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Inquiétantes conditions d’hygiène à l’abattoir de Port-Bouët

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Malgré les efforts de modernisation, l’abattoir de Port-Bouët inquiète toujours en raison de la grande insalubrité qui y règne. Une inquiétude pour les consommateurs abidjanais car cet abattoir alimente les marchés de la capitale économique ivoirienne à plus de 80% en viande.

La Côte d’Ivoire n’est toujours pas auto-suffisante en protéine animale notamment la viande de gros et menu bétail. L’essentiel de son approvisionnement vient des pays sahéliens notamment le Niger et le Mali via le Burkina Faso. Un transport ferroviaire encore dynamique entre Ouagadougou et Abidjan permet à ce bétail d’être acheminé du nord vers le sud. A défaut d’emprunter le train, le bétail est convoyé par la route ; un trajet assez long et coûteux mais surtout parsemé d’entraves d’ordre sécuritaire et la présence du racket des forces de l’ordre.

L’essentiel du bétail qui arrive à Abidjan est acheminé vers l’abattoir de Port-Bouët. Un centre névralgique du commerce de bétail et de viande où sont abattus chaque jour entre 450 et 600 bœufs et une moyenne de 300 moutons. Ces chiffres grimpent à l’occasion des fêtes de fin d’année ou lors des célébrations musulmanes de la tabaski et du ramadan. Pour chaque bœuf abattu, le District autonome d’Abidjan perçoit la somme de 3000 f CFA et 700 f CFA pour le mouton. Ce montant s’élève chaque fin de mois à un peu plus de 18 milliards de f CFA ! Pour un espace économique aussi rentable, l’hygiène est quasi absente sur les 60 hectares du vaste abattoir.

L’odeur nauséabonde qui accueille le visiteur semble être un avertissement et il ne s’agit pas seulement de l’effet bouse de vache. C’est à même le sol que les bœufs et les moutons sont égorgés dans le sang séché et les déjections mal nettoyés de la veille. La viande est traitée dans à même le sol sur des bâches où stagne l’eau dédié au nettoyage de la viande fraîchement découpée. Les agents passent d’une salle à l’autre sans nettoyer leurs bottes quand ils ne travaillent pas nu-pied. Le risque de contamination de la viande est réel surtout que certains revendeurs ont accès aux zones d’abattage pour choisir, selon eux, le meilleur des carcasses.

« Si de nombreux abidjanais venaient voir dans quelle condition la viande qui arrive dans leurs assiettes était traité, je suis sûr qu’ils n’auraient plus le cœur à la viande » se désole Kouakou Patric, cadre dans une entreprise de transit.

Cet habitué de l’abattoir de Port-Bouët dit se déplacer sur le site pour se ravitailler afin d’éviter les intermédiaires qui augmentent le prix au kilo de viande sur les marchés. Cependant, il supporte encore mal ce manque d’hygiène qui se manifeste « au sens le plus élémentaire du terme par des poubelles mal entretenues ou inexistantes qui favorise la prolifération des mouches ». Et les mouches, insectes et autres rongeurs prolifèrent en ce lieu depuis le parc animalier et ses 600 enclos à l’espace boucherie aux 93 stands et 86 espaces de vente.

Un document interne de la direction des abattoirs et de l’hygiène alimentaire que nous avons consulté indique qu’environ 180 personnes sont dédiés à l’entretien de l’abattoir de Port-Bouët. Difficile d’y croire avec autant de négligence surtout qu’une enveloppe de 5 milliards avait été annoncée pour moderniser l’abattoir avec une salle moderne et couverte dédié à l’abattage.

La viande n’est pas traitée dans de bonnes conditions

Un agent d’assainissement qui se présente à nous sous le nom de Coulibaly Adama indique que l’hygiène à l’abattoir de Port-Bouët est « l’affaire de tous, de la direction générale aux rôtisseurs ». Cependant, les mauvaises habitudes sont encore monnaies courantes sur le site. Il déplore notamment le fait que des bouchers déversent le sang et d’autre déchets dans les artères de l’abattoir. Il est de même pour les revendeurs de trippes qui vident intestins et estomacs dans des espaces qui ne sont pas appropriés. Pour Kouassi N’dri, président de l’Union des bouchers ivoiriens (UPOBROVI) l’abattoir de Port-Bouët est un endroit vieillissant.

« Il a été construit en 1959 pour abattre 60 bœufs par jour pour une population de 5.000 habitants. Aujourd’hui en tenant compte du dernier recensement de la population, nous sommes à près de 6 millions d’habitants. On abat 600 à 700 bœufs par jour. Un abattoir qui devait accueillir 120 personnes en reçoit aujourd’hui 2500 ».

Fort de ses 25 ans dans le secteur de la boucherie, Mr Kouassi estime qu’à ce jour, la Côte d’Ivoire n’a pas d’abattoir moderne et le transport de la viande ne se fait pas dans de mauvaises conditions. Les carcasses sont transportées dans des véhicules en commun (taxi) dont les coffres sont tapissés de nappes plastiques. A défaut il faut composer avec les charretiers ou même de simples détenteurs de brouettes.

La traçabilité de la viande consommée sur les marchés ne consiste pas seulement à veiller à ce que le bétail qui entre sur le territoire national soit bien portant. Il consiste aussi et surtout à veiller à ce que la viande qui atterrit dans les assiettes du consommateur soit aussi saine. Et pour arriver à rassurer chaque ivoirien, le président de l’UPOBROVI préconise un investissement axé sur trois chantiers. Premièrement, l’amélioration des conditions d’hygiène au niveau des abattoirs par la formation du personnel et du contrôle qualité plus strict, la construction d’espace d’abattage moderne et couvert sans oublier la professionnalisation du transport de la viande par des entreprises pouvant proposer des véhicules frigorifiques homologués.

SUY Kahofi

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