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Côte d’Ivoire : le modèle politique « ingouvernable » activé !

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Sans une opposition forte, sans guerre, avec l’ensemble des ressources du pays et la communauté internationale en poche, comment Alassane Ouattara a réussi à rendre le pays ingouvernable ?

Il est dans la vie d’un homme ce que l’on appelle l’alignement des étoiles. Une métaphore qui, selon les sachants signifierait que la chance est de votre côté. En tant que président de la République et comparativement à son prédécesseur, Ouattara bénéficie bien de cette chance. C’est d’ailleurs peu de le dire. En effet, prenant les rênes d’un pays après dix années de crise militaro-politique, le président Ouattara – fonctionnaire international dans un passé récent – trouve des oreilles attentives dans les chancelleries occidentales dont certaines ont activement contribué à son accession à la magistrature suprême.

Sur le plan international, il enchaine les déplacements pour, dit-il signer le « retour de la Côte d’Ivoire sur la scène internationale ». Il va en cela obtenir notamment le retour de la Banque Africaine de développement (BAD). Les investisseurs étrangers s’intéressent au pays et y investissent. Sur le plan politique, grâce à l’alliance de son parti le RDR (Rassemblement Des Républicains) avec le PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire) il forme une majorité solide du nom de RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix).

Cette majorité rafle tous les sièges à l’assemblée nationale. Une prédominance politique liée notamment au boycott des élections législatives puis la présidentielle de 2010 par le FPI (Front Populaire Ivoirien). Cette configuration politique perdure jusqu’à l’élection présidentielle de 2015 où le RHPD remporte l’élection à plus de 83% avec Ouattara comme candidat. Avec Ouattara au pouvoir, il n’y a plus de rébellion. L’armée est réunifiée partant le pays aussi !

Sur le plan économique, le pays qui avait deux caisses et deux administrations du fait de la crise militaro-politique de 2002-2010 ne compte plus qu’une seule caisse et une administration centrale. L’autorité d’Alassane Ouattara s’exerce sur toute l’étendue du territoire national. Pour rappel, pendant environ dix ans, le pays a été divisé avec 60% du territoire administré par une rébellion armée et qui ne reconnaissait pas les autorités démocratiquement élus. Désormais, sous la présidence Ouattara, il n’est plus question de division du pays. Les ressources, partout sur le territoire, sont versées dans une et une seule caisse gérée par l’administration du président Ouattara.

Avec la fin de la guerre, la Côte d’Ivoire atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE dont l’enveloppe annuel est de 500 milliards par an sur 4 ans soit 2000 Milliards d’appui octroyé par les créanciers du pays notamment le Club de Paris et le Club de Londres. Le climat sécuritaire devenu stable (en théorie) et les investisseurs étrangers s’intéressent de nouveau au pays. La Côte d’Ivoire est citée parmi les économies les plus performantes du continent avec une croissance à deux chiffres. Le président entreprend de grands travaux pour doter le pays d’infrastructures qui marque une marche réelle vers l’émergence.

Embellie internationale pour un fiasco social

Avec cet alignement des étoiles, Alassane Ouattara s’est-il vu à la limite super-président ? Rien n’est moins sûr cependant, il y a une chose qui a certainement échappé au président. L’embellie économique qu’il vente sur la scène internationale, la croissance à deux chiffres, l’appui de la communauté internationale, les prêts qui sont octroyés à chacun de ses voyages…ne suffisent pas à parler de développement car le développement ne se matérialise pas seulement par des routes, des ponts et l’installation de nouvelles entreprises. En effet pour un leader, l’aspect matériel du développement est même la partie le moins difficile à revaloriser surtout quand il bénéficie du soutien des grandes puissances. Ce qui compte dans un contexte post-crise comme celui de la Côte d’Ivoire, ce sont les retombées de cette croissance et surtout l’aspect social de la gestion de la chose publique.

A l’évidence, le président Ouattara n’a pas pris la mesure de la fracture dans le pays qu’il dirige ou feint-il de l’ignorer…ce qui est peu probable. Mais bien trop souvent le discours qu’il tient semble coupé de la réalité politique, sociale et économique de l’ivoirien lambda. Malgré les routes, le nombre de pauvres ne cesse de croitre en Côte d’Ivoire. Les promesses d’une croissance aux retombés pour tous sont toujours attendues ! La grogne jadis couvée éclate aujourd’hui au grand jour : mutinerie, grève des fonctionnaires le tout dans un climat sécuritaire qui laisse à désirer. Le combat de la cohésion social et du vivre ensemble a échoué au même titre que le dialogue politique. Après 6 ans de règne sans partage, les prisons sont encore surchargées par des détenus politiques. A cause du manque d’investissement du président au plan social, les cœurs des ivoiriens sont restés en guerre malgré la fin des bruits de bottes et de kalachnikov.

La politique sociale du président Ouattara s’avère un fiasco total. Depuis son avènement, les conditions de vie des ivoiriens n’ont pas été améliorées alors que tous sont plus ou moins informés des milliards dont le pays a bénéficié pour sa relance économique. Au contraire, les ivoiriens ont vu leur situation se compliquer davantage avec l’augmentation du prix des denrées alimentaires de première nécessité comme le riz, l’huile, la viande, le poisson… Les prix sur le marché sont fixés à la tête du client sans aucune mesure de lutte contre les prix anarchiques. L’augmentation du tarif de l’électricité et les émeutes qui en découlent, viennent couronner le tout.

Au même moment, les ivoiriens découvrent avec une certaine frustration l’émergence de nouveaux riches dont leurs activités économiques ne peuvent justifier clairement la source de leurs insolentes richesses. L’armée qui devrait être le symbole de l’unité du peuple est divisée : des unités sont mieux équipées et mieux payées pendant que les autres dorment à même le sol dans les casernes sans dotation personnelle en arme exposant ainsi leurs vies au quotidien.

Résultat, depuis maintenant près d’un mois, entre les incessantes mutineries des soldats et la grève générale des fonctionnaires et agents de l’Etat, le pays se retrouve ingouvernable. Ingouvernable…un mot qui nous ramène au discours orageux d’un opposant…à une certaine époque. C’est le comble de l’ironie quand le pays est ingouvernable sous la présidence de celui qui avait prononcé cette phrase dans un passé…pas tellement lointain vu que les ivoiriens s’en souviennent encore comme si c’était hier. A l’époque, il visait la présidence d’un autre sans se douter que c’est en étant président, qu’il rendrait effectivement le pays INGOUVERNABLE.

AB Bakharry

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