La Côte d’Ivoire reste fragile après le départ de l’ONUCI
Les agences du système des Nations Unies en Côte d’Ivoire ont déployé ce mardi 24 octobre 2017 au siège de l’OMS à Cocody les actions menées dans le pays à l’occasion de la célébration de la Journée des Nations Unies. Passage en revue.
L’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) a permis à la Côte d’Ivoire de passer d’une « situation de guerre larvée » à une situation paisible, selon le Représentant résident du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) Mohamed Askia Touré. Il assure que si l’ONUCI, qui avait déployé une forte présence militaire et policière, a quitté le pays, les agences du système des Nations Unies dans leur ensemble sont restées. Mais l’action de ces agences reste toutefois limitée puisqu’elles ne peuvent intervenir sur les questions sécuritaires comme le faisant l’ONUCI dans son mandat.
« Les agences du système des Nations Unies ne sont pas des agences avec des composantes militaires (…) L’aspect militaro-politique n’est pas du tout de la prérogative des agences du système des nations unies. L’ONUCI avait une casquette militaro-sécuritaire mais le système des nations unies ne prend pas cela en considération », explique Mohamed Askia Touré, par ailleurs président du Groupe de communication du système des Nations Unies en Côte d’Ivoire, lors d’un déjeuner de presse au siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Cocody. Une célébration qui a réuni une dizaine d’agences de l’institution onusienne : HCR, OMS, UNICEF, PNUE, PNUD, ONUDI, FAO, PAM, ONU-Femmes, UNFPA, OIM.
En tout cas, la gestion de la « transition » depuis le départ de l’ONUCI est assurée par les agences. Même si, admet Luc Grégoire, le Représentant résident du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), il y a « des dimensions encore fragiles : la cohésion sociale, l’état de droit, la justice, la prise en charge des VBG [violences basées sur le genre] et la sécurité communautaire qui sont des activités résiduelles dites de l’ONUCI qui sont reprises par l’équipe pays et intégrées dans le cadre programmatique ».
Le départ en 2016 de l’ONUCI, arrivée en 2004, est le signe d’un apaisement général dans le pays après des années de crise. Mais l’engagement considérable tous azimuts en faveur de la sortie de crise a aussi cédé la place à un désengagement financier. Puisqu’entre 2012 et 2015, les fonds d’appuis reçus par la Côte d’Ivoire de la part des bailleurs de fonds sont passés d’environ 90 millions de dollars par an à une contribution chiffrée à 9 milliards de dollars par an.
« Par exemple, le système des Nations unies a fait une alerte très forte depuis presque deux ans, on le répète quotidiennement, l’aide publique au développement consacrée aux questions que vous avez évoquées : gouvernance, sécuritaire, judiciaire, pénitentiaire, même conditions sociales, etc., ces ressources ont baissé de 90% », explique Luc Grégoire qui répondait à une question sur les actions menées par le système des Nations Unies pour lutter contre la corruption dans le pays : « Donc, au sein des bailleurs des fonds, on fait attention aussi à la manière dont l’aide publique au développement est allouée ».
Le départ de l’OUNCI est aussi un signal au niveau de la baisse des appuis financiers à la Côte d’Ivoire alors que cela devait plutôt être un motif pour renforcer le soutien au pays vu les nombreux besoins auxquels il doit faire face. « Il y a une contraction très forte. Tout le monde considérant que le désengagement de l’ONUCI était un signal d’alerte, si vous voulez, dire que ces questions étaient moins prioritaires. Le constat c’est qu’il faut accompagner les acquis de la dynamique pour éviter la résurgence de conflits intercommunautaire, essayer de régler le foncier, accompagner la participation des acteurs à la croissance et aux actions de lutte contre les inégalités », observe Comme le Représentant résident du PNUD, qui a fait à cette journée une présentation sur les Objectifs de développement durable (ODD).
La Côte d’Ivoire est confrontée à de nombreux défis aussi bien sécuritaires que sociaux. A l’instar des récents affrontements intercommunautaires à Guiglo, dans l’ouest du pays. Le Représentant résident du HCR pense qu’il « n’y a pas de corrélation directe entre le départ de l’ONUCI et la recrudescence de ces conflits ».
« Il faut peut-être remettre dans son contexte. Ces conflits se situent géographiquement dans les zones qui doivent être des espaces protégés, à savoir des forêts classées, qui normalement ne doivent pas permettre à ce que cette pression démographique vienne s’exercer sur ces terres-là », observe Mohamed Askia Touré observe.
Ce programme pour juguler le phénomène des ‘’microbes’’
Sur la question des enfants en conflit avec la loi, communément appelés ‘’microbes’’ qui qui créent l’insécurité dans plusieurs quartiers d’Abidjan, des initiatives sont mises en place pour juguler le phénomène. La représentante résidente adjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) Christina de Bruin a indiqué qu’un programme a été lancé vendredi 20 octobre dernier. Il vise à appuyer quatre ministères (Justice, Solidarité, protection de l’enfant et de la femme, Education et Jeunesse) à apporter une réponse à cette question cruciale à travers 8 centres de réinsertion localisés à Dabou, Korhogo, Guiglo, Odienné, Sassandra et Yopougon (Abidjan).
« On peut dire que 3.000 adolescents vont bénéficier directement de renforcement des capacités sur différentes thématiques visant la réinsertion sociale de ces jeunes. Plus de 1.000 jeunes et adolescents accèdent à l’alphabétisation et à la formation professionnelle dont au moins 40% seront des filles ; ça c’est un élément important pour les aspects de genre. Plus de 110 enfants en situation de prédélinquance seront pris en charge directement et accèdent à une formation professionnelle et plus de 90 enfants directement en conflit avec la loi sont pris en charge et accèdent à la formation professionnelle », a détaillé Christina de Bruin en termes de résultats attendus à suite de ce programme.
Si la fin de la maladie à virus Ebola a été décrétée, le Représentant résidant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Dr Jean-Marie Vianny Yaméogo assure que la vigilance est maintenue pour parer à toute éventualité : « Ebola est terminé mais la vigilance demeure ». Les pays sont invités à « continuer la surveillance et aujourd’hui à rapporter tout cas suspect afin que la réponse soit rapidement menée » et éviter toute propagation. Ce 24 octobre est la journée des Nations Unies mais aussi la journée mondiale de lutte contre la poliomyélite. Une maladie qui est en passe d’être éradiquée dans le monde.
« Il y a seulement 6 cas de polio au niveau mondial contre des milliers dans le temps. Et ces 6 cas sont au Pakistan et en Afghanistan », souligne Dr Jean-Marie Vianny Yaméogo. Depuis deux ans, aucun cas de polio n’a été déclaré en Afrique, tout comme en Côte d’Ivoire. « En 2020, on va certifier le monde entier libre de polio », espère confiant le Représentant résidant de l’OMS.
Anderson Diédri