La salle de conférence de la Direction générale des impôts de Cocody Saint Jean était comble à l’occasion de la visite d’entretien et de concertation organisée par l’Alliance nouvelle des agents de la Direction des impôts de Côte d’Ivoire (ANADGI). Ce 16 mai 2023, l’ordre du jour de la rencontre a porté sur le cas de la promotion 0082 et l’absence d’un réel profil de carrière pour les agents de la Direction générale des impôts de Côte d’Ivoire (DGI).
Vu de l’extérieur, faire son entrée à la Direction générale des impôts de Côte d’Ivoire est synonyme d’une carrière radieuse et à l’abris de tout besoin. Cependant, ceux qui sont au cœur de cette administration vivent d’énormes difficultés et évoluent dans un contexte d’incertitude en ce qui concerne leur carrière. Personne à la DGI ne sait comment se font les avancements. Ceux qui ont la chance d’être dans les bonnes grâces de leur hiérarchie ou qui sont parrainés sont ceux qui avancent.
Mais combien sont-ils qui ont ce statut de privilégiés ? Et combien doivent encore subir cette injustice en silence ? C’est pour travailler à mettre fin à cette situation que l’Alliance nouvelle des agents de la Direction des impôts de Côte d’Ivoire (ANADGI) a décidé de se saisir du dossier de la promotion 0082 pour mettre en évidence un problème plus important : l’absence d’un profil de carrière à la DGI.
« Nous avons convié nos collègues de la promotion 0082 parce qu’ils vivent une injustice à la Direction générale des impôts par rapport à leur statut. Ils sont arrivés et ont travaillé aux impôts. Nous estimons qu’il y a une partie de leur droit qui a été lésé. En réalité, la direction a décidé d’appliquer à ses collègues un profil de carrière tandis que nous sommes en plein débat sur les textes qui doivent conduire à l’adoption d’un profil de carrière pour les employés de la DGI » précise Bah Abraham secrétaire aux finances de l’ANADGI.
La situation de la promotion 0082 a conduit l’ANADGI à saisir un cabinet d’avocat afin d’engager une procédure judiciaire pour défendre les droits des employé lésés et aboutir sur l’application du profil de carrière par une décision judiciaire. Ce syndicat, dernier né des sept qui existent au sein de la structure étatique, estime que la direction de la DGI a décidé sans l’accord des syndicats de mettre la charrue avant les bœufs.
« Il y a peine un mois ou deux que la Direction a décidé de prendre l’article 22 du profil de carrière et de l’appliquer à cette promotion tandis qu’il y a plusieurs autres textes qui constituent le profil de carrière qu’il faut mettre en avant. Une Constitution ne va pas s’appliquer sur l’article 1 de la Constitution. Un texte c’est un tout : il y a son esprit et sa lettre et d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte. Léser les droits des personnes qui ont travaillé avec vous pendant longtemps, c’est déjà un problème » soutient Michael Dougrou, secrétaire générale de l’ANADGI.
Pour le syndicat, ce geste de la direction n’est pas élégant et loin d’être éthique. Il rappelle que la Direction générale des impôts de Côte d’Ivoire c’est avant tout un nombre incalculable de contractuels arrivés dans cette administration en raison du manque de fonctionnaires. Certains ont servi la DGI plus de 10 ans sous ce régime de contractuel dans l’incertitude totale sans pour autant se décourager.
« Nous sommes arrivés, nous avons donnés le meilleur de nous-mêmes, nous avons travaillé d’arrache-pied et nous avons contribué à la réalisation des objectifs dans nos différents services. Cependant, nous n’étions pas contents parce que nous étions piétinés » témoigne Emilienne Souhonne secrétaire de direction à la Conservation foncière de Gagnoa.
Elle poursuit en indiquant que ces contractuels dans leur grande majorité n’avaient pas de grands moyens mais ils se sont contentés du peu pour servir la DGI. « Nous avons été reçus aux différents concours et nous sommes entrés maintenant de plein pied à la DGI en tant que fonctionnaires. Au moment où nous devons bénéficier de certains avantages liés à nos nouvelles fonctions, à notre grande surprise on nous supprime ces avantages » se désole Emilienne Souhonne.
Si les murmures et les incompréhensions se font toujours entendre au sein de la DGI, c’est bien parce que d’un côté les textes relatifs au profil de carrière sont en discussion et de l’autre, la direction a décidé d’appliquer certains articles qui ne règlent pas non plus la situation des agents. Des étapes importantes ont été sautées dans le processus d’adoption d’un texte consensuel.
A titre d’exemple, la commission des grades et avancements qui est le cœur du système de mise en œuvre des textes du profil de carrière n’est pas opérationnel. D’autres amendements, reformes et résolutions ont été proposés pour parvenir à texte acceptable par les parties. Cependant, contre toute attente, la direction de la DGI a décidé d’imposer une partie du texte à certains agents qui cumulent entre 10 et 15 ans d’état de service.
« Si les recommandations sont intégrées au texte en discussion, son application devrait permettre à ces agents de se retrouver à un certain niveau. Nous estimons que les textes ne doivent pas s’appliquer de façon partielle. Il s’agit de personnes qui ont travaillé à la DGI parfois sans contrat et sans respect des règles élémentaires du code de travail. Ils sont restés à la DGI, ils ont passé des concours et ils ont été admis. Ils ont été intégrés au système donc nous estimons qu’à un moment donné il faut tenir compte de tous ces paramètres et leur restituer ce qui leur revient de droit. Cela n’enlèvera rien à la DGI et n’empêchera en rien la mise en route du profil de carrière » estime Michael Dougrou, secrétaire générale de l’ANADGI.
Pour l’ANADGI, une forme de découragement semble gagner les agents des impôts et des données statistiques tangibles permettent de se poser des questions sur l’atmosphère qui prévaut au sein de la DGI, le porte-monnaie de l’Etat de Côte d’Ivoire. En 2010, la DGI réalisait 2.100 milliards avec 2.000 agents. En 2023, la DGI compte 7.363 agents mais incapable de mobiliser à peine 3.500 milliards. L’agent des impôts est démotivé et son cadre d’exercice vient amplifier cette situation. Le centre des impôts de Kouassi-Datékro n’a ni eau, ni électricité encore moins d’accès à internet. Le centre des impôts de M’Batto est au premier étage d’une pharmacie, le centre des impôts de Jacqueville est au deuxième étage d’un immeuble d’habitation…
Pour l’ANADGI il faut des reformes pour mettre à la disposition des agents les moyens de travailler et d’accroitre la rentabilité de la DGI. C’est la raison pour laquelle le syndicat invite la direction de la DGI à prendre en compte les amendements et suggestions proposés pour améliorer le texte relatif au profil de carrière et rétablir les agents lésés dans leurs droits.
La rédaction
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