L’armée ivoirienne s’apprête à attaquer le Mali : un montage réalisé à partir d’une dépêche manipulée de l’AFP
« L’armée ivoirienne s’apprête à attaquer le Mali pour libérer les 46 militaires ivoiriens qui y sont détenus » ; voici le texte qui accompagne une vidéo où l’intervenant semble annoncer une attaque militaire imminente. Cette vidéo reprend des citations attribuées à l’AFP, Agence France Presse. Après vérification par Eburnie Today, il s’avère que la dépêche a été manipulée pour les besoins d’une vidéo qui ne cadre pas avec l’état d’esprit des autorités ivoiriennes.
La vidéo qui a été diffusée par la page Afrique Media Direct a déjà enregistré plus de 3000 commentaires et 235.000 vues depuis sa mise en ligne le 11 septembre 2022 sur Facebook, YouTube (759 vues) et sur le site www.petitesannoncesafrique.com sous la forme d’un article. Elle se propose d’actualiser le dossier brulant des 49 soldats qui oppose Abidjan à Bamako.
Pour rappel, 49 soldats ivoiriens ont été arrêtés au Mali et sont détenus depuis le 10 juillet 2022. Des négociations ont débuté pour leur libération dans un contexte marqué par une vague de désinformation sur ce dossier. Trois soldates ont été libérées mais le dialogue entre Abidjan et Bamako piétine malgré la médiation du Togo. Ce statu quo dans les négociations a-t-il poussé Abidjan à se préparer à la guerre ?
En tout cas dans la vidéo de la page Afrique Media Direct, le commentateur croit fermement que « la Côte d’Ivoire s’apprête à attaquer le Mali pour libérer les 46 militaires ivoiriens ». Cette conviction serait basée sur les déclarations d’une source ivoirienne citée dans une dépêche de l’AFP.
Une dépêche manipulée
Le 11 septembre, une dépêche de l’Agence France Presse est relayée intégralement ou partiellement par plusieurs médias dont Le Monde, La Libre Afrique et France 24. Sous le titre « Soldats ivoiriens détenus au Mali : Abidjan dénonce « une prise d’otage » », l’AFP revenait notamment sur la position ivoirienne après la volonté de Bamako ’’d’échange’’ les soldats détenus au Mali contre des personnalités maliennes présentes sur le sol ivoirien.
La source proche de la présidence ivoirienne interrogée par l’AFP a alors parlé d’une « prise d’otage ». Qu’a dit réellement la source à l’AFP concernant la condition de Bamako de libérer les soldats après « l’extradition de personnalités politiques maliennes vivant à Abidjan » ?
Citation 1 : « C’est une prise d’otage qui ne restera pas sans conséquence. Notre position est claire : ce marché est inacceptable ».
Citation 2 : « Nous privilégions toujours la solution diplomatique. Il faut éviter la politique du pire ».
Citation 3 : « Si d’ici là (sommet de la CEDEAO à New York NDLR) rien ne se règle par la voie diplomatique, la Cédéao sera bien obligée de prendre des sanctions ».
Ces trois extraits et en particulier le dernier ont été totalement modifiés dans la vidéo en témoigne la capture d’écran suivante qui reprend la fausse version de la citation attribuée à l’AFP.
Dans la séquence suivante, il ne s’agit plus d’une citation manipulée mais tout simplement d’une entièrement créée et qui n’a aucun lien avec l’AFP encore moins la source que l’Agence cite.
Cette deuxième citation n’a jamais été tenue par la source interrogée par l’AFP et ne figure pas non plus dans la dépêche du 11 septembre 2022. L’information selon laquelle « l’armée ivoirienne s’apprête à attaquer le Mali pour libérer les 46 militaires ivoiriens qui y sont détenus » n’a jamais été publiée par l’AFP et la source interrogée par le média n’a pas non plus brandit l’option militaire comme solution à la crise qui oppose Abidjan à Bamako.
Anderson Diédri & Traoré Bakary