Politique

Les « opposants au 3ème mandat menacés »

L’arrestation d’un leader de la société civile en Côte d’Ivoire mobilise les activistes opposés au 3ème mandat du président ivoirien qui dénoncent des menaces et intimidations qui planeraient sur le front anti-3ème mandat.

Quelques heures avant son arrestation par les services de sécurité en Côte d’Ivoire, Pulcherie Gbalet, une responsable de la société civile ivoirienne s’inquiétait des menaces qui planent sur ceux qui s’opposent au 3ème mandat d’Alassane Ouattara. « J’ai moi-même reçu des menaces mais j’estime que nous devons prendre nos responsabilités [face au 3ème mandat d’Alassane Ouattara] et nous ne nous laisserons pas intimider » a indiqué la présidente d’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI). Après cette interview accordée à Eburnie Today (vendredi 14 août), Pulcherie Gbalet a été arrêtée dans la nuit de samedi à dimanche « en compagnie de deux de ses collaborateurs par des hommes encagoulés », a indiqué Samba David, responsable de l’ONG la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire (CICI).

L’activiste ivoirienne est actuellement « détenue à Abidjan dans les locaux de l’Unité de lutte contre le grand banditisme (ULGB, une section de la police) » qui l’accuse « d’incitation à la révolte et d’appel à l’insurrection », a ajouté M. Samba, dénonçant « des accusations pré-fabriquées ». L’ONG la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire (CICI), Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), L’ONG No Vox ou encore l’initiative Code 91 font partie des mouvements qui s’opposent au 3ème mandat d’Alassane Ouattara. L’annonce le 6 août qu’il briguerait un troisième mandat a conduit la Côte d’Ivoire à vivre des tensions qui ont déjà fait 5 morts et des centaines de blessés lors de l’appel à manifester de l’opposition et des organisations de la société civile. Le gouvernement ivoirien indique que ces marches et protestations anti-3ème mandat n’ont pas été autorisées.

« En Côte d’Ivoire l’article 20 de la constitution estime que les libertés d’association, de réunion et de manifestations pacifiques sont garanties par la loi. Nous n’avons donc pas besoin d’une autorisation pour manifester dans ce pays » martèle Alain Ahimou, coordonnateur de l’initiative Code 91 pour le pluralisme des médias et la liberté d’expression.

Ce dernier indique que si la Côte d’Ivoire est réellement un état de droit, pro et anti-3ème mandat devaient avoir le droit de manifester équitablement. « Ceux qui s’opposent au 3ème mandat d’Alassane Ouattara sont menacés. Ce que nous constatons c’est que les pro-RHDP, donc d’accord avec le troisième mandat, peuvent manifester et les ivoiriens qui s’y opposent sont menacés » se désole l’activiste. Selon Yvonne Toba coordonnatrice de l’ONG No Vox, le harcèlement du front anti-3ème mandat ne se limite aux infiltrations des marches pacifiques et aux menaces de tout genre.

« Nos comptes sur les réseaux sociaux sont piratés et nos publications dénoncées » or notre action est essentiellement « basée sur ce que dit la constitution ivoirienne » indique Mme Toba. La Constitution limite à deux les mandats présidentiels en Côte d’Ivoire, mais opposition et pouvoir sont en désaccord sur l’interprétation de la réforme adoptée en 2016. Les partisans de Ouattara affirment qu’elle a remis le compteur des mandats à zéro, ses adversaires jugent anticonstitutionnelle une troisième candidature s’appuyant sur les articles 55 et 183.

L’article 55-a indique que « le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois » rappelle Samba David avant d’indiquer que cet article reste en vigueur puisque que l’article 183 précise que « la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ». Les principaux animateurs du front anti-3ème mandat estiment que les menaces, les intimidations et les arrestations sont des stratagèmes pour briser le moral des ivoiriens et les empêcher d’appeler au respect de la Constitution. « Rien ne saura nous arrêter » martèle Yvonne Toba qui invite le gouvernement à respecter le droit de chaque ivoirien à manifester.

Les autorités ivoiriennes ont indiqué ce week-end que « 68 personnes ont été interpellées pour troubles à l’ordre public, incitation à la révolte, violence sur les forces de l’ordre et destruction de biens d’autrui ». La situation reste tendue en Côte d’Ivoire à l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2020, 10 ans après la dernière crise post-électorale qui a fait quelques 3000 morts selon le bilan officiel.

Ebony T. Christian

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