Le président Alassane Ouattara a déclaré en août 2014 que la Côte d’Ivoire était « endettée à 75% » à son arrivée au pouvoir. Il a ajouté que « sous sa présidence, la Côte d’Ivoire ne va pas endettée à un tel pourcentage », promettant de ne pas dépasser le seuil de 50%. Il a aussi ajouté qu’il a trouvé un endettement qui se faisait à un taux de « 8% ou à 7% », assurant que « les marchés financiers donnent à la Côte d’Ivoire des crédits sur 10 ans avec un taux de moins de 6% ».
A la veille de la célébration du 54ème anniversaire de l’indépendance du pays, le Président Alassane Ouattara a déclaré que la Côte d’Ivoire « était endettée à 75% » à son arrivée à la magistrature suprême à l’issue des élections de fin 2010.
« Nous avons trouvé à notre arrivée de l’endettement qui a été fait, il y a 5 ans, 6 voire 7 ans à 8% ou à 7%. Là, les marchés financiers nous donnent des crédits sur 10 ans avec un taux de moins de 6% », a indiqué le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara. Il promet ne pas dépasser le seuil de 50% d’endettement. Eburnie Today a vérifié cette affirmation proposée par un lecteur.
Quelle est la situation de l’endettement de la Côte d’Ivoire ?
Selon le dernier rapport sur la dette publique à fin juin 2016 publié sur le site du ministère de l’Economie et des finances, « le stock de la dette s’élève à 8 156,6 milliards, comprenant 4 249,3 milliards de dette extérieure (52,1% du stock) et 3907,3 milliards de dette intérieure (47,90 % du stock) ». « Ce stock de dette correspond à 38,5 % du PlB, ratio largement en dessous de la norme communautaire (UEMOA) de70%, relative aux critères de convergence multilatérale sur l’endettement », explique ce document.
Interrogé, le service communication du ministère de l’économie et des finances n’a pas donné suite aux informations sollicitées sur l’endettement. Contacté, le service communication de la Banque mondiale à Abidjan nous a transmis le rapport en anglais d’une la mission du Conseil d’administration du FMI en Côte d’Ivoire datant de juin 2017. Ce document donne des informations sur les principaux indicateurs économiques du pays sur la période 2015-2020.
Pour lire le résumé en français : http://www.imf.org/fr/News/Articles/2017/06/19/pr17232-cote-divoire-imf-executive-board-completes-first-reviews
Ce document montre que la dette de l’administration centrale s’établit à 47,8% en 2015, 48,5% en 2016 et à 48,7% en 2017. Mais cette dette hors C2D est de 40,5% en 2015, 42,5% en 2016 et 43,9% en 2017. Egalement sollicité, la Banque africaine de développement (BAD) a nous renvoyés vers le Fonds monétaire international (FMI). « Nous vous recommandons toutefois de vous tourner vers le FMI qui est davantage porté sur les questions de dettes », a répondu, par mail, Olivia Ndong, membre de l’équipe des relations médias de la BAD.
Selon le Dr Séraphin Yao Prao, enseignant-chercheur à l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody à Abidjan, l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative pays pauvres très endettés (IPPTE) en juin 2012 a permis de réduire la dette de la Côte d’Ivoire. « Le stock de la dette publique totale, à la fin de l’année 2011, s’élevait à 8377,1 milliards de F CFA, soit un ratio de 69,9% du PIB, quasiment égal à la norme de 70% fixée dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance de l’UEMOA. Ce stock comprenait 75% de dette extérieure 25% de dette intérieure », explique-t-il.
« La réduction du stock de la dette extérieure a eu pour effet de faire chuter considérablement le stock de la dette publique au 31 décembre 2012, à 4 679,6 milliards de F CFA (non compris l’encours C2D), soit 33,9% du PIB », détaille l’enseignant-chercheur. Dr Prao note malgré la forte croissance du PIB depuis 2012 et l’allègement progressif de la dette publique généré par le Contrat désendettement développement (C2D), le ratio dette publique sur PIB s’est accru, passant de 45% (34% hors C2D) en 2012 à 48,3 fin 2016 (43,2% hors C2D). Parlant du niveau d’endettement actuel, il observe que « là où le gouvernement actuel parle de 42,6%, le Trésor français avance le chiffre de 43,2% ». Dans le rapport des Perspectives économiques régionales Afrique subsaharienne publié en avril 2012 (Page 104), le Fonds Monétaire international (FMI) note que la dette de la Côte d’Ivoire représentait 66,4% du PIB en 2010 et 67,9% du PIB en 2011.
Dans le rapport des Perspectives économiques régionales Afrique subsaharienne publié en avril 2014 (page 83), la dernière avant la déclaration du président Ouattara, la dette publique de la Côte d’Ivoire représentait 68,4% en 2010 et 98,3% (une erreur ?) en 2011. Toutefois, le dernier rapport des Perspectives économiques régionales Afrique subsaharienne publié en octobre 2017 montre que le ratio dette publique sur PIB s’établit à 63,0% en 2010 et 69,2% en 2011, et à 48,7% en 2017.
La Côte d’Ivoire s’endettait-elle à des taux de 7% à 8% sous Gbagbo ?
Le président Alassane Ouattara a aussi affirmé en 2014 que l’endettement était fait, il y a 5 ans (2009), 6 ans (2008) voire 7 ans (2007), donc sous l’administration de l’ancien président Laurent Gbagbo, à un taux d’intérêt de 7% à 8%, ajoutant que les marchés financiers prêtent désormais à la Côte d’Ivoire à un taux de moins de 6%.
Selon les données disponibles concernant cette période, la Côte d’Ivoire a lancé plusieurs emprunts obligataires par appel public à l’épargne des fonds sur le marché de l’Union monétaire ouest africaine (UMOA). Un document du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF) disponible sur son site internet retrace les opérations réalisées par plusieurs pays de la sous-région et des institutions entre 1998 et 2017.
Pour consulter le document : http://www.crepmf.org/Wwwcrepmf/(X(1)S(xi0mv1rozpw5khivyvpllwsk))/Emetteurs/OpSoumisesVisas.aspx?AspxAutoDetectCookieSupport=1
Il montre qu’en 2007, le Trésor public de Côte d’Ivoire (TPCI) a lancé un emprunt obligataire à un taux de 6,0%. La Société des transports abidjanais (SOTRA, une compagnie publique) a également sollicité le marché à un taux de 6,80%. En 2008, le Trésor public de Côte d’Ivoire a lancé un emprunt obligataire à un taux 6,25% puis un autre en 2010 à un taux de 6,25%. Le Port autonome d’Abidjan (PAA, une administration publique) a emprunté sur le marché régional à un taux de 6,95% en avril 2010 puis à 6,75% en septembre 2010.
Sur la période allant de 2007 à 2010, les données montrent qu’aucun emprunt obligataire n’a été réalisé à un taux de 7% ou 8%. Les seules fois les taux ont atteint ces seuils c’était à l’occasion d’un emprunt lancé par le Trésor public de Côte d’Ivoire en avril 2002 à un taux de 7% et un autre lancé en avril 1999 à un taux de 8%. Depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir, la Côte d’Ivoire a sollicité les marchés financiers régionaux et internationaux. Au niveau de l’UMOA, le Trésor public de Côte d’Ivoire a lancé plusieurs emprunts obligataires à des taux qui varient entre 5,85% et 6,55% : octobre 2011 (6,50%), 2012 (6% et 6,50%), 2013 (6,00%), février et juin 2014 (6,30% et 6,55%), 2015 (5,85% et 5,99%), avril, août et octobre 2016 (6,00%, 5,90% et 5,90%) et février 2017 (6,25%).
En plus, selon le site de la Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique, la Côte d’Ivoire a émis des obligations synthétiques sur le marché régional pour un montant de 80 milliards de francs Cfa sur plusieurs tranches à des taux allant de 5,70% à 6,20%. Ce qui porte à ce jour, explique le Trésor public, le stock de la dette publique « à 10 071 milliards, soit 42,7% du PIB, largement en-deçà de la norme communautaire qui est de 70% et de 49%, la norme définie par le FMI ».
Le pays a aussi réalisé trois emprunts sur les marchés financiers internationaux. En juillet 2014, un Road show a permis de lever en Angleterre et aux Etats-Unis 750 millions de dollars US à des taux de 5,625% à 8,875%. En février 2015, le pays a initié un Eurobond pour mobiliser un milliard de dollars (près de 500 milliards de francs Cfa) au taux de 6,625%. Le dernier Eurobond a eu lieu en juin 2017. A cette occasion, le gouvernement ivoirien a mobilisé sur les places financières internationales 1 milliard 250 millions de dollars au taux de 6,125% et 625 millions d’euros au taux de 5,125% (soit un total d’environ 1 140 milliards de francs Cfa).
Conclusion
Dans le rapport des Perspectives économiques régionales Afrique subsaharienne publié en avril 2012, le Fonds Monétaire international (FMI) note que la dette de la Côte d’Ivoire représentait 66,4% du PIB en 2010 et 67,9% du PIB en 2011. Le dernier rapport des Perspectives économiques régionales Afrique subsaharienne publié en octobre 2017 montre que le ratio dette publique sur PIB s’établit à 63,0% en 2010 et 69,2% en 2011. Des chiffres qui montrent que la Côte d’Ivoire n’était pas endettée à 75% du PIB à l’arrivée du président Ouattara au pouvoir. Toutefois, selon les dernières données du Fonds monétaire international (FMI), la dette du pays représente 48,7% du PIB en 2017, un chiffre en-deçà des 50% que le chef de l’Etat a promis ne pas dépasser.
En outre, le chef de l’Etat ivoirien a affirmé en 2014 que l’endettement se faisait il y a 5 ans (2009), 6 ans (2008) voire 7 ans (2007), à un taux d’intérêt de 7% à 8%, ajoutant que les marchés financiers prêtent désormais à la Côte d’Ivoire à un taux de moins de 6%. Un document du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF) montre que sur la période allant de 2007 à 2010, aucun emprunt obligataire n’a été réalisé à un taux de 7% ou 8%. En outre, les emprunts faits par la Côte d’Ivoire depuis 2011 atteignent et dépassent parfois les taux de 6%.
Donc l’affirmation du président Alassane Ouattara n’est pas entièrement vérifiée.
Anderson Diédri
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