pouvoir au Niger, au Burkina Faso et au Mali.

D’ailleurs dans les commentaires, certains internautes accusent ouvertement le président ivoirien Alassane Ouattara et le président français Emmanuel Macron d’être à la manœuvre pour empêcher le Burkina Faso de prendre la présidence de l’UEMOA. En dépit des accusations portées contre Paris et Abidjan autour du franc CFA comme outil de financement du terrorisme, l’image présentée sur Facebook n’a aucun lien avec le Mali.

Une recherche par image inversée grâce à Google Images permet de constater qu’une page Facebook avait déjà publié cette photo le 13 juillet 2025, soit trois (3) jours avant que les pages pro-AES ne la détournent. L’image n’a pas été prise à Kidal mais en Côte d’Ivoire dans la localité de Mama. Elle fait partie d’un lot de trois images utilisées pour évoquer l’incendie d’un commerce.

« Un violent incendie a ravagé, hier samedi 12 juillet 2025, une boutique de marchandises diverses dans le village de Mama. L’alerte a été donnée vers 14h30, mobilisant les secours. Une équipe de Pompiers de Gagnoa est intervenue sur place vers 15h pour maîtriser les flammes. Malgré leurs efforts, le feu a causé d’importants dégâts » indique la dépêche partagée par l’Agence de Presse Régionale. Le texte précise ensuite que « le propriétaire, Adou Gérard, 29 ans, commerçant béninois, a déclaré avoir aperçu des cartons de liqueur s’enflammer dans sa boutique. Toutes ses tentatives pour éteindre le feu, aidé par des passants, ont échoué face à la rapidité de propagation ».
Ce drame est aussi relaté par L’infodrome qui précise que les faits se sont déroulés le 12 juillet 2025 à Mama avec un préjudice estimé à « sept millions de francs CFA de marchandises » et « un million de francs en espèces réduits en cendres ». Les billets de banque partiellement calcinés après l’incendie de la boutique à Mama sont ceux qui sont visibles sur l’image faussement attribuée à des terroristes à Kidal au Mali.
Des accusations de déstabilisation et de tentatives de coups d’Etat sont fréquemment portées contre la France et ses partenaires dans la sous-région ouest-africaine. L’idée est de les rendre responsables du chaos sécuritaire dans les pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Ce narratif est aussi alimenté par des affirmations faisant état de la capture de terroristes ayant en leur possession d’importantes quantité de billet de banque (franc CFA), preuve supplémentaire de l’implication de certains pays de la zone UEMOA dans le financement du terrorisme au Niger, Mali et Burkina Faso.
Traoré Bakary
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