Chronique ECO : l’annexe fiscale de la discorde
L’annexe fiscale fixe le cap de la politique économique et sociale du gouvernement. Mais ce document qui détaille les impôts et taxes prévus au budget de l’Etat a déclenché cette année une levée de bouclier sans précédent.
Dès son entrée en vigueur le 2 janvier 2018, le secteur privé est monté au créneau pour dénoncer un harcèlement fiscal et réclamé sa suspension pure et simple. La raison de cette colère ? Les taux d’imposition pour les entreprises ont augmenté dans plusieurs domaines d’activités. Les impôts sur le tabac et les boissons alcoolisées par exemple ont été revus à la hausse. Les contribuables ne sont pas épargnés. Une taxe au taux de 0,5 % a été fixée sur tous les transferts d’argent réalisés via les opérateurs de téléphonie mobile. Cette mesure permet à l’Etat de mobiliser 10 milliards de francs Cfa. Le secteur de la beauté est également considéré comme une niche. Les produits cosmétiques (maquillage, mèches, parfums) sont taxés à 10 %.
Au total, le gain net des mesures contenues dans l’annexe fiscale pour l’année 2018 est évalué à 75,4 milliards de francs pour les caisses de l’Etat. Seulement 3,38 milliards de francs de pertes ont été consentis par l’administration fiscale contre 78,78 milliards de francs engrangés grâce aux hausses d’impôts et taxes. En clair, le gouvernement donne très peu de la main droite et reprend beaucoup de la main gauche.
Si les mesures induisent une augmentation de 11% des recettes fiscales, les grandes et moyennes entreprises, qui constituent plus de ¾ de l’assiette fiscale, enregistrent un niveau de pression fiscale qui pourrait dépasser 25% à 30%. Finalement, l’annexe fiscale impose beaucoup de contraintes aux entreprises mais offre très peu d’opportunités pour booster leur compétitivité. Ce « harcèlement » fiscale risque d’accroitre le coût de production pour les emprises qui pourraient de facto répercuter le manque à gagner sur le prix des produits vendus aux consommateurs, dont le pouvoir d’achat est déjà très raboté. Conséquence : il y a un risque d’augmentation du coût de la vie. Certaines entreprises pourraient être même tentées de rejoindre le secteur informel pour échapper aux impôts.
Face à la persistance de la grogne du patronat ivoirien, le président Alassane Ouattara a demandé fin janvier la suspension et le reprise de l’annexe fiscale. Le gouvernement, qui envisage de relever le taux de pression fiscale de 15,6 % en 2016 à 20 % en 2019, a finalement fait bon cœur contre mauvaise fortune. La « quasi-totalité » des dispositions de l’annexe fiscale a été annulée. Cette mesure est salutaire. Car elle permet au secteur privé de continuer à jouer sans entrave son rôle de moteur de la croissance et de création d’emplois en Côte d’Ivoire, dont l’objectif est d’aller à l’émergence.
Dans la nouvelle mouture de l’annexe fiscale, le gouvernement doit envisager une imposition plus juste et plus équitable pour les contribuables et les entreprises mais aussi et surtout prendre en considérations les propositions du secteur privé. Il doit aussi mettre l’accent sur la lutte contre la fraude et la corruption tous azimuts qui constituent des freins majeurs à l’accroissement des recettes fiscales et au financement optimal du budget.
En tout cas, la discorde a été dissipée. L’écheveau a té démêlé. Il y a eu clash mais pas crash. Fort heureusement, le tir a été rectifié.
Anderson Diédri