La planète célèbre ce 19 novembre la journée mondiale des toilettes. Une journée qui rappelle l’urgence pour chaque être humain d’avoir accès à des toilettes propres et plus largement à un mécanisme d’assainissement décent afin d’éviter la pratique de la défécation à l’air libre.
Selon les rapports des Nations Unies, 4,5 milliards d’êtres humains n’ont pas de toilettes sûres et 892 millions d’entre eux pratiquent encore la défécation à l’air libre. Ces chiffres montrent clairement qu’un très grand volume d’excréments humains n’est ni stocké ni traité. En Afrique, la pratique reste très rependue causant de nombreuses maladies diarrhéiques.
En Côte d’Ivoire, la défécation à l’air libre contrairement aux idées reçues n’est pas seulement pratiquée dans les hameaux et villages. Dans les zones urbaines et péri-urbaines, la pratique est monnaie courante. Le moindre espace la nuit tombée peut se transformer en toilette à ciel ouvert. Les espaces les plus prisés sont les dépotoirs sauvages (souvent en plein marché), les abords des voies isolés, les plages et les rives des courants d’eau.
Au-delà des grandes agglomérations
Dans la localité de Dimbokro (centre-est de la Côte d’Ivoire) où s’est rendu notre équipe de reportage, la défécation à l’air libre est bien connue des populations locales. Elle est pratiquée un peu partout dans la ville, notamment aux abords du chemin de fer qui traverse la ville et les rives du N’zi, un affluent du fleuve Bandaman. La ville qui est la plus ensoleillé de Côte d’Ivoire libère par endroit une forte odeur désagréable.
« Il ne se passe pas un seul jour sans qu’on ne voit des personnes sur les rails ou même au bord des routes de la ville, accroupis en train de faire leurs besoins. Ce n’est pas du tout beau » affirme N’guessan Kouadio Charles Anderson.
Le jeune élève nous indique que de nombreuses maisons dans les différents quartiers de la ville sont construites sans latrines obligeant les locataires ou propriétaires à se ‘soulager’ à l’air libre. Les toilettes dans quelques rares concessions ne sont pas fonctionnelles obligeant les habitants à se rabattre dans les broussailles environnantes.
Si certaines personnes défèquent à l’air libre par pure nécessité, d’autres le font aujourd’hui par simple plaisir estimant être plus à l’aise dans la nature ! Le comble, c’est que certains habitants préfèrent « déféquer directement dans les eaux du fleuve N’zi, une eau directement utilisée par les riverains » se désole Abo de Kolibo.
En effet, l’eau du fleuve est directement utilisée – sans traitement – par de nombreux habitants défavorisés de la ville de Dimbokro mais aussi d’une centaine de villages le long du cours d’eau qui traverse tout le département. Cette eau est bue, utilisée pour la lessive, les bains et la vaisselle. Les populations sans le savoir « sont exposées à de nombreuses maladies » souligne Bouaffo Koffi Herbert, technicien supérieur d’assainissement à l’antenne locale de l’Institut Nationale d’Hygiène Publique (INHP). Il nous indique que la défécation à l’air libre est l’une des premières sources de contamination de l’eau de surface dans la ville de Dimbokro.
« Cette eau contaminée peut se retrouver dans les puits et peut aussi souiller l’eau traitée là où la tuyauterie est perforée » indique Bouaffo Koffi Herbert.
En buvant l’eau de surface ou l’eau du fleuve contaminée, les populations s’exposent à des maladies comme la dysenterie, la bilharziose et la fièvre typhoïde. Parmi ces maladies, certaines sont aussi propagées par les mouches et cela inquiète les commerçants du grand marché de Dimbokro. En traversant le marché, nous remarquons des tas d’immondices couvert d’essaim de mouches.
« Le marché n’est pas loin des rails où certains de nos parents vont se soulager. Les mouches peuvent se poser sur les excréments et revenir infecter les produits que nous vendons ici au marché » s’inquiète Kadio Aya Françoise.
La commerçante indique qu’au-delà de la santé des populations, il y a un volet esthétique au niveau de la ville qu’il faut préserver. Les mauvaises « odeurs, les excréments partout, les mouches…ne sont pas du tout bien pour l’image de la ville » indique Françoise.
Sensibilisation et accès aux latrines
La défécation à l’air libre est une source de pollution et de contamination de l’air, de l’eau et des aliments. Pour la municipalité de Dimbokro, il est important de freiner cette pratique par des actions concrètes. La mairie a installé au centre-ville des latrines publiques afin de permettre aux usagers et autres commerçants du marché de les utiliser.
« Il n’est pas du tout conseillé que dans une localité de plus de 60.000 habitants, des personnes puissent choisir de se mettre à l’aise sur les routes et les rails comme on le voit. Ceci est source de maladie et est à proscrire » indique Oussou N’guessan, 1er adjoint au Maire de Dimbokro.
L’autre politique de la mairie concerne le suivi au niveau de l’urbanisation. Chaque fois qu’un terrain est attribué à un requérant, la municipalité insiste auprès de ce dernier pour qu’un espace soit dédié au sanitaire. Sur le plan de l’habitation il faut « prévoir des latrines et les bâtir proprement afin que cela puisse servir à votre famille ou même à vos locataires si vous n’habitez pas la maison » insiste le 1er adjoint au Maire de Dimbokro.
Cette mesure est aussi valable dans la ville de Dimbokro mais aussi pour les villages du département dans la mesure où de nombreux villages sont en phase avancée de lotissement. L’autre volet concerne la sensibilisation des populations. A ce niveau, la radio locale joue un rôle important à travers son émission ‘Parlons environnement’. Il s’agit d’une émission de sensibilisation hebdomadaire qui met l’accent sur les bonnes pratiques d’hygiène.
« La défécation à l’air libre prend de l’ampleur. Et grâce à nos partenaires de l’Institut Nationale d’Hygiène Publique (INHP) nous sensibilisons nos auditeurs en français mais aussi en langues locales (Baoulé, Agni, Dioula) sur les dangers d’une telle pratique » souligne Tipi Dakoury, directeur des programmes de Radio la Voix du N’zi.
La lutte contre la défécation à l’air libre est l’affaire de tous selon Bouaffo Koffi Herbert, technicien supérieur d’assainissement à l’antenne de l’Institut Nationale d’Hygiène Publique (INHP) dans le département de Dimbokro. En plus des initiatives de la municipalité pour le projet des latrines publiques et la sensibilisation par la radio, il indique que « les populations doivent faire de la construction des toilettes une priorité aussi bien en milieu urbain que rural ». Les latrines artisanales avec un couvercle permettent d’éviter la prolifération des mouches et peuvent être installées en milieu rural « mais loin des points d’eau ou des nappes de surface pour éviter de les contaminer ».
L’objectif de développement durable (ODD) 6, vise à garantir d’ici 2030 l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable. Un challenge important pour chaque pays africain et en particulier pour la Côte d’Ivoire au regard de la persistance de la défécation à l’air libre et du manque de latrines propres et décentes dans plusieurs domiciles et établissements publics.
SUY Kahofi
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