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Interview : Abdelmalek Kettani, Ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire

C’est connu, le Maroc a désormais une solide expérience en matière d’énergie renouvelable sur le continent africain. La Côte d’Ivoire qui fait ses premiers pas ce domaine a la chance d’avoir le Maroc comme partenaire dans plusieurs autres secteurs économiques. Dans cette interview accordée à Eburnie Today, Abdelmalek Kettani, Ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire revient sur l’importance de l’énergie dans la croissance de l’Afrique et les pistes à explorer pour une meilleure coopération énergétique entre la Côte d’Ivoire et le Royaume Chérifien.

Eburnie Today : Qu’est-ce qui explique la présence du Maroc au sommet de la coopération régionale sur l’énergie d’Abidjan ?

SEM Abdelmalek Kettani : L’énergie est très importante dans la croissance de tout pays (croissance économique, sociale…) et c’est un facteur important dans la stabilité politique. Quand les populations sont connectées aux réseaux électriques, le niveau de vie s’améliore. Le Maroc est engagé pleinement sur le continent africain, à apporter beaucoup de son expertise, de son savoir et de son expérience à nos pairs africains surtout la Côte d’Ivoire, en termes de formation de ressources humaines, parce qu’on ne peut pas avoir un système mis en place s’il n’y a personne pour le piloter. Sans les compétences et les ressources humaines adéquates, ce système ne marchera pas bien.

Le domaine de l’énergie et de la distribution de l’énergie est fondamental et nécessite des capitaux très importants et des ressources financières de qualité pour assurer à ce système non seulement une efficacité optimale pour le bien-être des populations, mais également une gouvernance digne de ce nom qui prône l’efficience, la transparence et la performance. Le Maroc, depuis plus de 20 ans, s’est engagé dans une politique visionnaire guidée par sa Majesté le Roi du Maroc, qui a voulu faire du secteur énergétique au Maroc un vecteur important pour la croissance de notre pays.

Le Maroc, c’est un peu comme la Côte d’Ivoire. Nous avons de grandes villes, mais une grande partie de la population qui vit en milieu rural, autour de 40%. Elle a besoin de l’électrification pour ses besoins propres. Il faut qu’il y ait un habitat salubre avec le chauffage, la réfrigération. Et il est important de faire bénéficier à cette population, la croissance et le développement. A ce titre, nous avons développé un écosystème intégré avec les entreprises nationales qui ont une espérance très forte pendant toutes ces années. Et qui a permis donc l’électrification rurale de 18% en 1995 à 99,47% en 2015. Donc, aujourd’hui, on est à 100% de couverture sur le territoire national. Ce sont des expériences fortes qui justifient la participation du Maroc. Nous avons une délégation importante ici, des agents de l’One (la société d’Etat), les agents de groupes pétroliers, des cimentiers, des personnes exerçant dans la technologie. Tout cet écosystème qui s’est déplacé jusqu’à Abidjan propose son expertise à l’Afrique.

E.T : Quels sont les mécanismes que le Maroc prévoit pour accompagner le secteur privé ivoirien dans le développement de l’énergie renouvelable ?

SEM A.K : L’énergie renouvelable, c’est une vision politique et stratégique. Le Maroc s’est engagé dans cette démarche par vision stratégique portée au plus niveau de l’Etat par sa Majesté. Le Maroc est un pays qui se développe, on a une augmentation des besoins électriques de plus de 6% par an Pour pouvoir disposer de suffisamment de kilowattheures par an pour satisfaire les couches sociales, il faut des investissements nécessaires. L’Etat seul, dans n’importe quel pays, ne peut pas assumer cet accompagnement, il s’agit pour l’opérateur privé de s’intégrer.

De ce fait, il faut amender les lois en vigueur dans le pays, car l’énergie est considérée partout comme un secteur stratégique et à ce titre la loi dit qu’elle ne devrait pas être du domaine exclusif de l’Etat. L’électricité, comme toute autre denrée, peut être produite par le privé et vendue à l’Etat qui se charge de la redistribuer dans les zones où la rentabilité n’est pas assurée et dans les zones où c’est rentable. Là, le privé peut gagner de l’argent, tout en apportant ses services et mobiliser des capitaux, parce que c’est un investissement qui coûte près d’une cinquantaine de milliards de F Cfa.

Juste pour le Maroc, on estime les besoins pour les 10 prochaines années autour de 5000 à 7500 milliards F Cfa. C’est très important d’avoir cet accompagnement énergétique pour assurer une croissance pérenne basée sur des fondements conséquents et solides.

La vision commune des deux leaders pourrait être utile au développement des énergies vertes en Côte d’Ivoire

E.T : Vu votre connaissance du domaine, combien d’investissements faut-il mobiliser pour pouvoir relever les défis énergétiques en Côte d’Ivoire ?

SEM A.K : Aujourd’hui, je crois que le taux d’électrification rural en Côte d’Ivoire est assez faible, mais évolue assez rapidement. Il y a des investissements qui ont été faits pour électrifier les zones rurales, ce qu’il faut encourager et c’est une très bonne chose. Parce que c’est la même dynamique entreprise par le Maroc, il y a un certain nombre d’années. Maintenant, pour pouvoir alimenter ces réseaux, il faut créer des usines hydrauliques, par exemple. Qui opèrent plus en période humide avec le débit des cours d’eau qu’en période sèche. Donc l’Afrique doit aussi s’intéresser à l’énergie renouvelable (le solaire). Le Maroc a développé la plus grande centrale solaire au monde, qui n’est que le premier chapitre d’une longue série qui viendra aider notre pays à 52% de tous ses besoins énergétiques, d’énergies renouvelables. Nous avons la dépendance des hydrocarbures qui viennent à 100% de l’étranger.

Pour revenir à la Côte d’Ivoire l’énergie renouvelable devrait plus s’inscrire dans le solaire (comme au nord), et dans la biomasse (transformer les produits agricoles en électricité). Le modèle économique qui permettra à un opérateur privé d’avoir de la rentabilité existe, mais il faut que la volonté politique suive, les autorités ivoiriennes l’ont exprimée à maintes reprises. Mais je pense que la Côte d’Ivoire est sur la bonne voie, il s’agit aujourd’hui d’apporter l’expertise marocaine. Ce sont les voies institutionnelles, législatives, techniques ou humaines pour pouvoir accompagner cette dynamique et encore une fois, nous soulignons notre disponibilité totale à accompagner la Côte d’Ivoire.

E.T : Existe-t-il des projets marocains en cours en Côte d’ivoire dans le domaine de l’énergie ?

SEM A.K : Pour l’instant, à ma connaissance il n’y a pas de projet opérationnel Mais il y a une réflexion qui est en cours pour le parrainage du premier salon de l’énergie renouvelable en Côte d’Ivoire. Cet évènement permettra aussi une prise de conscience accrue des enjeux et potentialités des énergies renouvelables et nous espérons que le Maroc aura un grand rôle à jouer dans cette diversification des sources d’énergie.

Le Maroc s’implique également dans les énergies traditionnelles, les énergies fossiles. Nous avons des investisseurs marocains qui ont préparé des études tout à fait professionnelles et solides et attendent l’autorisation pour pouvoir lancer leurs projets. Tout est déjà en place. Il n’y a pas encore de projets opérationnels, nous espérons vivement que les projets aujourd’hui soumis à l’appréciation des autorités compétentes verront le jour dans les prochaines années.

Mohammed VI lançant les travaux de réalisation de la Centrale Noor Ouarzazate IV

E.T : En matière de production énergétique, le Maroc est cité en exemple, en témoigne la centrale de Ouarzazate, le parc éolien de Tafaryat… Cette expertise peut être déportée dans des pays comme le nôtre ?

SEM A.K : Tout à fait. Il y a trois éléments : l’expertise technique, la dimension institutionnelle et le volet juridique qui, s’ils sont mis en place, feront en sorte qu’il il n’y aura pas de raison que cela ne se matérialise pas.

E.T : Le Maroc a beaucoup d’autres projets en Côte d’Ivoire, dont celui de la réalisation de la Baie de Cocody. A ce sujet quelle est la contribution du Maroc et à quel niveau se trouve l’ouvrage actuellement ?

SEM A.K : Le projet de Cocody a été initié par sa Majesté le Roi, qui a compris l’importance de la Baie de Cocody pour le rayonnement et le développement de la ville d’Abidjan. Les travaux avancent très bien et sont en ligne avec le programme initialement prévu. Le financement est entièrement bouclé. Car, sous l’égide du Maroc nous avons eu des partenaires des pays du Golfe, nous allons lever près de 250 milliards F Cfa pour pouvoir mener ce projet à bien pour le plus grand bénéfice des populations de la Côte d’Ivoire. Nous espérons que le projet sera définitivement terminé dans les deux à trois ans qui viennent. Mais il est bien avancé et la première tranche devrait finir dans les mois à venir.

Propos recueillis par Anderson Diédri

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