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Invasion des forêts classées : la complicité du Gouvernement ivoirien

Tout porte à croire que le mutisme du Gouvernement ivoirien concernant l’invasion des forêts classées est clairement une complicité. Face à ce silence coupable, les communautés riveraines des forêts classées du Cavally et du Goin-Débé invitent les autorités à prendre les mesures idoines pour sauvegarder ces massifs forestiers en péril.

Ils voulaient montrer aux autorités qu’avec de la volonté politique, on peut sauver la forêt classée du Cavally, de plus en plus menacée par les infiltrations. Des membres des ONG NOFNA et OPRFT, après trois jours de camping entre les deux forêts contiguës, ont montré que la protection de cette forêt est possible. Ainsi le jeudi 3 novembre 2016, les activistes ont empêché des véhicules de sortir avec du cacao des forêts classées du Goin-Débé et du Cavally. Ils réitèrent la même opération avec deux individus qui revenaient de leur champ situé dans la forêt classée du Cavally avec cinq sacs de cacao décortiqué sur la tête. Au petit matin du vendredi 3 novembre (4 heures du matin), ils ont empêché cinq autres clandestins de se rendaient dans leurs plantations de cacao dans la forêt classée du Cavally.

En outre, lors d’une marche réalisée dans la nuit de jeudi à vendredi, ces jeunes ont mis la main sur six individus (notamment des burkinabé et des baoulés) qui ont infiltré la forêt classée du Cavally. Il s’agit d’un braconnier pris en flagrant délit. Son arme a été saisie et le chasseur en territoire protégé remis à la SODEFOR ainsi que cinq cacaoculteurs. Parmi ces paysans qui squattaient illégalement la forêt classée, certains ont été vu en plein défrichement à 2 heures du matin, torche accrochée à la tête ou en main pour s’éclairer !

Ce blocus pour empêcher le passage des clandestins s’est fait sans heurts ni violence. Ces clandestins déjouent donc la vigilance des agents de la SODEFOR qui patrouillent généralement dans la journée et rentrent à leur base de Zagné (80 Km des forêts classées du Cavally et du Goin-Débé) ou à leur cantonnement de Guiglo (40 Km plus loin). « Pour appréhender de façon efficace les clandestins il faut camper », suggère Fidèle Téré, Secrétaire général de Notre forêt, notre avenir (NOFNA), l’un des chefs de file de cette action. Pour lui, la mobilisation des communautés riveraines est un succès puisqu’elle a permis d’empêcher la sortie du cacao illégal des forêts classées qu’elles veulent sauvegarder et protéger de l’invasion massive.

« La plupart des Kia (camion de transport de marchandises, ndlr) qui sont entrés dans les forêts classées pour prendre du cacao sont restés immobilisés dans les différents campements. On a été informé qu’il y avait près de 12 Kia qui étaient dans la forêt classée du Goin-Débé. Le cacao était sec : ils étaient prêts à le charger dans les véhicule. Les acheteurs informés de notre action à la sortie de cette forêt classée n’ont pas pu évacuer le cacao » précise Fidèle Téré.

Le sit-in de deux organisations communautaires a fortement paralysé les activités illégales dans ces forêts classées. Finalement, pour contourner le blocus installé dans la partie nord du Cavally, à la limite avec le Goin-Débé, les populations et les acheteurs de cacao évitent le blocus érigé sur la voie principale et passent par une déviation : « la voie de la pépinière » au niveau de la Compagnie hévéicole du Cavally (CHC). Au troisième jour de leur action, ce samedi 5 novembre, les membres de ces ONG déplacent donc leur quartier général (QG) à cet endroit à 14 heures. Ici, de nombreuses populations, qui s’étaient rendues au « marché de la CHC » et retournant allègrement dans la forêt classée où elles sont installées ont été stoppées net pendant deux heures de temps. Un véhicule, qui partait récupérer du cacao dans le Goin-Débé en a fait les frais.

Les habitants, dont certains étaient à pied, d’autres à vélo ou à moto n’ont pas manqué d’exprimer leur mécontentement. C’est le cas de Boniface Yao N’Guessan, de Morikro, un campement de la forêt classée du Goin-Débé, qui a clairement pointé la responsabilité du Gouvernement. Il ne comprend que les populations des forêts classées sont sollicitées pour participer aux élections (dont le référendum constitutionnel qui s’est déroulé le 30 octobre dernier) et qu’elles soient en même temps empêchées de mener tranquillement leurs activités agricoles.

« On dit qu’il ne faut que les gens entrent pour prendre le cacao des planteurs dans la forêt classée. Mais, même l’élection passée (le référendum), ils ont envoyé trois caisses (urnes, ndlr) dans la forêt classée ici. Nous avons participé au vote. Il y a un gendarme et un policier qui sont venus veiller à la bonne tenue du scrutin. Mais aujourd’hui, au moment où on a fini de participer au référendum, on nous dit que le cacao de la forêt classée ne sort plus. On n’y comprend rien » a déclaré ce sexagénaire.

Face à la menace de disparition du la forêt classée du Cavally, les communautés riveraines tirent la sonnette d’alarme.

« Nous demandons aux autorités d’intervenir rapidement parce qu’il y a urgence pour la forêt classée du Cavally » plaide Valérie Biéhou, président de l’Observatoire pour la protection et la reconstitution de la faune et de la flore tropicale (OPRFT).

Ces organisations communautaires entendent poursuivre leur action jusqu’à ce que les autorités prennent des mesures concrètes pour sauvegarder ces aires protégées en mettant fin à leur invasion et surtout en n’y interdisant la culture du cacao.

« On a décidé de multiplier nos actions jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée », prévient Fidèle Téré Secrétaire général de Notre forêt, notre avenir (NOFNA). Les populations montrent aux infiltrés par leur action qu’elles ne veulent pas être complices de la destruction du patrimoine forestier en dépit des menaces. Au-delà, elles lancent un appel urgence au Gouvernement pour qu’il agisse sans tarder car les forêts classées du Cavally et du Goin-Débé sont sérieusement menacées.

Anderson Diédri, envoyé spécial

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