Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a mis en lumière le rôle de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé dans les violences post-électorales. Des violences organisées, orchestrées et financées par l’ancien Chef d’Etat ivoirien à l’encontre des populations civiles.
Au deuxième jour de la reprise du procès conjoint Laurent Gbagbo – Charles Blé Goudé, Éric Macdonald, le premier substitut du procureur de la CPI a continué la lecture des écritures de l’accusation en réponse aux observations de la défense.
Après avoir rappelé que les éléments de preuves du Bureau du procureur sont crédibles et recevables, l’accusation a démontré que les accusés étaient les principaux donneurs d’ordres qui ont conduit à la commission de nombreux crimes par les FANCI, les FDS, les mercenaires et le GPP. Concernant les forces régulières, « Laurent Gbagbo occupait un poste d’autorité par rapport au FDS (…) Chef de l’Etat et Chef suprême des armées ». Il était donc informé de tout ce qui se passait à Abidjan.
Pour le Bureau du procureur, Laurent Gbagbo était déterminé à rester au pouvoir « par tous les moyens y compris la force » malgré le soutien de la communauté internationale à son rival Alassane Ouattara. Et cette volonté de se maintenir au pouvoir l’a poussé à orchestrer et à mettre en œuvre un « plan commun » dont il était le premier bénéficiaire. L’accusation rappelle que plusieurs rencontres entre Laurent Gbagbo et le haut commandement de l’armée ivoirienne avaient pour but de coordonner des attaques contre des populations civiles jugées proches d’Alassane Ouattara ou des ressortissants de l’Afrique de l’ouest.
Ainsi, les réunions du 15 décembre 2010 (avant la marche de la RTI le 16 décembre), du 4 janvier 2011 où le général Philipe Mangou a fait le point de la situation d’Abobo, du 12 janvier 2011, du 24 février 2011 et du 14 mars 2011 au Palais présidentiel ont été des moment le haut commandement des FDS a reçu des instructions. Après chacune de ces réunions, des pics de violences ont été observées et témoignent du caractère agressif de la répression des forces pro-Gbagbo.
Une violence à caractère ethnique
Dans ce projet « bien que des ordres écrits n’ont pas été transmis », les ordres à l’armée et les discours du président Gbagbo ont galvanisé les policiers, gendarmes, FDS et les jeunes patriotes. A titre d’exemple, face aux éléments de la CRS (Compagnie républicaine de sécurité) à Divo le 27 août 2010, Laurent Gbagbo aurait invité ses interlocuteurs à « suivre les ordres sans réfléchir ». Les FDS devaient agir pour défendre la Côte d’Ivoire et les accusés ont fourni les moyens pour que cet objectif soit atteint.
« Si Laurent Gbagbo avait démissionné les crimes n’auraient pas été commis ou commis différemment » a rappelé Éric Macdonald.
L’une des caractéristiques des violences que le premier substitut du procureur de la CPI a également mis en exergue est le caractère ethnique de nombreux crimes. Et sur ce point, il a clairement indiqué le rôle de Charles Blé Goudé, présenté comme l’influenceur des jeunes patriotes. Après ses discours et mot d’ordre, les jeunes ont dressé des barrages filtrants où les nordistes et des supposés sympathisants d’Alassane Ouattara étaient violentés, violés et tués.
Charles Blé Goudé est à l’origine de la création du GPP dont les éléments ont lynché et brûlé des civiles sur une base ethnique. Ces jeunes ont été « formés au maniement des armes » et ont servi aux côtés de mercenaires de supplétifs à l’armée dans plusieurs zones d’Abidjan.
L’exécution du « plan commun » était donc basée sur cinq éléments : l’usage de la violence, le recrutement et la formation des miliciens, la réquisition des FANCI, l’incitation des FDS au crime sans aucun risque de sanction et la rhétorique utilisée et dont le message sous-entendu est « Gbagbo doit rester au pouvoir ». A travers le rappel de l’importance des éléments de preuves et la responsabilité conjointe de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé dans les crimes de la crise post-électorale, le Bureau du procureur continue de croire qu’il n’y a de raison de « faire droit à la requête d’abandon des charges » introduite par les avocats de la défense.
SUY Kahofi, envoyé spécial à La Haye
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