Durant ce mois de juillet, les autorités sanitaires ivoiriennes ont annoncé une nouvelle épidémie de dengue. C’est la sixième épidémie de cette maladie dans le pays depuis 2009. Au moins 92 cas ont été recensés, principalement dans les communes de Cocody et de Bingerville. Cette recrudescence de la maladie soulève l’urgence de redoubler d’ardeur pour prévenir les zoonoses et mieux informer les populations sur ces maladies transmissibles des animaux aux hommes.
La crainte se lit de nouveau sur les visages dans la ville d’Abidjan. En dépit des communications rassurantes des autorités sanitaires ivoiriennes, les populations craignent qu’à la suite de la pandémie de la Covid-19, de nouvelles restrictions sanitaires leur soient imposées à cause des cas de dengue enregistrés. Deux personnes ont succombé à cette maladie transmise par les moustiques dans un contexte de fortes pluies qui continuent de s’abattre anormalement sur la capitale économique ivoirienne.
« Le ministère de la santé a partagé beaucoup d’information sur la maladie. Même si les cas ont été signalés à Cocody et Bingerville, il y a de quoi à être prudent à cause du vecteur de la maladie. Les moustiques se déplacent et peuvent donc contaminer plusieurs autres personnes » s’inquiète Hermann Hien, professeur dans le secondaire dans la commune de Yopougon. Si les autorités sanitaires accentuent la sensibilisation sur la maladie, c’est parce qu’elle présente des symptômes proches de ceux du paludisme.
Contrairement au paludisme qui est une maladie parasitaire, la dengue est une maladie virale mais avec des symptômes assez proches du paludisme. Fièvre, maux de tête, fatigue intense, douleurs musculaires, manque d’appétit…sont les symptômes de cette maladie transmise par un moustique. « Le moustique tigre pond dans les eaux claires et a besoin de sang pour que ses œufs murissent. En piquant l’homme, il lui transmet le virus de la dengue. Sa particularité est de piquer la journée avec un pic à 15 h », a précisé le 14 juillet 2023 Pr Bénié Bi Vroh Joseph, Directeur général de l’Institut national d’hygiène publique (INHP).
C’est pour éviter la propagation de la maladie, que les autorités sanitaires conseillent d’assécher les eaux stagnantes (boites vides, pneus usés, pots de fleur ou retenues d’eau des feuilles de bananier) qui représente des gites larvaires. « Vous pouvez également éliminer les lieux de repos du moustique en entretenant la végétation. Élaguer les arbres, débroussailler les haies, éviter le stockage de débris végétaux, devrait éloigner le moustique tigre », a préconisé Pr Bénié Bi Vroh Joseph.
A ces actions de prévention, auxquelles les autorités sanitaires invitent les populations à participer, s’ajoute une opération de démoustication de trois (03) mois lancé ce 23 juillet 2023 par le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP). Selon Docteur Tanoh Méa Antoine, Directeur coordonnateur dudit programme, « cette opération est basée sur une innovation ». Il s’agit d’un épandage de larvicide par drone qui permettra d’éliminer les gîtes larvaires inaccessibles par les populations afin de lutter plus efficacement contre la dengue.
La dengue fait partie des zoonoses, les maladies transmises aux hommes par les animaux comme Ebola, chikungunya mais aussi la grippe aviaire, la rage et les fièvres hémorragiques virales (FHV). « Sur les 1407 agents pathogènes infectant l’humain, 816 soit 58 % sont d’origine animale (zoonoses). 19% sont des virus, 31% des bactéries, 3% des champignons, 5% des protozoaires et 32% des helminthes. Une autre preuve de l’importance des zoonoses c’est que sur les 335 maladies infectieuses émergentes (EID) identifiées entre 1940 et 2004, 60,3 % sont d’origine animale » détaille Éric Muraille, biologiste-immunologiste et Directeur de Recherches au FRS-FNRS de l’Université Libre de Bruxelles (ULB).
Selon le CDC (Centers for Disease Control and Prevention), 3/4 des maladies infectieuses nouvelles, émergentes et ré-émergentes proviennent des animaux. La pandémie de Covid-19 démontre les risques nationaux et mondiaux considérables qui peuvent survenir lorsque des maladies zoonotiques se propagent à l’homme. C’est justement pour prévenir les zoonoses que depuis 2017, la Côte d’Ivoire a décidé d’accentuer la surveillance de certaines maladies zoonotiques dites prioritaires.
« Les zoonoses représentent pratiquement 75% des maladies infectieuses qui surviennent chez l’homme », selon le directeur de l’Institut national d’hygiène publique (INHP), Pr Bénié Bi Vroh Joseph. En Côte d’Ivoire les maladies identifiées sont la rage, les maladies dues à Mycobacterium, les fièvres hémorragiques virales (FHV) et arbovirus, les maladies dues à Brucella et les virus respiratoires (virus de la grippe aviaire hautement pathogène, coronavirus SARS CoV et MERS CoV).
« Les zoonoses sont les maladies les plus courantes et deviennent de plus en plus importantes et coûteuses pour les systèmes de santé au niveau de leur prise en charge. Pour pouvoir les cerner et mieux les combattre l’approche One Health (le concept Une seule santé) est une solution aussi bien au niveau national qu’international » soutient Dr Tizié Thierry Zan-Bi, chercheur et membre de l’équipe Stop Spillover Côte d’Ivoire-AFROHUN. Il explique que le One Health est « une approche de santé globale, systémique et unifiée qui permet de penser la santé humaine, animale et environnementale comme un seul et unique ensemble ».
Dans son mécanisme de prévention des zoonoses, la Côte d’Ivoire a choisi l’approche « Une seule santé », adoptée depuis 2007 par la Communauté internationale à travers l’alliance tripartite FAO-OIE-OMS, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Les experts ivoiriens de la santé humaine, animale et environnementale mutualisent donc leurs efforts pour proposer et/ou exécuter des programmes et projets visant à améliorer la prévention des zoonoses.
Dans cette démarche visant à promouvoir le One Health comme solution à la propagation des zoonoses, « ce n’est pas seulement le monde de la recherche qui a le monopole de la mise en œuvre du concept Une seule santé » tient à préciser Professeur Bassirou Bonfoh, Directeur d’Afrique One-ASPIRE. Les différentes composantes et couches socio-professionnelles au sein de la population doivent adhérer à la mise en œuvre de ce concept. Cela passe par la formation et la sensibilisation.
« Au niveau de la sensibilisation, les médias ont un rôle important à jouer. Ils doivent accompagner la vulgarisation des résultats de la recherche et aussi accompagner les campagnes de sensibilisation comme cela a été fait lors de la pandémie de Covid-19. Dans cette approche de santé globale, les journalistes et producteurs doivent être formés (renforcement des capacités) au niveau de la santé humaine, animale et environnementale puisqu’il existe une corrélation entre notre cadre vie, notre environnement et notre santé » explique Traoré Bakary, Directeur exécutif de l’ONG IDEF (Initiatives pour le Développement communautaire et la conservation de la Forêt).
Suy Kahofi
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