Politique

L’accusation maintient sa ligne face à Gbagbo

Le procès Laurent Gbagbo – Charles Blé Goudé a repris ce 1er Octobre à La Haye. Le débat pour la requête sur un acquittement de l’ancien président ivoirien va durer toute la semaine.

Au premier jour de la reprise du procès conjoint Laurent Gbagbo – Charles Blé Goudé, le Bureau du procureur a de nouveau eu l’opportunité d’ouvrir les débats et de commencer la lecture du document adressé à la défense en guise de réponse à ses observations. Bien avant l’exposé des arguments de la défense par Eric Macdonald, premier substitut du procureur, James Stewart, procureur adjoint et chef des poursuites a dans une démonstration de droit indiqué qu’en l’état actuel du procès, les juges devaient s’abstenir de se prononcer sur la nature des preuves avancées par le Bureau du procureur.

Suivre la requête de la défense qui vise à acquitter les deux accusés serait un cas de jurisprudence qui n’existe pas dans l’histoire de la Cour Pénal International et serait au-delà un non-respect des droits des victimes, de l’accusation et de la défense. Bien que convaincu que les preuves présentées à la Chambre de première instance sont suffisantes pour la condamnation de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, le Bureau du procureur préconise une poursuite du procès. Une telle démarche permettrait à la défense de présenter ses arguments et preuves au lieu d’exiger dès maintenant l’acquittement des accusés.

Pour James Stewart, les juges doivent s’abstenir d’évaluer la crédibilité des éléments de preuves mais plutôt les considérer car s’appesantir sur la fiabilité des preuves risque de conduire à une décision qui pencherait en faveur d’un ou de l’autre des camps. Un rappel à la Chambre qui n’a pas manqué de faire réagir le juge président Cuno Tarfuser qui a indiqué que le procès en lui-même est basé sur l’analyse et la fiabilité des preuves. Le fait pour la Chambre d’évaluer la crédibilité et la fiabilité des preuves ne peut en aucun cas présager d’un caractère partial de la décision de la Chambre en l’état actuel de la procédure.

Le récapitulatif des éléments de preuve

A la suite de James Stewart, procureur adjoint et chef des poursuites, Eric Macdonald, le premier substitut du procureur a commencé la lecture des écritures en réponse aux observations de la défense qui a contesté la crédibilité des preuves et des témoins sur cinq incidents majeurs dans le dossier à charge. Il s’agit pour cette première journée de la répression de la marche sur la RTI, le bombardement présumé de la marche des femmes d’Abobo et des affrontement pro-Gbagbo vs pro-Ouattara dans les quartiers de Port-Bouët 2, Mamie Faithê et Doukouré (Yopougon). Pour chacun des incidents, l’accusation a tenté encore une fois de montrer une responsabilité directe de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé dans l’usage de violence ayant conduit à la mort de dizaine d’individus, à des cas de viol et à des blessés.

Les discours qualifiés « d’incendiaire » de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé ont notamment poussé les militaires, miliciens et mercenaires à commettre des exactions envers des partisans d’Alassane Ouattara et des ressortissants d’Afrique de l’ouest. L’accusation en veut pour preuve les barrages érigés par les éléments du GPP dans plusieurs quartiers d’Abidjan où des contrôles d’identité étaient effectués. Des individus de l’ethnie dioula ou présumés être des partisans de l’actuel chef de l’Etat ivoirien y auraient été violentés, battus voir tués.

Le Bureau du procureur a notamment évoqué l’usage « systématique d’armes lourdes et d’obus de 120 mn sur des populations civiles ». L’armée ivoirienne (FDS) a été « réquisitionnée » pour participer à l’exécution « d’un plan commun » selon « une ligne de conduite » dont les principales directives émanaient d’ordres venant du président Laurent Gbagbo ou de discours tenus par son ministre de la jeunesse. L’objectif de l’usage excessif de la violence avait pour but – pour Laurent Gbagbo – de se maintenir par tous les moyens au pouvoir. Le Bureau du procureur va continuer d’avancer ses arguments ce mardi.

Les partisans de Laurent Gbagbo à La Haye

Une nouvelle mobilisation

Après sept ans de détention, les partisans de Laurent Gbagbo ne l’ont pas oublié et lui manifestent un soutien sans faille. A la reprise de son procès, intellectuels, sympathisants, amis et parents de l’ex-président ivoirien ont fait le déplacement à La Haye. Ils y ont organisé une marche de soutien de la prison de Scheveningen et centre-ville qui a mobilisé 800 participants selon la Police néerlandaise. Certains amis et parents ont pu ensuite suivre le procès.

Parmi eux les enfants Gbagbo (Laurence et Michel), l’ancien ministre Éric Kahé, Toussaint Alain le porte-parole de Laurent Gbagbo, le leader de la coalition politique EDS (Ensemble pour la démocratie et la souveraineté) Georges Armand Ouegnin et Me Dadjé Rodrigue et Habiba Touré les avocats de Simone Gbagbo. Le procès s’est achevé dans la gallérie publique aux cris de « Libérez Gbagbo » ou « Libérez Blé Goudé »; les sympathisants de l’ancien président ivoirien estiment que cette « mascarade de procès à la CPI » est encore un symbole du néo-colonialisme et de l’acharnement de la Cour envers les dirigeants africains.

SUY Kahofi, envoyé spécial à La Haye

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