Réduire la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles ou des combustibles très peu respectueux de l’environnement, voici l’objectif s’est fixé l’Association des propriétaires de forêts naturelles et plantations d’Affery (APFNP) dans le sud de la Côte d’Ivoire. L’ONG qui a décidé de produire du Bio-charbon avec des cabosses vides de cacao veut ainsi lutter contre la déforestation dans une zone dominée par la culture du cacao.
Lors d’un atelier dédié au développement de l’économie verte et la valorisation de la biomasse en Côte d’Ivoire (mi-mai 2016), Docteur Alain Serge Kouadio, Directeur de l’économie verte et de la responsabilité sociétale (DEVRS) au ministère Ivoirien de l’Environnement de la Salubrité urbaine et du Développement durable indiquait que « 73% de la population ivoirienne utilise la biomasse comme énergie de cuisson ».
La biomasse étant définit comme l’ensemble de la matière organique d’origine végétale ou animale ; il est important de préciser quelle est la nature des composants de cette biomasse utilisés comme énergie de cuisson par les ivoiriens. La majorité des ménages en Côte d’Ivoire dépendent du bois de chauffe et du charbon de bois. Il s’agit d’une véritable menace pour la forêt ivoirienne. En effet, en moins de quarante ans, la forêt ivoirienne a considérablement diminué passant de plus de 16 millions d’hectares en 1963, à quelque 1,9 millions aujourd’hui.
En plus d’être une menace pour le couvert forestier, ces énergies de cuisson représentent un danger pour les populations. Ce sont 22.000 personnes qui meurent chaque année en Côte d’Ivoire du fait des combustibles domestiques, indique un rapport d’étude de l’Alliance ivoirienne pour les Foyers améliorés et les énergies de cuisson propre (CIACC) présenté le Jeudi 8 juin 2017.
La biomasse est donc une ressource stratégique pour la Côte d’Ivoire qui dispose d’un important potentiel en biomasse renouvelable encore sous exploité. Il s’agit des résidus issus de l’agriculture, un secteur qui représente 50% des recettes d’exportation, 22% du PIB et occupe la moitié des actifs en Côte d’Ivoire. Cependant « des initiatives de valorisation de la biomasse existent » conclu Docteur Alain Serge Kouadio.
Pour tenter de savoir si cette affirmation de Docteur Alain Serge Kouadio est fondée, en ce qui concerne les « initiatives de valorisation de la biomasse », il était important d’identifier les différents porteurs de ces initiatives. Et parmi ces projets innovants dans le domaine de la revalorisation de la biomasse en Côte d’Ivoire – dans sa composante résidus agricoles – figure l’initiative de l’Association des propriétaires de forêts naturelles et plantations d’Affery (APFNP).
Des déchets agricoles au bio-charbon
Chaque petit geste écolo qu’un homme pose contribue à refroidir la planète peu importe l’endroit où il le fait. Et ce sont ces petits gestes isolés qui à grande échelle contribuent à lutter contre le réchauffement climatique : les membres de l’APFNP l’ont compris. Leur créneau à eux est le développement du bio-charbon grâce aux déchets agricoles. L’organisation de protection de l’environnement « s’est inspirée de l’expérience rwandaise dans la production du bio-charbon » indique Mme Kobon Jeanne.
« Nous avions un double objectif : lutter contre le réchauffement climatique et gérer de façon plus rentable les déchets agricoles » souligne la présidente de l’APFNP.
Les membres de l’ONG APFNP vont réaliser plusieurs recherches sur internet, visionner de nombreuses vidéos et comparer des pages de documentation sur la production du bio-charbon avant de se lancer dans les premières expérimentations. La carbonisation est le procédé que l’ONG retient mais trouver la formule visant à transformer les détritus ménagers ou agricoles en bio-charbon ne fut pas une aventure de tout repos. Il a fallu tenter l’expérience avec diverses épluchures ou déchets issus de la cuisine.
Piquer par un esprit de curiosité, les membres de l’ONG vont se pencher vers les détritus agricoles. Les échecs à répétition avec les déchets ménagers vont les conduire vers les détritus de cabosses de cacao qui sont disponibles à souhait dans la région. Avec les acquis des premières expérimentations consolidés dans un agenda de recherche, les membres de l’Association des propriétaires de forêts naturelles et plantations d’Affery vont parvenir à une formule initiale qu’ils vont améliorer au fil des mois. Parallèlement, ils réfléchissent à l’équipement nécessaire pour la production de leur bio charbon. Les détritus de cacao principalement les cabosses vides vont devenir la matière première.
« Nous avons amélioré la technique au fur et à mesure pour limiter les pertes et surtout réduire les risques de production intense de fumé » précise Coné Gaoussou secrétaire général de l’APFNP.
Le processus de production
Les recherches vont conduire à la conception – de façon artisanale – d’un réacteur de pyrolyse. Ce réacteur de pyrolyse est au cœur de tout le système de production du bio-charbon. Les résidus agricoles sont enfournés et carbonisés pendant 8 heures. Les résultats impressionnants et contribuent à réduire considérablement les déchets issus de la production de plusieurs denrées agricoles comme le riz, le café ou encore le cacao.
Matière première | Poids d’origine des détritus | Poids de la matière carbonisée |
Coques de café | 205 Kg | 50 Kg |
Balle de riz | 205 Kg | 75 Kg |
Cabosses vides de cacao | 118 Kg | 40 Kg |
La matière obtenue à la sortie du réacteur de pyrolyse (matière carbonisée) passe au compostage et est consolidé grâce à un liant. Séché de façon naturelle grâce aux rayons du soleil, le bio-charbon est prêt à l’emploi ! Et pour maximiser le potentiel du bio-charbon, l’Association des propriétaires de forêts naturelles et plantations d’Affery a développé un fourneau innovant qui « évite la production de fumée et la perte d’énergie lors de la combustion » confirme Aka Allé Lydie une ménagère.
Le bio-charbon est en plein processus de développement mais il compte déjà de fervents défenseurs dont un nombre important de femmes, premières utilisatrices des combustibles fossiles pour la cuisine en Côte d’Ivoire.
Les premiers résultats obtenus par l’Association des propriétaires de forêts naturelles et plantations d’Affery (APFNP) sont plutôt encourageants. L’ONG n’entend pas s’arrêter en si bon chemin et continue la recherche afin de trouver de nouvelles formules et denrées agricoles pour accroître la production à l’échelle locale. Bien au-delà, le développement du bio-charbon représente un avantage certain pour la Côte d’Ivoire. En effet, chaque ménage ivoirien consomme en moyenne 4 Kg de bois ou 2 Kg de charbon de bois par jour soit l’équivalent de 5 Kg de bois frais ! L’utilisation intensive du bois pour la cuisine est aussi une menace pour le couvert forestier ivoirien.
« Le couvert forestier de la Côte d’Ivoire, estimé à 16 millions d’hectares en 1960, a connu une perte de plus de 75% en moins d’un demi-siècle » rappelle Docteur Alain Serge Kouadio Directeur de la DEVRS.
La production à grande échelle du bio-charbon est donc à encourager. Avec 1.300.000 tonnes de cacao produit par an, autour de 100.000 tonnes de café ou encore 900.000 tonnes de maïs, la Côte d’Ivoire gagnerait à promouvoir le bio-charbon puisque la matière première existe.
Dans un monde en proie au réchauffement climatique chaque geste que l’homme pose contribue à refroidir la planète : c’est ce que fait l’APFNPA. L’Association des propriétaires de forêts naturelles et plantations d’Affery continue de rechercher du financement pour développer son initiative à grande échelle. En effet, ce type d’initiatives bien que portées par des ONG méritent largement l’accompagnement de l’Etat Ivoirien.
SUY Kahofi
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