Instituée en 1996, la journée nationale de la paix est organisée chaque année le 15 novembre en Côte d’Ivoire. Depuis 2018, la journée semble être résolument tournée vers les préoccupations environnementales notamment la reconquête annoncée du couvert forestier du pays.
Cette année, à travers le ministère des Eaux et Forêts, le Gouvernement ivoirien a décidé de consacrer cette journée à l’organisation d’une opération de reboisement dénommée « Un jour, un million d’arbres » sur l’ensemble du territoire national. Quoi de plus normal et salutaire pour un pays qui a perdu 90% de son couvert forestier en espace de 55 ans. Mais voilà, cette opération apparait beaucoup plus comme un coup de communication plutôt qu’une véritable initiative visant à rétablir la forêt ivoirienne.
C’est un homme très sûr de son fait qui s’est présenté devant la presse à l’issue du conseil des ministres de ce mercredi 06 novembre. « Cette opération de grande envergure consiste à planter un million d’arbres dans les espaces urbains et ruraux de tout le pays, au cours de la journée de la Paix, le 15 novembre 2019. Cette journée, dédiée à la Paix et à la cohésion sociale se veut également un appel à la mobilisation de toutes les couches sociales, à agir de concert avec le Gouvernement, pour la reconstitution du couvert forestier national fortement endommagé. Dans les zones urbaines notamment, « le planting d’arbres » se fera en bordures des principales voies de communication, des quais, des promenades, des espaces publics, des jardins, des concessions privées et des parcelles communales », a expliqué le porte-parole du Gouvernement Sidi Touré.
Selon le ministre de la Communication et des Médias qui faisait lecture du communiqué dudit conseil face à la presse, « dans cette même dynamique, une table ronde des bailleurs de fonds est prévue en janvier 2020, en vue de mobiliser des ressources additionnelles auprès des partenaires au développement et du secteur privé, pour le financement de la Politique de Préservation, de Réhabilitation et d’Extension des Forêts, adoptée par le Gouvernement en mai 2018 ».
Un timing qui interroge
Une initiative qui malheureusement semble avoir été décidée sans une consultation des spécialistes en la matière. En effet, selon le calendrier de reboisement élaboré par la Société de Développement des Forêt (SODEFOR), le planting se fait normalement à partir du mois de Mai et prend fin dès le mois d’Août. Selon un ingénieur forestier qui a requis l’anonymat, « un reboisement après le mois de Juillet n’est pas viable ». Il explique « le calendrier pour un bon reboisement est très simple et permet d’avoir au moins 90% de réussite même sans un suivi particulier des plants après le reboisement. On fait les pépinières en Décembre, Janvier, Février. Les graines ont le temps de germer en trois mois donc de Février à Avril. Et on commence la mise en terre en Mai jusqu’à Juillet. On arrête le planting au plus tard début Août ».
Pour lui, l’opération du gouvernement s’apparente plus à de la communication. Ce qui alarme cet engagé de la cause forestière, d’autant que, « le pays n’est pas en position de se payer ce luxe. Aujourd’hui, on va organiser une table ronde pour demander de l’argent pour financer la nouvelle politique forestière. Et dans le même temps, on va dépenser des millions sinon milliard pour organiser une opération qui n’aura aucun effet matériel sur le terrain. Cet argent peut servir à reboiser réellement. Mais il faut pour cela qu’il soit bien utilisé et cette façon de l’utiliser n’est certainement pas une bonne façon » tranche-t-il.
Une absence de prise de conscience de la gravité de la situation pointée
Un autre va plus loin quand on lui parle de l’opération « un jour, un million d’arbre ». « J’ai l’impression que les gens n’ont toujours pas encore compris la gravité de la situation et c’est vraiment déplorable. On a le ministère, on a la SODEFOR, on a même des instituts de recherche. Tout le monde sait qu’un reboisement en novembre n’est pas possible. La saison sèche s’installe en décembre et malgré le changement ou le dérèglement des saisons, les pluies de novembre ou même de décembre ne peuvent pas faire réussir un reboisement. C’est avant tout une opération de communication selon moi et rien d’autre. On est en train de dire aux gens qu’on doit planter des arbres et je suis certain qu’ils se moquent de nous. Je pense qu’il faut qu’on arrête de faire du folklore et se concentrer sur du concret ».
Depuis novembre 2015 et l’organisation des états généraux de la forêt, de la faune et des ressources en eaux, la Côte d’Ivoire a élaboré de nombreux documents importants en matière forestière. De nombreuses recommandations sont faites pour la reconquête de la couverture forestière sur au moins 20% du territoire. L’atteinte de cet objectif a même été fixé à 2030 c’est-à-dire dans 10 ans seulement. Ce qui fait dire à cet ingénieur forestier, « le cap est vraiment clair et il a été affirmé et réaffirmé. Mais chez nous, tout est politique ou politisé. Pour un pays qui est passé de 16 millions d’hectare de forêt en 1960 à un peu moins de 4 millions en 2015, la question forestière est beaucoup trop sérieuse pour être traitée avec des visées politiciennes ».
Quoi qu’il en soit, conclut-il, « on espère être là dans un an pour faire le compte. Peut-être en ce moment, on se rendra compte de l’erreur. Je ne souhaite pas un échec mais, malheureusement, force est de constater que tout est mis en œuvre pour échouer. Espérons qu’il ne soit pas trop tard pour la Côte d’Ivoire ».
Traoré Bakhary
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