Il faut tuer la SOTRA !
La libéralisation du secteur du transport lagunaire s’officialise avec l’arrivée des premiers bateaux bus des entreprises concurrentes de la SOTRA (Société des Transports Abidjanais). Cette animation sur la lagune Ebrié aurait été positive et salutaire si seulement les concurrents étaient dans les starting-blocks sans dés pipés à la base.
Le jeudi 23 janvier 2016 face à un groupe de journalistes, le Ministre Gaoussou Touré a indiqué que le Gouvernement « a décidé de mettre un terme à l’exclusivité de la SOTRA concernant l’exploitation de la lagune ». Le plan lagunaire était donc ouvert au secteur privé pour qu’il y ait plus de trafic afin d’aider à la mobilité des 5 millions d’habitants que compte la capitale économique ivoirienne. Deux entreprises sont annoncées et elles appartiennent à des noms bien connus dans les milieux politiques et économiques de la Côte d’Ivoire.
Zoumana Bakayoko, l’ancien député et directeur d’entreprise affiche ses ambitions à travers la Compagnie ivoirienne des Transports (CITRANS). Sa flotte appelée à grandir a pour premier bateau le ‘’lady Dominique’’ : le nom à lui seul fait jaser. Certains y voient la main de la première dame de Côte d’Ivoire qui serait propriétaire de CITRANS ; Zoumana Bakayoko n’étant que la marionnette qu’elle actionne ! Adama Bictogo pourrait-il souffrir d’une telle réputation ? Les avis sont partagés… Néanmoins les détracteurs du député d’Agboville estime que l’ancien ministre est connu pour ‘’chercher l’argent’’ partout même là où il ne faut pas d’où son limogeage du Gouvernement. En affaire cela n’est sans doute pas un défaut pour le patron de SNEDAI puisque la Société de transport lagunaire (STL) – sa nouvelle branche transport – a déjà une flotte de deux ferrys d’une capacité de 150 places chacun.
La concurrence est donc ouverte et la SOTRA doit innover au risque de voir ses recettes sur la lagune Ebrié fondre comme du beurre au soleil. Pour le client c’est une bonne chose : plus d’entreprises, plus de qualité dans le service, plus d’option pour se déplacer. Mais pour les plus critiques, des interrogations persistent sur la volonté réelle du Gouvernement de libéraliser le plan lagunaire d’Abidjan.
Tout ça pour ça !
L’amélioration de la circulation à Abidjan est le premier argument avancé par le Gouvernement pour décréter la fin du monopole de la SOTRA sur la lagune Ebrié. Un argument qui peine à convaincre une frange non négligeable d’Ivoiriens au regard des têtes qui ont eu le quitus du Gouvernement pour lancer leurs entreprises de transport lagunaire. La question qu’on se pose ici et là est de savoir si le régime Ouattara a porté le coup de grâce à la SOTRA pour voir des barons se remplir les poches sur la dépouille de l’opérateur historique ? En effet, la SOTRA comme de nombreuses entreprises détenues par l’Etat de Côte d’Ivoire connait des difficultés. L’Etat qui détient 60,13% du capital de l’entreprise (3 milliard de f CFA) définit en grande partie sa politique de gestion et son orientation économique. A-t-on réellement travaillé à aider la SOTRA à se relever ? Les plans proposés par »les technocrates » qui sont autour d’Alassane Ouattara étaient-ils réellement bons ?
En tout cas en ce qui concerne l’entreprise, le régime des houphouëtistes a fait fort dès son arrivée aux affaires. En 2012, 1200 travailleurs sont sortis des effectifs de l’entreprise qui cumule une dette de 100 milliards de f CFA. Les postes stratégiques sont confiés à des personnes proches du pouvoir. Après quelques mois de gestion, la SOTRA annonce une période d’éclaircie. Bien qu’ayant un an de retard sur son business plan en avril 2015 en ce qui concerne la mobilisation des ressources financières, Méité Bouaké le DG de la SOTRA a indiqué que l’entreprise prévoie « au moins 400 bus en 2015 ».
« Si nous considérons 5 personnes par bus, nous avons un total de 2000 emplois en perspective » a-t-il ajouté.
Ce recrutement se fait attendre comme d’ailleurs les 1500 emplois annoncés de nouveau le 21 août 2015 par le Méité Bouaké. Rien ne fuite par contre sur le plan de règlement de la dette de l’entreprise encore moins sur le réel impact de l’emprunt obligataire lancé par la SOTRA. En effet en 2007, la SOTRA a mobilisé 12 milliards FCFA sur le marché financier de la BRVM. Cela correspondait à 1,2 million d’obligations émises au prix de 10.000 FCFA l’unité lors de sa première cotation. Cet emprunt, assorti d’un intérêt de 6,80% et garanti à 100% par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et la Banque internationale de développement de la CEDEAO (BIDC), devait arriver à échéance en 2012. De l’argent frais était donc disponible pour amorcer depuis 2012 un plan de relance solide. Depuis cette date, il y a eu bien plus de promesses que d’actions !
La SOTRA végète et en lieu et place d’un plan de redressement le Gouvernement se contente de fragiliser son monopole. Un acte délibéré ? Cela y ressemble franchement. Une décision bien calculée qui permet à des fidèles lieutenants d’Alassane Ouattara de se tailler une part du gâteau. Aujourd’hui, la SOTRA perd le monopole du plan lagunaire, demain qui sait, elle perdra le monopole du transport inter-urbain à Abidjan tout simplement. Les ivoiriens verront alors des bus neufs appartenant à d’autres amis du Chef de l’Etat…cela ne surprendra plus puisque la descente aux enfers de la SOTRA arrange bien un noyau au sommet de l’Etat
SUY Kahofi