L’Afrique a éradiqué la poliomyélite
Le poliovirus sauvage, plus connu sous le nom de polio a été mardi officiellement déclaré éradiqué du continent africain par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), après quatre années consécutives sans cas déclarés et des efforts massifs de vaccination des enfants.
« Aujourd’hui, les membres de la Commission de certification pour la région Afrique (ARCC) – organisme de certification de l’OMS – déclarent que la transmission du poliovirus sauvage a été interrompue » en Afrique, a affirmé sa présidente, Rose Leke, lors d’un événement organisé par visioconférence. La polio touche généralement les enfants de moins de cinq ans, entraînant parfois une paralysie irréversible. La mort peut survenir lorsque les muscles respiratoires sont affectés par la paralysie. Il n’existe pas de remède, mais le vaccin contre la polio protège les enfants à vie. La maladie n’existe actuellement qu’en Afghanistan et au Pakistan. Le Nigeria est le dernier pays africain à avoir été déclaré indemne de la maladie. Le pays le plus peuplé d’Afrique représentait plus de la moitié des cas mondiaux il y a moins de dix ans.
La polio est un virus qui se transmet d’une personne à l’autre, généralement par l’intermédiaire d’une eau contaminée. Il peut entraîner une paralysie en s’attaquant au système nerveux. Deux souches sur trois du virus sauvage de la polio ont été éradiquées dans le monde. Mardi, l’Afrique a été déclarée exempte de la dernière souche de poliovirus sauvage. Plus de 95 % de la population africaine est désormais immunisée. C’est l’une des conditions que la Commission régionale africaine de certification a posées avant de déclarer le continent exempt de poliomyélite sauvage. Aujourd’hui, il ne reste plus en Afrique que le virus de la polio dérivé du vaccin.
Il s’agit d’une forme rare du virus qui mute à partir du vaccin oral contre la polio et qui peut ensuite se propager aux communautés sous-immunisées. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a identifié un certain nombre de ces cas au Nigeria, en République démocratique du Congo (RDC), en République centrafricaine et en Angola.
L’espoir de vaincre un jour la polio est né d’un vaccin développé en 1952 par le Dr Jonas Salk. En 1961, Albert Sabin a été le pionnier du vaccin oral contre la polio qui a été utilisé dans la plupart des programmes nationaux de vaccination dans le monde. En 1996, le poliovirus a paralysé plus de 75 000 enfants sur le continent – tous les pays ont été touchés. Cette année-là, Nelson Mandela a lancé le programme « Kick Polio Out of Africa », mobilisant des millions d’agents de santé qui se sont rendus de villages en villages pour administrer le vaccin contre la maladie.
Depuis 1996, neuf milliards de doses de vaccins oraux contre la polio ont été fournis, ce qui a permis d’éviter environ 1,8 millions de cas de poliovirus sauvage. Les dernières communautés exposées au risque de polio vivent dans des endroits parmi les plus compliqués pour mener des campagnes de vaccination. Le Nigeria est le dernier pays d’Afrique à avoir signalé un cas de poliomyélite sauvage – dans l’État de Borno, dans le nord-est reculé du Nigeria. Cette zone est connue pour être l’épicentre de l’insurrection de Boko Haram depuis 2016.
A l’époque, la découverte de ces cas a douché les espoirs aussi bien du Nigeria que des pays du bloc régional (CEDEAO) participant au programme de vaccination synchronisé. Le pays avait fait d’énormes progrès et avait passé deux ans sans qu’aucun cas ne soit signalé. Le conflit avec le groupe militant islamiste Boko Haram a rendu certaines parties du Nigeria particulièrement difficiles à atteindre, notamment l’État de Borno. Plus de deux millions de personnes ont été déplacées par les combats. Les travailleurs de première ligne, dont 95 % sont des femmes, ont réussi à naviguer par bateau dans les zones de conflit comme le lac Tchad et à livrer des vaccins aux communautés isolées.
En dehors du Nigéria, le dernier endroit où un cas de polio a été recensé est la région du Puntland en Somalie en 2014. Les rumeurs et la désinformation généralisées concernant le vaccin ont également ralenti les efforts de vaccination. En 2003, Kano et un certain nombre d’autres États du Nord du Nigeria ont suspendu les vaccinations après que des chefs religieux musulmans eurent signalé que le vaccin avait été contaminé par un agent anti-fertilité dans le cadre d’un complot américain visant à rendre les femmes musulmanes stériles. Les tests de laboratoire effectués par des scientifiques nigérians ont rejeté ces accusations.
Les campagnes de vaccination ont repris l’année suivante, mais les rumeurs ont persisté. En 2013, neuf vaccinatrices contre la polio ont été tuées lors de deux fusillades qui auraient été perpétrées par Boko Haram dans des centres de santé de Kano. Il a fallu des décennies pour parvenir à l’éradication et surmonter les suspicions autour du vaccin. Il a été essentiel de gagner la confiance des communautés pour faire reculer la maladie.
Pourquoi faut-il rester vigilant ?
Même si l’Afrique était exempte de polio sauvage, les programmes de vaccination et les campagnes de sensibilisation ne vont pas s’arrêter. Et pour cause, la polio peut être facilement importée dans un pays qui en est exempt et, de là, elle peut se propager rapidement parmi les populations sous-immunisées. C’est ce qui s’est passé en Angola, qui, malgré des décennies de guerre civile, a vaincu la polio en 2001. Le pays est resté exempt de polio pendant quatre ans, jusqu’en 2005, année où l’on a estimé qu’un certain nombre de cas avaient été introduits depuis l’extérieur. Selon l’OMS, il est important que les pays restent vigilants et évitent de se reposer sur leurs lauriers jusqu’à ce que la polio soit éradiquée au niveau mondial.
Pour que tous les types de polio soient éliminés, y compris la polio dérivée d’un vaccin, les efforts de vaccination devront se poursuivre parallèlement à la surveillance épidémiologique, afin d’éviter que les enfants ne soient paralysés par la maladie à l’avenir.
Ebony T. Christian