L'actualité ivoirienne sans coloration politique

Inondation en saison pluvieuse : tous coupables !

0

La grande saison des pluies qui dure 3 mois débute à peine en ce mois de juin qu’Abidjan est déjà sous les eaux ! Une situation à l’origine de graves inondations dans plusieurs quartiers où l’on dénombre d’importants dégâts matériels et des pertes en vie humaine.

Alors que les prévisions météorologiques laissent entrevoir une forte montée des eaux pour cette saison pluvieuse 2017 à Abidjan et dans plusieurs autres villes du pays, les ivoiriens sont dans l’inquiétude et s’interrogent sur les causes de ces inondations avec leur corolaire d’incidents. Routes coupées, maisons inondées, éboulements, dégâts matériels et surtout pertes en vies humaines. Comme en 2015 et 2016, le même scénario est en train de se réécrire en 2017.

La rage des flots gagne tous les quartiers

« Nous avons été contraints de faire demi-tour et d’annuler notre rencontre avec le mouvement des femmes leaders d’Alépé ».

Expliquait Jean Louis dans une publication sur un réseau social ce 11 juin comme pour montrer les conséquences de la forte pluie de la veille. Rare sont les communes d’Abidjan et même de sa banlieue qui n’ont pas subi la fureur des fortes pluies qui s’abattent sur la région des lagunes depuis quelques semaines. Abobo, Angré, Bietry, Koumassi, Yopougon, N’Dotré, Alépé…toutes les communes ont eu leur dose d’eaux de ruissellement.

Les habitants sont restés impuissants face à la montée des eaux la pluie qui dévastait tout sur son passage. « La pluie a fait des dégâts à Yopougon, Niangon-sud à gauche, Coprim, un bâtiment s’est écroulé dans un gros trou sous la forte pluie hier » publiait un internaute résidant à Yopougon, avec une photo à l’appui le matin du 11 juin sur Facebook après la forte pluie qui a eu lieu dans la nuit du 10 au 11 juin dernier. Y a-t-il eu des morts ou pas, l’internaute ne précise rien mais les dégâts matériels sont visibles sur la photo d’illustration.

Entre temps, deux semaines plus tôt, dans la nuit du 24 au 25 Mai, une pluie tout aussi violente avait laissé des traces indélébiles.

« A ce jour, nous dénombrons à Cocody Angré 2 décès survenus le mercredi 24 mai et 6 décès le jeudi 25mai dont 5 à Yopougon et un à Cocody donc cela fait déjà 8 décès » avait déclaré porte-parole du gouvernement après un conseil des ministres du 7 Juin.

Et Bruno Koné de dédouaner le gouvernement : « quand le gouvernement veut aller trop fort, on nous reproche le fait qu’on veut casser les habitations des pauvres. Quand on tente de sensibiliser, le gouvernement n’est pas toujours entendu. Constat, on arrive à ce genre de résultat où on regrette des morts ? Nous insistons auprès des populations à quitter les zones à risques d’elle-même ».

A peine vidés que les caniveaux sont de nouveau bouchés par les ordures

A qui la faute ?

Face à ce désastre qui n’est pas une première, les ivoiriens s’interrogent sur les causes de ces inondations. Certains comme Beke Aline indexent l’Etat, précisément la ministre de la salubrité urbaine.

« Où se trouve Anne Ouloto ? C’est le moment de penser à Abidjan ville propre. Voilà une dame qui pense que casser veut dire arranger ! Tu es nommé à un poste avec un budget et tout ce que tu sais faire avec notre argent, c’est de louer des bulldozers pour casser sans arranger ».

Morely Touré abonde dans le même sens tout en mettant un accent sur le rôle des collectivités locales.

« Les années passent et se ressemblent. Ne dit-on pas que gérer c’est prévoir ? A quoi servent-ils ces édiles des communes si ce n’est qu’utiliser les budgets des communes à leurs propres fins ? Il est temps que l’Etat fixe des objectifs à ces élus qui se cachent derrière ces postes électifs pour paresser au lieu d’apporter des solutions innovantes du bien-être à leurs administres ».

Des entreprises sont également citées comme étant en partie responsable de ces inondations. Du côté d’Angré – une des zones les plus touchées – un habitant sous couvert de l’anonymat se lâche.

« Tout simplement parce qu’une entreprise a décidé de construire une cité sur un bassin. Il s’agit de la cité Foundasso a Angré-château et pour bien faire les choses, ils ont construit une clôture en béton afin que l’eau n’arrive plus dans le bassin mais reste dans nos rues et nos maisons ».

Pourtant cet avis si bien défendu n’est pas partagé. Bintou Capi indique que les inondations constatées ici et là restent un phénomène naturel !

« L’inondation est un phénomène vécu dans tous les pays en saison de pluie donc la Cote d’Ivoire n’est pas un cas isolé. Même en Europe, la destination qui attire tout le monde, ils vivent les inondations aussi ».

Sur le banc des accusés, se bousculent déjà le gouvernement ivoirien, les collectivités décentralisées et les entreprises. Mais pour Drabo Arogorne Oumar, les populations méritent d’être interpellée et il n’y va pas avec le dos de la cuillère !

« Soyons sérieux et intelligents pour une fois : qui bouche les caniveaux ? Qui construit n’importe comment ? L’Etat ne fera pas tout pour nous. C’est nous qui vivons dans ce genre d’endroit et non l’Etat donc les conséquences directes c’est nous qui payons. Ne venez pas écrire du n’importe quoi sur le gouvernement ».

Pour lui, « l’Etat ne verse pas sa poubelle dans les canalisations d’eau usées » !

Les mesures à envisagées

Koné Moussa est ingénieur en bâtiment et aménagement. Il indique qu’au-delà du fait que les inondations soient un phénomène courant dans plusieurs grandes villes du monde, le cas d’Abidjan est spécifique. Il explique que ces inondations sont causées « par la surpopulation dû à un accroissement non maîtrisé de la population qui a forcément un impact sur l’environnement, les infrastructures qui ne répondent plus aux besoins, l’inadéquation des installations des équipements de VRD, le comportement des populations et le non-respect de l’environnement. »

Les projections des travaux d’évacuation doivent changer

Pour lui, chacun de ces éléments a un impact direct ou indirect qui favorise les inondations. Il mentionne également le fait que les diamètres des buses installées pour les évacuations des eaux ne sont pas assez suffisants. Il relève aussi une inadéquation entre les infrastructures qu’il juge « sous coté » et la croissance de la population.

La population en Afrique croissant à une vitesse vertigineuse, l’expert propose que l’on anticipe sur les infrastructures en ne restant pas sur le « schéma calqué » qui indique un genre d’infrastructure pour un certain nombre de personne mais plutôt le quadrupler au moins en termes de projection. Pour l’évacuation des eaux, bien que le « tout à l’égout » soit une technique qu’il qualifie de moderne, il préconise aussi des « fosses septiques individuelles   à chaque concession qui pourrait être une stratégie innovante si les normes sont respectées ».

Concernant les VRD (voierie-réseau-drainage), l’expert suggère des stations de pompage et d’épuration parce qu’elles permettront de canaliser les arrivées d’eau à un endroit précis où elles seront traitées puis renvoyer vers un autre site bien définis. Cependant il recommande une éducation et une sensibilisation à la base (civisme) afin d’amener les populations à mieux respecter leur environnement et le prendre en compte.

En 2016, 40.000 personnes qui ont été recensés comme exposées aux inondations dans la commune de Cocody, 125.000 à Abobo, 9.500 à Yopougon. Dans les communes d’Attecoubé et d’Adjamé l’on dénombrait respectivement 8.000 et 10.000 habitants occupant des zones susceptibles d’être inondés. Ces chiffres montrent encore une fois l’urgence d’agir face à la montée des eaux.

Raïssa Yao

Comments

comments

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.