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Exhumation des corps à Abobo : un légiste français pour éclairer la CPI

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Passé trois journées de pause due au fait que le témoignage du général Philippe Mangou s’est achevé plus tôt que prévu, le procès Laurent Gbagbo et Blé Goudé Charles a repris ce mercredi 11 octobre 2017. Mais pour une courte durée. Puisque le procès a été suspendu après le témoignage du témoin Eric Bakar, un expert légiste français qui travaille au bureau du procureur, et reprendra le 6 novembre prochain.

A l’ouverture de l’audience, le juge Cuno Tarfusser a rendu une décision pour trancher une question soulevée par la Défense de Laurent Gbagbo. Les avocats de l’ancien chef de l’Etat ivoirien ont estimé dans une requête le 31 août dernier que le témoin P-583 appelé par l’Accusation ne soit pas considéré (qualité) comme un expert. Car, argumentent-ils, il « manque d’indépendance » puisqu’il est employé du Bureau du Procureur et il fut pendant des années officier dans l’armée française, considérée comme « partie prenante » au conflit ivoirien. Une requête rejetée par la chambre de première instance dans une décision orale rendue le 4 septembre 2017. Une décision que la chambre a confirmée ce mercredi 11 octobre, estimant que le témoin comparait en tant que « témoin expert » et n’est pas « impliqué » dans les activités d’investigation du Bureau du Procureur, rejetant ainsi la demande d’autorisation d’interjetée appel introduite par la défense le 11 septembre.

L’audience pouvait donc commencer. Avec ce témoin expert, l’audience a été aussi technique. En effet, Eric Bakar, coordonnateur des activités médico-légales (une unité du Bureau du Procureur) a donné son avis sur les exhumations de corps enterrés notamment au cimetière municipal d’Abobo suite aux événements survenus pendant la crise postélectorale.

Interrogé par Me Alexis Demerdjan du Bureau du Procureur, ce médecin légiste français qui travaille pour la Cour pénale internationale (CPI) depuis octobre 2004, a expliqué qu’il n’a pas participé aux exhumations de corps qui ont été faites par le Pr Helene Etté Yapo et le Pr Botty de l’Institut médico-légale d’Abidjan. « Je n’ai pas assisté à l’intégralité des exhumations », observe le témoin P-583 qui a effectué notamment des visites au cimetière d’Abobo le 29 novembre et 3 décembre 2012.

Après 1 heure 32 minutes d’interrogatoires, comme l’a rappelé le juge-président Cuno Tarfusser, c’est au tour de la Défense de Laurent Gbagbo d’interroger le témoin. Répondant aux questions de Me Dov Jacobs qui l’interrogeait sur les rapports qu’il a produits de ses missions en Côte d’Ivoire, Eric Bakar a souligné qu’il lui a été expliqué qu’il y avait des enquêtes sur des incidents et que son expertise devait aider à générer des « preuves scientifiques corroborant des témoins des témoins ». « Ce sont les enquêteurs [du Bureau du Procureur] qui nous ont accompagné. Les autorités ivoiriennes ont procédé à des exhumations et nous étions là pour examiner la faisabilité de ces exhumations », explique-t-il. Avant de clarifier : « je me suis seulement limité à faire des prélèvements [ADN] des corps exhumés par les médecins légistes ivoiriens ».

Lorsque que l’avocat de la Défense sur lui demande qui lui a remis la liste des victimes établie par les deux sociétés de pompes funèbres que sont Ivosep et Interfu, le témoin de l’Accusation a répondu : « Je m’occupe de 6 affaires et je n’ai pas une mémoire d’ordinateur », invitant l’avocat à se référer à son rapport car, en plus de la Côte d’Ivoire, il travaille sur plusieurs pays à la fois. Face à l’expert qui ne dit ne pas se rappeler certaines dates, le juge Cuno Tarfusser n’a pas manqué de réagir : « Monsieur le témoin, je m’attendais à ce que vous soyez prêt, que vous ayez vos dossiers avec vous. Vous avez un dossier important quand même ! ».

Après la pause de la mi-journée, Me Jacobs poursuit son interrogatoire et demande si le témoin se souvient que Yacouba Ouattara était présent à une rencontre avec des victimes à la Cellule spéciale d’enquête. Non, répond le témoin. L’avocat va plus loin : « personne ne vous a informé que cette personne était Secrétaire à la communication de l’Association [des parents des femmes martyres d’Abobo – présidée par Bamba Mamadou, qui était également présent] et pas interprète ? ». « Personne ne m’a informé », a assuré le témoin-expert.

Ensuite, le conseil principal de Charles Blé Goudé prend la relaie. Avec Me Alexander Knoops, les premières minutes de l’interrogatoire sont également très techniques puisque que l’avocat revient sur des questions de balistique. En cherchant notamment à comprendre précisément des termes comme « blessures par balles » mentionnés dans les rapports présentés « sans aucun détail » fournis par les auteurs des rapports. « Il faut demander aux auteurs du rapport », a estimé Eric Bakar, parlant de rapport d’autopsie produit par les légistes ivoiriens. En tout cas, le témoin de l’Accusation a souligné en conclusion qu’il a constaté que « tout était cohérent » en ce qui a concerné sa mission de s’assurer que les exhumations ont été faites selon les standards requis. A part, a-t-il indiqué, une erreur de date qui s’est glissé dans un des rapports établis.

Avant de mettre fin à l’audience à 16 heures 35 (heure de La Haye), le juge-président Cuno Tarfusser a renvoyé l’audience au 6 novembre prochain, expliquant cette pause par le fait qu’il y a « d’autres procès en cours » en ce moment.

Anderson Diédri, envoyé spécial à La Haye (Pays-Bas)

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