Economie

Conflit éleveurs-cultivateurs : le ranching ne résoudra pas le problème

L’ambassade de France en Côte d’Ivoire et l’ONG Acting for life ont organisé une conférence-débat à l’Institut français au plateau le 31 octobre autour du thème « Conflits agriculteurs et éleveurs : le risque d’escalade au détriment du développement économique ». Une occasion pour les acteurs de la filière bétail de se pencher sur un problème qui débouche souvent sur des conflits inter-ethniques.

Le commerce du bétail en Afrique de l’ouest constitue un échange dynamique entre les pays producteurs notamment ceux du sahel et ceux de la côte qui s’approvisionnent pour certains à plus de 80% auprès de leurs partenaires du nord. Si le transport par camion ou par train est utilisé dans certaines transactions, la transhumance reste un moyen idéal pour les éleveurs de convoyer leurs bêtes tout en leur donnant l’opportunité de s’engraisser. Ce déplacement du bétail des pays du sahel vers ceux de la côte en vue de trouver de meilleures zones de pâturage crée souvent des tensions entre agriculteurs et éleveurs.

Selon les experts réunis lors de la conférence, les conflits agriculteurs et éleveurs existent depuis la nuit des temps. Ils sont classés au premier rang des conflits inter-communautaires et en Afrique occidentale, ils constituent l’une des causes majeures de violence. Si les éleveurs n’ont pour seul richesse que leur bétail qu’ils emmènent paître sur de longues distances, il arrive que cette quête de pâturage les conduise vers des espaces exploités par les agriculteurs dont la richesse est le travail de la terre.

Le bétail s’en prend aux plantations des cultivateurs qu’ils traversent occasionnant des querelles. Doit-on arrêter cette mobilité du bétail quand on sait que les troupeaux ont besoin de paître tandis que les cultivateurs ont également besoin de leur terre et bien souvent de l’engrais organique de ces troupeaux pour l’enrichir ? Faut-il avoir recours au ranching pour éviter que le bétail ne détruise les plantations ? Somda Béore estime que la meilleure manière d’éviter des conflits est d’aménager des couloirs de passage des animaux. Il s’agit d’allées réservées que le bétail doit par exemple suivre afin de rejoindre les points d’eau.

« Ceci pour éviter que l’animal ne soit pas obligé d’aller brouter dans le champ d’un agriculteur en chemin » affirme la responsable du Réseau de communication sur le pastoralisme (Recopa – Burkina Faso).

Au-delà de l’aspect sécurisation des terres et des cultures, « l’installation de ranch va faire disparaître certaines activités économiques » soutient Alassane Soro responsable de la coopérative des éleveurs professionnels de Ferkessédougou (CEPF) et panéliste lors de la conférence. Selon lui, plusieurs personnes vivent du revenu d’activités génératrices liés de la transhumance, une pratique ancestrale qui a des avantages écologiques mais surtout économiques. En effet l’importation de la viande frigorifiée depuis les pays sahéliens vers les pays du sud aura un coût élevé et nécessitera des investissements importants. Il s’agit entre autres de la remise aux normes des abattoirs et la construction d’espace de stockage pour ne pas casser la chaîne de froid. Finalement, une telle logistique pourrait augmenter le coût de la viande au niveau du consommateur.

La solution du ranch semble ne pas être du goût des professionnels de l’élevage. Cette méthode selon eux ne résoudra pas les conflits entre éleveurs et cultivateurs. Un problème de manque de terre pourrait se poser très vite à cause de l’espace octroyé par chaque bête pour respecter les normes de pâturage (2 hectares par animal). Certains éleveurs devront à un moment donné de l’année faire sortir le bétail des ranchs pour le faire paître. Les ranchs pourraient également être un facteur de perte de revenus pour certaines entités territoriales décentralisée puisque la transhumance constitue une source de revenus pour elles.

« Chaque préfecture dans la région du Bénin arrivait à collecter au moins 2 millions à travers la transhumance par rapport à la taxe fixée par sur chaque animal » affirme Somda Béore.

L’aspect écologique de la transhumance a été mis en lumière par David Sagara représentant de l’Union régionale de la fédération bétail de Sikasso. Il soutient que dans le contexte du changement climatique actuel dans la région ouest africaine, l’appauvrissement des sols est une réalité. Si le recours intempestif aux engrais chimiques pourrait agresser les sols « c’est avec la production animales que nous améliorons la productivité des sols alors qu’en améliorant la productivité des sols ; on améliore leur rendement ».

Les conflits éleveurs-agriculteurs touche plusieurs pays d’Afrique. Cependant, selon les dires d’Abdel Ethmane, « l’Union Africaine n’as pas encore produit de texte sur le sujet ». Le conseiller politique au Bureau de liaison de l’Union africaine estime qu’il est important d’emmener avant tout les acteurs à trouver une solution et un terrain de concertation pour éviter ces conflits. C’est d’ailleurs une conclusion commune à tous les panélistes.

On estime à 20 millions le nombre d’éleveurs en Afrique et un peu plus de 80 millions de personnes qui dépendent de cette activité.

SUY Kahofi

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