Après la mise en quarantaine de la deuxième Chambre parlement, les sénateurs PDCI sont vent debout contre le chef de l’État. Un autre front qui s’ouvre dans la bataille entre Ouattara et Bédié ?
Véritable levée de bouclier dans le camp d’Henri Konan Bédié. Dans une déclaration en date du jeudi 27 septembre 2018 et signée de son président de groupe au Sénat, Alain COCAUTHREY, le PDCI RDA a exprimé son incompréhension et leur indignation face à la récente décision du président de la République de mettre en veilleuse les activités du Sénat.
Comme, Eburnie Today l’a déjà évoqué, par courrier en date du 13 Septembre 2018, Alassane Ouattara a informé le président du Sénat « que conformément aux articles 181 et 182 de la Constitution, les attributions du Sénat sont momentanément transférées à l’Assemblée Nationale ». La raison évoquée est que « le sénat n’est pas encore totalement fonctionnel, dans la mesure, dit-il, où il n’est pas pourvu des organes, tels que le Bureau du Sénat et les Commissions Techniques Permanentes ». En outre, écrit-il, « les modifications de certains des articles de son Règlement, recommandées par le Conseil Constitutionnel, n’ont pas encore été prises en compte ».
Les arguments de Ouattara mis en pièces
Le groupe justifie cette déclaration par le fait que le courrier du président de la République ait perdu son caractère confidentiel dès lors qu’il a fuité dans la presse. Et de dénoncer ce qu’il considère comme étant « une sanction collective injuste à toute l’institution ». C’est pourquoi, le Groupe Parlementaire PDCI-RDA au Sénat tient à prendre à témoin l’opinion nationale et internationale sur la situation réelle qui prévaut au Sénat, afin que nul n’en ignore, poursuit la déclaration avant de s’atteler à démonter point par point le courrier de Ouattara.
Sur la question du Bureau du Sénat et des Commissions Techniques Permanentes, le groupe PDCI RDA rappelle que s’il y a un blocage, cela ne saurait être de son fait pour la simple et bonne raison que selon les « dispositions du Règlement du Sénat (articles 7 et 8), les organes suscités ne sont mis en place qu’après consultations des Présidents des groupes parlementaires au Sénat, notamment, ceux du PDCI-RDA et du RDR. En termes clairs, sans les groupes parlementaires, il n’est pas possible de constituer, ni le Bureau du Sénat, ni les Commissions permanentes ». Or le PDCI RDA a constitué son groupe et a un président. Quand est-il du RDR ?
Joint par téléphone, le sénateur RDR de la région de l’Indenié Djuablin Abdoulaye Tanoh confirme que le groupe RDR au sénat n’est pas encore constitué et par conséquent il n’y a pas de président de groupe.
Une sortie « inappropriée »
En tout cas, les vénérables du parti de Henri Konan Bédié s’interrogent : « y aurait-il une volonté politique inavouée de bloquer le Sénat, une institution phare de la troisième République ? » NON, peut-on entendre en cœur du côté de La Rue Lépic par la voix de ce même sénateur : « une question de politique politicienne. Comment le PDCI peut-il penser de cette façon ? Ça n’a pas de sens ». Il fustige par ailleurs cette déclaration du groupe PDCI qu’il juge « inapproprié et sans fondement ». Concernant la question de la prise en compte des amendements du Conseil Constitutionnel, la déclaration pointe l’inconsistance du courrier du Chef de l’État.
En effet, écrivent les sénateurs du Vieux Parti, « le courrier du Président de la République ne reflète pas la réalité de la situation ; certainement, par manque d’information ». Car, poursuivent-ils, sur 163 articles du règlement intérieur, seulement 7 articles ont été amendés par Conseil Constitutionnel et ont d’ailleurs été pris en compte. Ainsi, « le Conseil Constitutionnel, régulièrement saisi, a déclaré le Règlement du Sénat conforme à la Constitution, par décision en date du 06 juillet 2018. Depuis cette date, le Règlement du Sénat est, donc, entré en vigueur ».
De ce fait, le groupe s’autorise donc de mettre en exergue un troisième point relatif à la légalité de la décision énoncée dans le courrier du Président de la République. Selon article 126 de la constitution de novembre 2016, la régulation du fonctionnement des institutions relève du Conseil Constitutionnel. Se référant à cette disposition de la loi fondamentale, le Groupe Parlementaire PDCI-RDA au Sénat, « se demande, alors, si le Président de la République, peut s’immiscer, aussi directement et d’autorité, dans le fonctionnement du Parlement, et transférer les pouvoirs d’une Chambre à une autre, sans l’avis motivé du Conseil Constitutionnel qui, lui, est indépendant et impartial ».
Un blocage au fondement politique
Comme pour enfoncer le clou, les sénateurs du plus parti démocratique Côte d’Ivoire tiennent à savoir si « le Président de la République, peut dans un Etat de droit, par un simple courrier, en dehors de tout acte juridique approprié, transférer de la sorte, les attributions du Sénat à l’Assemblée Nationale ? La question mérite d’être posée ». Avant de conclure que « les raisons profondes du blocage observé au niveau du Sénat, ont un fondement essentiellement politique, qui dépasse le simple caractère opérationnel de cette institution ».
Le sénat, considéré par bon nombre d’ivoiriens comme étant une institution inutile va-t-il devenir le symbole de la bataille qui fait rage en ce moment entre les anciens alliés d’hier ? En tout cas, une chose est sûre, cette sortie du groupe PDCI RDA ne manquera pas de retentir au palais du plateau et on peut déjà s’attendre à une réponse de l’exécutif ou à tout le moins des sénateurs RDR.
Ab Bakhary Traoré
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